mardi 30 décembre 2008

Hector Zazou et Swara - In the house of mirrors



Voici typiquement le genre de disque que j'adore !
Pour son dernier In the house of mirrors, Hector Zazou avait rassemblé quelques amis de choix, en positionnant son ami le « luthiste » ouzbek Toir Kuziyef en figure centrale de son ensemble. Et l’on trouve sur ce disque une collection de ballades sensibles plutôt acoustiques inspirées du folklore d’Asie mineure. Elles s’égrènent en une succession de très beaux et très purs blues ethniques à la lente et hypnotique pulsation. Les interventions et arrangements électroniques réalisés par l’auteur restent discrets, et sont toujours parfaitement intégrés au contenu musical.


L’ensemble déploie ici de riches tentures musicales soyeuses et moirées, tissées de sonorités d’une grande richesse. Dont celles, presque imprévues, de la slide guitar de Manish Pingle, de la harpe de Milind Raikar ou de la trompette délicieusement acide de Nils Petter Molvaer. Les bases mélodiques de tous les morceaux reposent en outre sur les tanbur (ici à gauche), oud (ci-dessous à droite), saz, ou sato ouzbeks amenés par Toir Kuziyef. Il s’agit d’instruments à cordes (pincées ou frottées) apparentés à la famille des luths, qui se caractérisent par une caisse de résonnance assez courte mais très bombée terminée en un long manche muni de nombreuses frettes. Ces instruments font partie du patrimoine instrumental de l’Asie mineure et du moyen orient et développent des timbres épicés.
Un répertoire et une mise en scène sonore qui seront familiers aux oreilles des amateurs de Hadouk Trio, du label Real World ou des compilations Network Records (cf la très fameuse série Desert Blues). Et les plus critiques ne verront peut être dans In the house of mirrors qu’une jolie construction réfléchissante, qu’un simple concentré planant de world-music, aux ingrédients d’origine certifiée mais à la saveur connue. A dire vrai, la démarche développée ici n’est plus en elle-même tout à fait originale. Mais qu’importe ! Grand magicien français de la fusion musicale récemment disparu, Hector Zazou l’a quand même pratiquée pendant plus de deux décennies et en est bien l’un des pionniers mondialement reconnu. Que lui restait-il donc à prouver ?

La production de cet album, merveilleusement enregistré et mixé, ne suscite que des éloges.
Sa réalisation technique est tout d’abord à l’image de son effectif musical : foncièrement cosmopolite, puisqu’elle s’est déroulée dans des studios situés en Inde, en Bulgarie et en France, avec une session de mixage final réalisée à la Maison de Radio France. Le résultat brille néanmoins (et heureusement) par son unité.
Les instruments jouissent d’une définition poussée, d’une très belle richesse de timbres et d’une focalisation très précise dans l’espace. La scène sonore est large et bien mise en relief, avec quelques effets de lointain (sur les phrases de trompette en l’occurrence). La dynamique s’exprime avec une belle et constante liberté, le recours à la compression s’avérant difficilement détectable en tant que tel. L’extension dans le bas du spectre est saisissante : les samples de percussions et certains des traitements sonores appliqués par Hector Zazou génèrent un extrême grave profond et spectaculaire mais qui n’est jamais envahissant tant il reste précis et ferme. Les instruments présents dans le haut-medium et l’aigu sont quant à eux toujours vibrants et cristallins, sans aucun effet d’étouffement ou d’agressivité.
L’ensemble des morceaux présente donc une ductilité et une consistance qui garantissent un plaisir d’écoute immédiat et même quelques beaux frissons.

Voici un opus qui pourrait bien s’ajouter à la liste de mes enregistrements de référence.
Allez, ne boudons pas notre plaisir : qui va s’y ajouter !

mercredi 24 décembre 2008

Clarys - Noce de singe



Ma découverte de Clarys remonte à une soirée d’Octobre 2008 où la chanteuse et son groupe se produisaient à la Maroquinerie. Malheureusement arrivé en retard, je plongeai en hâte vers les obscures fondations de l’endroit, pour assister à ce qu’il convient d’appeler une forme de communion, d’osmose, entre la chanteuse et le public, assis par terre.
Il faut admettre que la formation dégageait un magnétisme puissant, auquel n’était étrangers ni la frappe vigoureuse de l’étonnante batteuse Marion Granjean, ni la prestation du guitariste Guillaume Magne, sorte d’apparition christique au son acéré et aux riffs économes mais dévastateurs. Sans oublier, évidemment, cette forme d’envoûtement vocal assuré par Clarys Pivot elle-même, leader du groupe.


L’album Noce de singe, sorti peu avant, rassemble un personnel plus vaste, et adresse avec mélancolie des thèmes souvent personnels, passionnels ou désabusés. Mais dans une écriture plutôt elliptique, savamment dénuée du trop fréquent nombrilisme ostentatoire affiché par tant de jeunes artistes faisant leurs premiers pas sur scène ou en studio.
Ce qui frappe d’entrée à l’écoute de ce court album (36 mn au compteur), c’est sa qualité musicale, sa richesse d’inspiration, et surtout cette manière qu’a le groupe de ne jamais se reposer sur ses lauriers au sein d’un même morceau, de ne jamais répéter deux fois la même chose. Même si, évidement, une certaine et sombre unité se dégage du disque.
En revanche, presque tous les morceaux profitent d’une instrumentation diversifiée et d’une singulière science de la rupture, au service de compositions qui font mouche. On découvre les titres de Noce de singe, on y revient vite par curiosité, et on les adopte dans l’urgence par pure nécessité.
La production est précise et soignée, mettant bien en valeur une instrumentation variée aux effets simples et percutants. Clarys possède une voix assez envoûtante, à la fois posée et fatale, et que la prise de son rend à merveille sur tous les titres.
« Songes », qui ouvre l’album, est mélancolique à souhait et donne donc la tonalité d’un album introspectif jouissant d’une sobre mais intense dramaturgie musicale. Un peu plus loin, le décapant « Monsieur » - qui bien que fumant « des Craven A au porte-cigarette» est « de ceux qui font semblant d’avoir… » (l’air, mais de quoi ?) - suggère avec une portée toute universelle un épisode sentimental malheureux qu’aurait pu vivre Clarys – à conseiller surtout aux garçons, les filles connaissent la musique !
C’est sans doute le titre « On boit » qui a fait dire à la critique que Clarys est une sorte de PJ Harvey hexagonale. L’habile combinaison instrumentale de guitares électriques et de Fender Rhodes au son bien sale donne en effet quelques indices. Mais si l’association avec la chanteuse anglaise est certes immédiate, ce n’est certainement pas au sens où l’on pourrait dénoncer un insipide plagiat.
S’il faut trouver des points d’orgue à cet album, qu’on me permette d’afficher ma fascination pour les titres « Elle avait » avec son riff prédateur et son piano bastringue, et « Building », un morceau qui distille une mélodie au raffinement déchirant, auréolé de nombreuses trouvailles sonore (acoustiques et électriques), et de chœurs merveilleusement éthérés.

Sans oublier le noir et quasi-abyssal « Sadie ». Oh Clarys, tu nous fais mal tu sais, mais ça fait du bien.

Et parmi les titres de conclusion, on citera aussi « Libertango », reprise gentiment rock du titre d’Astor Piazolla, qui se compare sans peine à la version industrielle de Grace Jones, avec laquelle cette dernière faisait naguère chavirer les dance-floor.

On attend avec impatience un futur produit de ces premières noces.


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lundi 8 décembre 2008

Système Linn Klimax


Une écoute qui ne laisse pas 
l'auditeur sur sa faim !


Composition du système

° Sources : serveurs Linn Klimax DS (15 000 €) et Linn Akurate DS (5 200 €), lecteur Akurate CD (6 290 €)
° Préampli : Klimax Kontrol (10 700 €)
° Amplis : blocs Klimax Solo (20 700 €)
° Enceintes : Klimax 350 (25 100 € en version passive, 38 900 € en version active intégrée )
° Câblage modulation et haut-parleurs : Linn



Présentation des acteurs

Les démonstrations effectuées par le magasin Audio Synthèse les 5 et 6 décembre derniers constituaient tout d’abord l’occasion de présenter les nouvelles enceintes Linn Klimax 350, en version semi-passive (voir explication ci-dessous). Ces massives ébénisteries galbées et biseautées ne sont pas à proprement parler discrètes, mais elles sont plutôt élégantes, surtout dans leur version laquée noire (surcoût à prévoir de l’ordre de 3000 € pour une paire) installée dans l’auditorium du rez-de-chaussée du revendeur parisien.

Ces très beaux modèles embarquent donc le fameux «pod» développé par Linn il y a plusieurs années sur le modèle Komri, ici dans sa version «3K». Cette pièce d’aluminium abrite effectivement trois haut parleurs, dévolus respectivement au haut-médium, à l’aigu et à l’extrême aigu. En l’occurrence, il s’agit du même pod et des mêmes transducteurs que ceux équipant par exemple les modèles 242 du constructeur écossais.

Mais la Klimax 350 se complète d’une unité bas-médium spécifique de 17 cm et de deux haut-parleurs graves de 20 cm, ces derniers étant actifs (c'est-à-dire munis de leurs propres filtres et amplificateurs, contenus dans l’enceinte) et asservis (pour un meilleur contrôle de l’excursion des membranes).

Comme souvent chez Linn, ces enceintes présentent autant de paires de borniers qu’elles comportent de voies «passives», et pourront donc évoluer par l’adjonction d’autant d’unités d’amplification (soit quatre au maximum, en plus des deux voies grave amplifiées par construction).

Le châssis métallique amovible arrière qui les équipe pourra en effet accueillir des modules d’amplification actifs dérivés de la série Chakra (200 Watts par canal), pour en faire un modèle «intégré» totalement autonome du point de vue de la puissance. Dans cette configuration, une entrée symétrique XLR niveau ligne équipe ce modèle. Dans la version active, il suffira d’y raccorder la sortie d’un préamplificateur.

Justement, le nouveau préampli Klimax Kontrol est là, mais est en l’occurrence accompagné de deux amplis Solo juste tièdes, qui attaquent chacun les voies médium à extrême-aigu d'une enceinte, via un câblage quadruple. Finalement, le contraste est saisissant entre la discrétion absolue et racée de ces électroniques et l'opulence bourgeoise des enceintes Klimax 350 !







Et c'est Jean-Yves Bassaler lui-même, importateur de Linn en France depuis de nombreuses années, qui s'était placé aux commandes du système, grace à un i-phone (malheureusement pas fourni par Linn !) et à l’utilitaire Linn Gui chargé sur un PC portable.  Le Linn Gui assurait ici l'accès aux bases de données musicales, pilotait les serveurs Klimax DS (voir notre article) et Akurate DS (à gauche sur la photo), et permettait le réglage de volume et de sélection des sources du préampli Kontrol. Un utilitaire destiné à évoluer en offrant notamment la visualisation des pochettes des CD copiés dans le disque dur associé.


Écoute

Le serveur Klimax DS placé en tête de cortège, nous commençons l’écoute par un morceau de Patricia Barber – où la contrebasse affiche immédiatement une tenue extrêmement ferme, sans excitation des résonnances de la pièce. Mais une des premières choses qui frappent, c’est la restitution de la scène sonore et de l’ambiance du lieu d’enregistrement, qui sont hyper-lisibles et totalement décorrélées de la position des enceintes. On sent bien dès ce premier extrait que l’on se trouve en face d’un très grand système. Nous constaterons d'ailleurs de manière répétée avec les autres enregistrements écoutés que la scène stéréophonique dépasse facilement le cadre de la pièce, en largeur comme en profondeur, mais uniquement lorsqu’il le faut.

Sur cette première écoute, toutes les lignes instrumentales sont également présentées avec une lisibilité maximale. La voix est à la fois très présente et bien dessinée, et met en exergue de nombreux bruissements de bouche ultra-réalistes. Mais sans effet artificiel de proximité exacerbée. Et en tous cas, nous n’avons aucun problème de compréhension des paroles !

La trompette de Paolo Fresu succède au chant de Patricia Barber. Éclatante de réalisme, énergique et rutilante comme si le musicien était dans la pièce ! Tandis que la progression dans la reprise de Charles Trenet «Que reste t-il de nos amours» déroule un très beau tapis tissé de piano, de contrebasse et de glissements délicats des balais du batteur sur les peaux et les cymbales. Et toujours, cette impression de liberté totale de la scène sonore, très stable et ample, mais ne faisant jamais ressortir ses deux points d’ancrage dans la pièce. Un court extrait du disque Bach Coltrane de Raphaël Imbert (que nous aimons beaucoup, voir notre critique) manifeste également une profondeur impressionnante et un suivi mélodique sans faille. Ce sont les qualités de fluidité extrême du système qui sont ici éprouvées, exclusivement pour le meilleur !

Et c’est l’heure d’une petite comparaison de standards que permet facilement le Klimax DS…

Claire Martin en mp3 au débit de 320 kbit/s est déjà étonnamment convaincante, surtout lorsque l’on considère la transparence – pour ne pas dire l’intransigeance - des éléments situés en aval de la source. Le passage au format CD (16 bits/ 44,1 kHz) apporte évidemment un net surcroît de naturel et de matière instrumentale. Cette progression qualitative se poursuit avec le passage au débit Master Audio (24 bits / 96 kHz), tout en étant moins marquée que lors de la première transition. Disons que les différences sont à la fois plus subtiles… et finalement plus essentielles ! Car ce sont bien la clarté de la voix et l'expressivité de la chanteuse qui sont ici portées à leur… «climax».

Même effet sur Sarah K où l'écoute en mp3 est déjà très précise. Le passage au standard CD accroît la propreté du message‚ tout en rendant une forte impression de présence, néanmoins exempte de toute dureté ou insistance. Une première oreille pourrait à tort laisser craindre une exagération de l’effet de présence. Après quelques dizaines de secondes d'écoute, on comprend qu’il n'en n’est rien. Il n’y a ici aucune exagération systématique. Mais nous avons probablement peu l'habitude d'entendre autant de choses à partir d’un simple CD. Nous sommes ici en présence d'un système d'une transparence réellement exceptionnelle !

Nous profitons maintenant de cette collection riche en sources pour effectuer une comparaison d’appareils. A la demande générale, c’est l’inusable «So What» de Miles Davis qui sert d’étalon ! Avec l’Akurate CD, la restitution affiche de la bonne humeur et une indéniable richesse tonale : le rythme du morceau est entraînant, les timbres sont justes et la largeur de bande déjà tout à fait surprenante.

Avec l’entrée en scène de l’Akurate DS, la contrebasse de Paul Chambers paraît bien plus modulée, on perçoit beaucoup plus d’informations de salle‚ la musicalité est un cran supérieure. Le piano de Bill Evans à gauche de la scène est mieux détouré et nous parvient accompagné de l'acoustique du studio. Le saxophone de John Coltrane est également plus plein et plus présent.

Enfin, avec le Klimax DS, le souffle de l’enregistrement apparaît immédiatement en net recul, la contrebasse très alerte chante de manière incroyable, et tout le morceau semble interprété avec une légèreté et une musicalité supplémentaires. Il y a de nouveau beaucoup de présence et de douceur dans cette interprétation. Le détourage instrumental est parfait et totalement stable !

L’évidence de ces comparaisons est également à porter au crédit de la transparence des enceintes Klimax 350, qui font clairement penser à des panneaux, avec évidement une performance dans le grave totalement intégrée au reste du message‚ et difficilement égalable dans l'absolu ! Nous sommes ici dans la cour des (très) grands et, à titre de comparaison, l’évocation de noms tels que BW Nautilus, ProAc ou Eggleston Works vient naturellement à l’esprit.

Nous gardons le Klimax DS pour enchaîner la suite de l’écoute, qui alterne morceaux classiques et jazz. Profitons-en, ça ne coûte rien (tant que l’on ne repart pas avec ! ). En dépit de son côté (très) daté du point de vue des timbres, la Tosca de Puccini, version Georges Prêtre - Maria Callas de 1964, donne à visualiser une scène sonore immense et une ampleur très surprenante tant en largeur de bande qu'en dynamique.

C’est même assez troublant, car cette version est à la fois spectaculaire et, pourrait-on dire, assez douloureuse sur le plan tonal, par comparaison avec une bonne prise moderne. Même constat sur la Gioconda de Ponchielli (version Montserrat Caballé - Luciano Pavarotti), où le contour des instruments semble tracé à l'aérographe tandis que leur placement est d'une rare évidence.

Le deuxième concerto pour piano de Rachmaninov, version Vladimir Ashkenazi – Bernard Haitink et le ConcertGebouw d’Amsterdam (Decca) est exemplaire de démonstrativité, en dépit de certaines crêtes dynamiques qui peuvent crisper transitoirement l'oreille. Une version de la première symphonie de Malher par Claudio Abbado sur DG nous laisse par contre sur notre faim, tant du point de vue de la dynamique, sensiblement contrainte, que de la séparation des pupitres, cette fois très moyenne. C’est bien à cela aussi que l’on reconnaît les systèmes de très haute résolution !

Allez, une petite incursion dans le registre rock avec Dire Straits… Tiré de l’incontournable Love over Gold, l’introduction au synthé de «Private Investigations» affiche immédiatement une profondeur et un niveau d’analyse hallucinant qui laisse pantois ! Mais c'était sans même compter sur le niveau de grave abyssal qui se développe lors de l'entrée en scène de l'instrument... Tout le morceau est un véritable festival sonore, d'autant qu’il est richement instrumenté ! Tour à tour, le synthétiseur, la guitare sèche, la voix et la guitare électrique de mark Knopfler, le vibraphone, le piano et les différents bruitages ressortent avec une acuité inouïe. Sans oublier les saisissants impacts de la batterie. Cette restitution semble laisser passer la totalité des informations enregistrées, dont il faut croire que nous ignorions beaucoup !

Comme l’exprime une personne présente dans l’auditorium, l’enregistrement démontre cependant une disparité certaine, avec une qualité de prise qui va d'excellente à discutable selon les instruments. Mais nous tombons d'accord sur le fait que nous n'avons jamais entendu version plus détaillée, plus détourée ni plus spectaculaire, y compris au vinyle ! Il s'agit pourtant d'une réédition CD du tout-venant !

Conclusion

Le système Linn Klimax se distingue principalement par ses qualités de transparence superlative et de savante musicalité, et résume bien la philosophie inlassablement suivie par le constructeur depuis ses débuts. Car pour Linn, il n’y a rien de plus important que d’extraire et de restituer, de manière tout à fait intègre, le maximum d’informations sonores inscrites sur les supports du commerce (disque vinyles, CD, fichiers audio). Selon le constructeur, c’est à cette seule condition que la reproduction pourra être musicale. Pourra, car il reste évidement à tenir compte des conditions mêmes de la prise de son, de la forme et de l’inspiration des interprètes, de la manière dont sont effectués ensuite le mixage et le mastering. Et l’on sait que tous les enregistrements ne sont pas égaux de ce point de vue ! La transparence sonore, la mise en relief des plus infimes détails de jeu et des ambiances de salle ne sont donc que le corolaire de cette démarche et ne constituent pas une fin en soi.

En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on pourrait d’ailleurs dire qu’un système Linn n’est pas musical en lui-même, mais qu’il donne (sans doute plus qu’un autre) la possibilité à la musicalité d’une œuvre de se développer et de s'épanouir. Du coup, il ne faut pas attendre de maillons Linn la moindre complaisance ou flatterie. Et sur un système tout-Linn de ce niveau, cette propriété est en quelque sorte portée à son paroxysme.

On ne pourra donc pas dire d’une écoute Linn qu’elle est «typée», puisqu’elle se distingue au contraire par une très grande neutralité, par une absence caractérisée de coloration ou d’artefact répétitif. Mais on peut aussi concevoir que pour certains auditeurs, cette «esthétique» sonore et musicale puisse presque être perçue comme trop franche, trop droite. Dans ce cas, notons que le passage à l’actif sur un système Linn apporte en général une fluidité encore supérieure, une subtile restitution du legato - cette infime prolongation des notes jusqu’au silence - dont la musicalité d’une œuvre se nourrit. Mais on n'y trouvera jamais d'embellissement ou de chaleur systématique.

D’autres constructeurs suivent une approche un peu différente, en n’accordant pas autant d’importance à la stricte intégrité au signal d’origine, et en essayant - le cas échéant un peu plus loin dans la chaîne - de masquer ou de compenser ses éventuelles carences par quelques artifices ou rondeurs bien placées. Si cela est fait intelligemment et de manière très dosée, pourquoi pas ?

Dans des conditions domestiques où certaines contraintes peuvent exister (niveau sonore maximum, résonances de local), on peut effectivement préférer, à la vérité parfois crue de certains timbres ou écarts dynamiques, une restitution adoucie, chaleureuse, ou chatoyante. Mais il faut alors reconnaître que tout systématisme en la matière écarte de l’esprit même de la haute fidélité …

Pour sa part, Linn a détourné à son profit, il y a plus de trente ans, la maxime «garbage in, garbage out», déjà bien connue à l’époque dans le monde informatique, pour développer une approche rigoureuse de la haute-fidélité et de la tâche de chacun des maillons concernés. Un mauvais enregistrement lu sur un système Linn restera donc irrémédiablement mauvais !

En revanche, et ces quelques heures d’écoute le démontrent amplement, les bons enregistrements existent, et foisonnent même ! Y compris dans les anciennes gravures, y compris dans les inévitables repiquages numériques (dont on ne sait pas souvent comment ils ont été faits) de morceaux historiques. Et si certains démontrent une qualité inégale, un système d’un tel pouvoir d’analyse permet de mettre totalement en lumière ce qu’il y a de réussi dans un enregistrement, et de bien cerner - pour ainsi dire d'écarter et d’isoler - ce qui l’est moins.

Il reste que tout cela a un prix, très élevé il est vrai, mais parfaitement justifiable au regard des technologies mises en œuvre, de la finition et de la fiabilité poussées de ces produits, et, au final, de l’incomparable plaisir d’écoute qui en découle. Et si votre portefeuille sort éreinté après l'acquisition d'une telle configuration, rassurez-vous :  même après de très longues heures d’écoute à fort volume, la fatigue auditive que vous ressentirez sera quasi nulle.  Ce qui est une autre marque distinctive des très gros systèmes bien conçus.


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