lundi 12 novembre 2007

Enceintes EGGLESTON WORKS Isabel


Origine : USA – Prix : 3400 € - Pieds : 1400 € - distribué en France par Sound Arts Network



La marque américaine Eggleston Works fait partie du gotha des constructeurs américains, entrés dans la légende grâce à des produits sans compromis à la finition exemplaire, et dont on retrouve les modèles dans nombre de studios d’enregistrement outre-Atlantique. C’est ainsi que le fleuron de la gamme EW, baptisé Ivy Reference, a été développé en collaboration avec le célébrissime ingénieur du son Bob Ludwig, et équipe désormais son studio de Portland.

Quelques principes fondamentaux président à l’élaboration de tous les modèles de la gamme : utilisation des mêmes transducteurs d’aigu, de grave/medium et de grave sur toutes les enceintes, extrême simplicité des filtres, câblés en l’air avec des composants de très haut niveau (condensateurs Hovland MusiCap, résistances Vishay, selfs à air) et, enfin, mise en œuvre d’ébénisteries complexes et hautement inertes, par ailleurs recouvertes de plaques de granit italien finement poli. La valeur perçue de ce monitor d’entrée de gamme chez Eggleston Works est donc très élevée. Il faut noter par ailleurs que ce modèle a été écouté muni de son support dédié, ce qui transforme au final ce monitor en enceinte colonne relativement trapue (et qui ne se manipule pas entre le pouce et l’index !).

On retrouve donc sur les Isabel un tweeter Esotar à dôme textile d’origine Dynaudio, d’un diamètre d’un pouce. Il est complété vers l’arrière par une chambre d’amortissement apériodique qui présente les caractéristiques d’un baffle infini. Ce tweeter fait l’objet d’une fabrication selon des standards durcis. Le grave/medium d’origine Morel (15 cm) présente un double aimant et une bobine mobile de 7,5 cm de diamètre. Il n’est pas filtré et dispose de son propre volume de charge avec évent de décompression. Le câblage interne est réalisé en liaisons Transparent Audio tandis que les borniers sont des modèles Cardas plaqués Rhodium.


Par construction, les modèles de la gamme Eggleston Works se distinguent par une exceptionnelle tenue en puissance et une très faible distorsion. Par ailleurs, de nombreux critiques ont régulièrement porté aux nues les qualités de transparence de ces enceintes, les comparant avec les meilleures réalisations électrostatiques du marché, sans qu’elles en présentent les inconvénients (fragilité, tenue en puissance discutable).

Les Isabel se complètent d’un voile de protection tendu sur une fine armature en acier qui s’aimante sur la face avant de l’enceinte.

Ecoute

Sans surprise pourrait-on dire, le système Eggleston Works Isabel s’est d’emblée imposé par ses qualités d’extrême précision et de très grande transparence ! L’ensemble du comité de rédaction est aussi spontanément tombé d’accord pour louer la pureté tonale exceptionnelle distillée par ces enceintes. Effectivement, nous sommes ici en présence d’un système à très haute résolution. L’utilisation du tweeter Esotar n’y est pas étrangère. Mais l’inertie des coffrets (on ne peut presque plus parler d’ébénisterie), l’absence totale de son «de boîte» y est sans doute pour beaucoup. En tout cas, ces modèles semblent bien avoir été étudiés dans l’optique du rapprochement maximal de l’auditeur par rapport aux musiciens ! Si elles sont correctement drivées, les EW Isabel tissent autour de l’auditeur une intime bulle de pur plaisir musical. Car haute résolution et superbe musicalité font ici très bon ménage, et c’est la deuxième très bonne nouvelle de cette écoute...

Sur l’album Autumn Leaves de la chanteuse Jacintha, l’impression de présence instrumentale est rien moins qu’exceptionnelle, tout comme la richesse et la fidélité tonale. Voici donc un système résolument orienté vers le réalisme sonore. Pour preuve, la ductilité de la contrebasse, la restitution physique et bruissante des cymbales, la sécheresse des impacts de caisse claire, la véracité toute naturelle du piano. Sans oublier la présence manifeste de la chanteuse elle-même, dont les plus infimes modulations sont transcrites avec énormément de délicatesse. Elle chante ! Sur ce premier exemple, l’extrême précision des Isabel ne nuit aucunement à la musicalité du message.

L’infime verdeur de nos modèles à peine rodés s’est ensuite accommodée à merveille des Concerti pour Hautbois, Basson et Cordes d’Antonio Vivaldi. Ici aussi, la magnificence des timbres était manifeste, que ce soit sur le hautbois, le basson, le clavecin ou les cordes. L’exécution en était très vive, très entraînante, et, en dépit d’une réponse naturellement limitée dans l’extrême grave, le message ne faisait preuve d’aucune maigreur apparente. Bruits de clés et respiration des interprètes étaient savamment dosés pour un effet de présence très réaliste.

Dans notre activité, il est parfois utile de ressortir d’anciennes galettes ! Il en va ainsi de Apple Venus du groupe XTC, qui présente en titre d’ouverture le spectaculaire et lancinant «River of Orchids». Les Isabel permettent de profiter sans la moindre frustration de la complexité du mixage de ce morceau et de son incroyable richesse sonore. Le message est littéralement exposé, décrypté dans toutes ses composantes, avec, ici encore, un irrépressible sens du rythme. Un véritable régal !

Il manque cependant à ces faux monitors l’octave inférieure nécessaire à la reproduction de l’orchestre dans sa pleine grandeur. C’est bien dommage car, du coup, la formation philharmonique est ressentie avec une pointe de frustration. Mais ces enceintes parviennent néanmoins à ouvrir un saisissant panorama sur la scène sonore, avec une focalisation et une stabilité des pupitres de la meilleure veine. L’ambiance de salle et l’étagement des pupitres sont parfaitement retranscrits. Au final, les Eggleston Works Isabel parviennent à remplir l’espace de la pièce d’écoute en se débarrassant virtuellement du mur arrière. Mais, décidemment, les coups de grosse caisse de la «Danse Infernale» de l’Oiseau de Feu sont par trop écourtés. Cela étant, les crêtes musicales ne s’accompagnent d’aucun artefact agressif. Et les différents climats de cette œuvre - alternativement énigmatique («Introduction») ou reposé («Ronde des Princesses», «Berceuse») - transparaissent avec une exceptionnelle acuité.

Conclusion

L’apparence monolithique un peu austère de ces modèles ne doit pas cacher leur véritable capacité à entraîner l’auditeur au cœur même de l’événement musical.

Car dès la prise de contact, ces enceintes à la finition superlative affichent fièrement des qualités spécifiques au matériel de très haut de gamme. Leur exceptionnelle transparence s’exprime fort heureusement avec beaucoup de sensibilité. Nous n’irons cependant pas jusqu’à dire que ces enceintes sont chaleureuses, encore moins rondelettes ! Mais leur extrême précision ne nuit jamais à leur constante musicalité. Il semble donc que les concepteurs de ce système aient atteint un équilibre quasi parfait entre résolution et expressivité.

Il s’agit cependant d’un modèle requérant une amplification de très haut niveau, inconditionnellement stable. C’est évidemment à prendre en compte lors de l’élaboration (et de l’achat !) du système dans son ensemble. Il reste qu’en dépit de leur encombrement non négligeable, les Eggleston Works Isabel échouent à explorer les fondements extrêmes des plus grandes formations. C’est dommage, car cela vient grever quelque peu leur positionnement relatif par rapport à la concurrence. Mais cette écoute donne certainement envie de (re)découvrir les autres modèles de la gamme !

Spécifications constructeur

- Type : enceinte «monitoring» à 2 voies – 2 haut-parleurs
- Principe de charge : bass-reflex (un évent à l’arrière)
- Réponse en fréquence : 60 Hz à 24 kHz (60 Hz à - 3dB)
- Sensibilité : 87 dB à 1 W à 1 m
- Impédance nominale : 8 Ohms (minimum à 6,3 Ohms)
- Puissance nominale recommandée : 80 W
- Dimensions : 240 (L) x 330 (P) x 600 (H) mm
- Poids : 25 kg pièce

Configuration d'écoute

Source : Transport Icos Fado et DAC Tablette
Préamplificateur : ATC
Amplificateur : FM Acoustics
Câblage : HiFi Câble & Compagnie Hathor (modulation) et MaxiTrans (enceintes)








mercredi 11 juillet 2007

Platine tourne-disque TRANSROTOR Fat Bob-S


Origine : Allemagne – Prix de la version complète avec bras TR 9.1 et cellule MC Transrotor Cantare : 4000 €





Un peu d’ésotérisme ?

A la rédaction de Signal sur bruit, nous adorons faire tourner les tables… de lecture entendons-nous ! Et comme nous le rappelons régulièrement dans ces colonnes, l’offre en la matière est aujourd’hui rien moins que pléthorique.

Mais à côté des classiques allemandes, des nouvelles Thorens et autres Clearaudio, qui connaît vraiment la marque Transrotor ? Il s’agit pourtant d’une marque allemande fondée dès 1971 par Jochen Räke, ingénieur mécanicien mais également électronicien passionné d’audio, initialement importateur des produits Michell outre-Rhin. Jochen se lance en 1982 dans la réalisation d’un modèle baptisé Rotary, devenu plus célèbre sous le nom de … Michell Gyrodeck.

C’est en 1986, pour répondre à une importante commande du groupe Gründig, que la marque Transrotor acquière une véritable dimension industrielle et commence à diversifier sa gamme. Cette marque dont le succès en Allemagne ne s’est jamais démenti propose aujourd’hui une gamme de plus d’une quinzaine de modèles tous évolutifs, culminant avec des machines aux poids et aux prix stratosphériques (les platines Tourbillon, Quintessence, Gravita et Artus). Dans sa version de base, le modèle Fat Bob S s’inscrit en entrée de cette gamme foisonnante, mais peut évoluer vers une configuration très haut de gamme (Fat Bob Reference).

Cet imposant objet dégage immédiatement une impression de grande classe. Imposant (le châssis et le plateau en aluminium chromé font respectivement 40 et 60 mm d’épaisseur), mais finalement assez compact, car seuls le support de bras et le bloc moteur dépassent de ce beau cylindre de 25 kg.

Le montage de la platine n’est pas excessivement compliqué. Il nécessite évidemment un peu d’attention, et permet surtout de prendre conscience de l’incroyable qualité de fabrication de tous ses élements. Le constructeur recommande l’emploi d’un support plutôt massif, et vu l’absence de suspension de la platine, il serait préférable que celui-ci lui soit intégralement dédié.

Le socle de la Fat Bob repose sur trois pieds coniques qui prennent appui dans des coupelles disposées en triangle équilatéral sur le support, dont la nature pourra influer sur sa sonorité. La bille sertie sur l’axe de rotation inversé est en oxyde d’aluminium travaillé sous hautes pression et température, de manière à obtenir une dureté et un état de surface comparables à la céramique. L’axe est strié hélicoïdalement afin d’assurer la circulation permanente de l’huile dans le palier. Deux versions de contre-plateau sont proposées : mono-bloc ou en deux pièces concentriques liées par roulement à billes et couplées magnétiquement (version TMD, voir schéma en coupe ci-dessous). La manipulation de cet élément en révèle sans ambiguïté la précision d’usinage, et son utilisation permet de réduire de moitié le pleurage et scintillement.

Le moteur est logé dans un petit boîtier chromé externe et est muni de son alimentation, elle aussi séparée. Le constructeur conseille d’abaisser très légèrement la hauteur de la poulie moteur par rapport à celle de la gorge utilisée sur le contre-plateau. De cette façon, la courroie, de section ronde, mord légèrement sur un flanc de la gorge et est ainsi amenée à tourner sur elle-même afin d’en assurer une usure régulière. On peut utiliser simultanément juqu’à trois blocs moteurs afin d’augmenter le couple de rotation !

La Fat Bob S peut, comme la plupart des modèles de la gamme, subir des modifications et améliorations conséquentes. La version écouté ici est donc équipée du contre-plateau à couplage magnétique et du bras Transrotor TR 9.1, qui n’est autre qu’un Rega 900, fortement remanié. Il est en effet entièrement recâblé, le système de contrepoids a été complètement revu par Transrotor, et un réglage d’angle vertical de lecture (VTA) est aménagé.

Esprit musical es-tu là ?

L’écoute ne décevra nullement l’amateur averti de gravures anciennes. A l’instar des platines massives, la Transrotor Fat Bob est un objet très neutre, conçu pour laisser s’exprimer les personnalités respectives des bras de lecture et cellules dont on l’équipera. Il est d’ailleurs possible de monter deux bras simultanément sur cette platine (de longueur 9 ou 12 pouces, en embases standard Rega ou SME).

Equipée d’une cellule Ortofon Rondo Red à bobines mobiles, elle délivre bien évidemment une qualité de son très «analogique», mais ne présentant pourtant pas le côté relâché, ralenti, voire imprécis de certaines productions récentes dans le domaine. Au contraire, les attaques sont franches, les instruments bien détourés, et le message n’affecte guère de lourdeur même avec des gravures riches en fréquences graves.

Pour nous en convaincre, nous avons ressorti quelques très bons albums de Serge Gainsbourg. La lecture de Melody Nelson, avec son hypnotique ligne de basse, fait référence en termes de présence sonore. Tout comme les morceaux d’Aux Armes et caetera … Il faut dire que la prise de la voix de Gainsbourg très typée «close-up» y est pour beaucoup. Mais elle est ici analysée avec beaucoup de précision, de douceur, et reproduite avec une dose modérée de sibillance. Comme à l’habitude avec des platines de haut niveau, la richesse et le relief de la scène sonore sont assez saisissants. La précision de focalisation des instruments et le pouvoir de séparation intrinsèque de cet ensemble ajoute encore au caractère réaliste de la reproduction. On guette en vain la survenue de distorsions de contact et d’artefacts typiques à la lecture des vinyls. En vain, car la modulation inscrite sur le disque est sereinement decryptée, sans aucun stress, par notre valeureuse Fat Bob S, qui n’a en fait de «fat» que le nom.

Qu’on le veuille ou non, le disque noir reste aujourd’hui encore une source inégalable en termes de restitution du grain instrumental, et ce par exemple sur les instruments à cordes. Même sur un vieil enregistrement Deutsche Grammophon, le caractère dynamique, spatial et incarné de la reproduction est indéniable. Les traits d’archets sont ressentis physiquement, les flûtes soufflent et flottent délicatement dans l’espace, l’impression de voir se déployer devant soi de véritables instruments est frappante. Les masses sonores n’affectent aucun aspect magmatique indistinct mais présentent au contraire une excellente lisibilité.

Il reste que l’on devrait pouvoir aller encore plus loin en termes de musicalité pure avec une autre combinaison de bras et cellule. Car pour pousser l’intransigeance un peu loin, nous aurions apprécié un soupçon de souplesse et de fluidité supplémentaires. Mais si l’on souhaite acquérir l’objet tel que présenté, ce qui est tout sauf un mauvais investissement, il ne faudra pas hésiter à jouer sur la force d’appui de la cellule, sur la hauteur du bras, aisément réglable, et surtout sur la tension de la courroie, qui présente une influence non négligeable sur sa musicalité. En l’occurrence, sur un morceau simple tel que le «The Man I Love » interprété au piano solo par Thelonious Monk, le rapprochement du bloc moteur à quelques 8 millimètres du socle de la platine a permis d’obtenir un message plus modulé et chantant qu’en position plus reculée. Par ailleurs, la réduction de la force d’appui de la cellule à une valeur de 2 grammes (contre 2,3 grammes conseillés par le constructeur) s’est également avérée bénéfique sur la vivacité subjective du message.

Conclusion

La platine Transrotor Fat Bob S est tout d’abord un très bel objet, usiné avec le plus grand soin, à l’instar d’autres fleurons de l’industrie allemande tels que ceux produits par des marques comme BMW ou Leica.

Il s’agit à l’évidence d’un objet intemporel, capable de traverser les âges sans prendre la moindre ride, et dont les possibilité d’évolution et de personnalisation très étendues accroîssent encore la pérennité. La conception «rigide» de cette platine en font un objet intrinsèquement simple à mettre en œuvre, l’éventuelle difficulté étant reportée sur le choix d’un support bien adapté, c'est-à-dire rigoureusement horizontal et stable, sans personnalité sonore marquée. A cette condition, la Fat Bob S constitue une plateforme d’une intégrité mécanique remarquable, susceptible de recevoir les meilleures associations de bras et cellules.

Cette platine donne en effet accès à ce que l’enregistrement analogique a de meilleur : consistance sonore, dynamique naturelle, spatialisation du message, sans pour autant sacrifier aux critères de franchise des attaques ou de précision du trait instrumental. C’est une conception très saine, d’un rapport qualité/prix attractif. Ce produit de luxe faisant tout juste son arrivée sur le marché français, la liste des revendeurs devrait être disponible d’ici peu auprès de l’importateur Alter Audio-Vidéo.

Spécifications constructeur

- Platine suspendue à entraînement par courroie, moteur synchrone
- Vitesses 33 1/3 et 45 tr/mn
- Plateau et contre-plateau en aluminium, couvre-plateau en acrylique
- Pleurage et Scintillement : NC
- Niveau de bruit : NC
- Dimensions (L x P x H) : 440 x 380 x 180 mm
- Poids : 25 kg environ

Configuration d'écoute

- Electroniques : Pré-préampli phono AQVOX Phono 2, Préampli ATC, amplis KARAN et FM ACOUSTIC
- Enceintes : VENUS Cassiopée 2
- Câblage : HIFI CABLE & COMPAGNIE Hathor (modulation) et MaxiTrans (enceintes)









vendredi 12 janvier 2007

Blocs Mono AYRE MX-R


Origine : USA – Prix : 20800 € - distribué en France par Sound & Colors



Imposante présentation que celle des blocs Ayre ! 

Dès l’ouverture des cartons, on voit que l’on a à faire à deux appareils de très haute facture : emballage interne dans des pochettes en tissu, paire de gants blanc fournie pour la manipulation, luxueux manuel d’emploi … Sans compter le poids de ces unités (il ne vaut mieux pas compter !), superbement, superlativement usinées dans des blocs d’aluminium massif.

Bien entendu, s’agissant de blocs mono, l’interface utilisateur et la connectique sont réduites à leur plus simple expression. Mais quelle expression ! Prises d’entrée au seul standard XLR et bornes de sortie haut-parleur type fourche à couple de serrage (d’origine Cardas). La commutation entre Operation et Stand-by s’effectue en appuyant tout simplement sur la LED située en face avant. Enfin, à l’instar des autres éléments de la gamme, ces blocs sont pourvus de connecteurs RJ-11 qui permettent de commander de manière centralisée la mise sous tension d’un système Ayre.

Du point de vue technique, il faut avouer que le créateur Charles Hansen ne laisse pas filtrer énormément d’informations au sujet de ces monolithes. Contrairement à ce que leur compacité pourrait laisser croire, ces blocs ne sont pas des amplis numériques, mais reposent bien sur une alimentaire linéaire surdimensionnée à double transformateur, et sur un schéma d’amplification symétrique sans contre-réaction, mais compensé par un dispositif propriétaire dit «Equi-Lock». Cette approche désormais classique chez Ayre a pour objet de stabiliser le point de fonctionnement des transistors de puissance, mais sans conditionner cette stabilisation au seul critère de dissipation thermique.

Associée à de nouveaux transistors de sortie incorporant la technologie propriétaire «Thermal Track» qui optimise leur polarisation en permanence, cette technique permet selon le constructeur d’atteindre des niveaux de résolution et de musicalité insurpassés. Signalons également l’attention portée au choix des composants, et notamment aux condensateurs polystyrène et aux résistances de précision, développés spécifiquement pour la marque. Enfin, ces unités incorporent d’entrée une fonction de filtrage secteur, qui, dans certains cas, peut être complétée d’une unité externe telles qu’Ayre en propose.

Utilisation

On pourrait croire, lorsque l’on tutoie les sommets du très haut de gamme comme c’est clairement le cas ici avec ces blocs, que l’on est en présence d’éléments totalement universels, capables de fonctionner dans n’importe quelles conditions et de s’insérer dans n’importe quel système. Il n’en n’est rien, car même (ou peut être surtout ?) les plus grands ont leurs humeurs, notamment en ce qui concerne le choix de la source et du préampli associé. En effet, cette écoute justifiait le meilleur et cette écoute a été menée avec un fameux combo franco-allemand (Drive Acustic Arts  et convertisseur Audiomat). Le caractère neutre et rigoureux des électroniques Ayre s’est ensuite admirablement accommodé de l’association avec un préampli éminemment musical et humain tel que le Nagra PL-L – mais sans doute beaucoup moins avec d’autres électroniques plus acérées. Enfin, on verra ci-dessous que deux partenariats électro-acoustiques ont donné énormément de satisfaction. Mais attention, la mise en œuvre de telles unités, dans un système cohérent, réclame à l’évidence une attention toute particulière, et des possibilité d’optimisations via le changement des câbles, le recours à un filtre secteur, l’installation sur des supports de qualité, etc …

Ecoute

Au prix actuel du mètre carré immobilier dans la plupart des grandes villes de France, l’amateur de musique fortuné pourra alternativement choisir de consacrer une bonne somme au remplacement de son amplificateur de puissance par les nouveaux blocs mono Ayre. Car, en plus de faire de la musique, beaucoup de musique, il n’est pas faux de dire que ces appareils ouvrent de nouveaux horizons acoustiques à la pièce d’écoute, sans qu’il soit besoin de changer de domicile pour autant.

Mais c’est tout d’abord par un phrasé incomparablement subtil, délicat et … aéré que se distinguent ces unités. Les Ayre extraient de chaque trait musical, de chaque accord et de chaque note un sentiment de plénitude, une mise en relief qui forcent respect et admiration. L’enveloppement dans l’événement musical est total, et ce, étonnamment même avec des enceintes simples – nous n’iront pas jusqu’à dire modestes – telles que les Totem Forest. Le message se déploie ainsi de manière totalement libre, fluide pour ne pas dire liquide, et plonge l’auditeur dans un véritable bain de jouvence. Cette première association peut évidemment paraître déséquilibrée, mais d’une part elle correspond bien à la philosophie de certains facteurs d’enceintes, et d’autre part, elle permet de prouver qu’une enceinte, même abordable, peut voir sont potentiel décuplé lorsqu’elle est alimentée par une électronique sans compromis.

La première écoute, avec un ensemble baroque, fait donc merveille grâce à l’effet de présence totale des instruments et des musiciens qui les animent, la mise en relief de toutes les lignes instrumentales y compris les plus tenues, celles que l’on ne perçoit pratiquement jamais même sur de très bons systèmes. Le lieu d’enregistrement est merveilleusement décrit et déployé. La tenue des fins de notes et de phrases est exemplairement longue, tout comme la tenue en bouche des arômes d’un très grand cru. On comprend également ici ce que le très haut de gamme apporte en matière de révélation des plus infimes modulations musicales. On pressent également une réserve dynamique exceptionnelle, mais qui s’exprime sans intransigeance ni accablement pour l’auditeur. Sur ce programme, le besoin de baisser le niveau ne se fait jamais sentir, même à niveau élevé. En écoute à l’aveugle, il devient quasiment impossible de localiser précisément les enceintes, encore moins d’apprécier leur taille réelle, manifestement décuplée par la puissance et la tenue de nos nouveaux monolithes.

Autre programme, autre association, plus raisonnée peut être. Nous installons une paire de Dynaudio C2 et laissons l’orchestre symphonique de la NDR de Hambourg se déployer avec magnificence. L’enregistrement écouté ici, réalisé en public de manière assez sobre et naturelle mais manifestement moins «fouillée» que dans des conditions studio, recouvre via les blocs Ayre une précision (spatiale) et une vigueur dans l’expression qu’on ne lui connaissait pas. La scène sonore se déploie en effet de façon magistrale (davantage en profondeur qu’en largeur, en l’occurrence), la focalisation des groupes instrumentaux et de certains solistes redevenant pleinement appréciable.

Du point de vue spectral, l’équilibre est manifeste, tout comme l’absence apparente de limitation aux confins du spectre. Comme avec les autres disques écoutés lors de ce test, la palette des timbres paraît illimitée, et donne une version particulièrement colorée et chantante de la 3e Symphonie de Brahms. Tous les registres présentent une égale transparence, une égale tonicité, de sorte que l’on a l’impression d’être devant une fenêtre, ou plutôt une grande baie, largement ouverte sur l’événement musical. Il ne s’agit pour ainsi dire plus d’une reproduction électronique, plus ou moins brillante, d’un signal enregistré. L’absence de crispation, même sur les crêtes de modulation les plus vives est manifeste. L’écoute même distraite et à volume réduit – aux moments où l’attention, y compris du plus obstiné des chroniqueurs, se relâche – parvient à surprendre par son ampleur inhabituelle.

L’effet de présence est total même à l’écoute de vieux enregistrements, tel que ce Ah Um de Charles Mingus, il est vrai admirablement remasterisé par Columbia Jazz. La scansion de «Goodbye Pork Pie Hat» est admirable. Chaque ligne instrumentale est analysée et reproduite avec une acuité confondante. On suit les moindres inflexions et contretemps avec une lisibilité exemplaire, ce qui confère au morceau une matérialité et un côté humain absolument inouï. Encore une fois, l’aspect musique enregistrée s’efface presque totalement pour laisser place au jeu, aux gestes des instrumentistes et à leur situation dans l’espace.

Pour achever cette écoute, nous avons ressorti un intéressant opus brésilien. Non pas un grand classique des années 70, mais l’excellent Na Pressão du brésilien Lenine, savant mélange de rock/world et bossa nova, parsemé de nombreux effets, bruitages et artefacts travaillés. Ici aussi, les blocs mono Ayre nous jouent un grand tour de maîtrise totale des transducteurs et de transparence vis-à-vis du signal incident … L’analyse de la voix de Lenine le rend infiniment proche, comme s’il l’on assistait en direct à l’enregistrement. La rythmique est poussée avec une facilité déconcertante : les informations rythmiques rebondissent allègrement et confèrent aux morceaux une vitalité incomparable.

Conclusion

Les blocs mono Ayre MX-R constituent sans aucun doute possible une réalisation exceptionnelle tant du point de vue de la qualité de fabrication, des performances techniques ou du résultat musical que l’on peut en obtenir. Grâce à ces unités, l’expression musicale s’expose dans ses moindres détails, avec néanmoins une mise en lumière bien dosée des plans et des effets, de manière à éviter l’effet de loupe systématique qui caractérise parfois certains gros systèmes. Bien entendu, la réserve de puissance, et au-delà de ce simple critère, de dynamique pure, est réellement impressionnante. Tout comme la bande passante, subjectivement illimitée. Pour autant, ces électroniques ont leur caractère, qui en toute logique ne s’accordera pas forcément à celui du premier venu ! Leur capacité à faire vibrer l’air entre les instrumentistes, à présenter une version souple et allègre du message ne doit pas cacher leur côté très rigoureux, voire sec, en tout cas dénué de toute trace de rondeur. Neutralité et intégrité sont ici portées à leur paroxysme. Il faudra donc prendre garde au choix des maillons qui leur seront associés. Une fois ce travail effectué, un immense plaisir attend l’auditeur. Le prix à payer pour disposer d’une telle excellence reste malheureusement très élevé.

Spécifications constructeur

- Puissance de sortie : 300 Watts sous 8 Ohms, 600 Watts sous 4 Ohms
- Gain : 26 dB
- Réponse en fréquence : 0 Hz à 250 kHz
- Impédance : 2 x 1 MOhm symétrique
- Consommation : 120 W au repos
- Dimensions : 28 cm x 48 cm x 9,5 cm
- Poids : 23 kg

Système utilisé

- Source : lecteur Acustic Arts Drive 1 et convertisseur Audiomat Tempo
- Enceintes : Totem Forest, Thiel CS 2.4 et Dynaudio C2
- Câbles : Linn symétrique et Ecosse SMS 2.3 en liaison enceintes