mardi 10 avril 2012

Audio Days 2012 : rencontres professionnelles

Rencontrer les concepteurs, 
dans l’intimité des studios...



Outre les salons pour amateurs, il existe bien évidemment d’intéressantes rencontres pour professionnels du son. Les Audio Days en font partie. Ces journées sont organisées annuellement, à chaque fois dans un studio d’enregistrement différent - c’est à dire en situation - et permettent de voir, manipuler et écouter du matériel, de rencontrer des fabricants et d’assister à des conférences de très instructives. 


On s’étonne souvent de l’indifférence polie - voire condescendante - dans laquelle se tiennent les mondes de l’audio pro et de la haute fidélité. Cette fois-ci, la manifestation, qui se tenait les 26 et 27 mars derniers au Studio de la Grande Armée (Palais des Congrés de Paris), présentait quelques marques qui font aussi parler d’elles dans les milieux «audiophiles». Mais rien de comparable ici aux grands shows qu’il faut aborder avec un esprit (et des jambes) de marathonien ! Ces Audio Days restent à taille humaine, même si certaines conférences/démonstrations étaient en l’occurrence assez surbookées. 400 personnes environ y sont venues, selon les organisateurs.


On pouvait par exemple approcher de très près les prestigieux micros Josephson et s’entretenir avec Kelly Kay, un de leurs concepteurs, qui donnait également une intéressante conférence sur les micros électrostatiques. Josephson s’enorgueillit d’avoir repris à zéro les principes de conception des micros, et propose une gamme de produits ultra performants à défaut d’être abordables. C’est peut être un détail pour vous, mais l’une des innovations mises en avant par la marque concerne la conception des «baskets», c’est à dire de la tête renfermant les précieuses capsules transductrices. Josephson regarde en effet avec suspicion l’accumulation de grilles et autres écrans pas toujours acoustiquement très transparents autour de la membrane. Sans compter les phénomènes de réflexion interne au sein de cette cavité. Ce constructeur se vante donc d’avoir mis au point des procédés de moulage par dissolution de matière permettant un «degré d’ouverture» exceptionnel (proche de 75 %) vis à vis des membranes. Ce n’est évidemment pas le seul argument technique mis en avant par la marque, mais à l’instar de ce que font certains constructeurs audacieux, cela est révélateur de l’ampleur de la relecture à laquelle se livre Josephson.


Cette nouvelle approche du micro statique a effectivement séduit plus d’un professionnel, dont le talentueux ingénieur du son Philippe Tessier du Cros, venu avec son compère Raphaël Jonin, star française du mastering. Tous deux faisaient écouter des fichiers audio haute définition de leur cru à partir d’un Nagra VI, en l’attente de l’ouverture de leur site de téléchargement hd-audio-filesSur ce site, l’amateur averti ne trouvera que de la véritable haute définition, c’est à dire au minimum des fichiers audio au format 24 bits - 88,2 kHz. Et pas n’importe quels enregistrements, mais des projets originaux conçus en amont avec les musiciens et qui feront l’objet de prises de son très soignées, dans des acoustiques recherchées. 
Car Philippe Tessier du Cros le résume bien : «L’intérêt de la vraie hd réside, pour l’auditeur correctement équipé qui consacre du temps à l’écoute, dans une bien meilleure restitution des ambiances, des acoustiques de salles, de ce qui se passe autour des silences. Et internet nous offre aujourd’hui la possibilité de revendre directement ces enregistrements, sans aucune des pertes liées au report sur un support tel que le CD. Par contre, une prise de son de piano  réalisée avec un micro situé à trois centimètres de l'instrument dans une acoustique médiocre n’a que peu d’intérêt, et ne justifie souvent pas une restitution en haute définition.» Les producteurs de hd-audio-files nous garantissent donc une pureté sonore et musicale de premier plan, avec un minimum d’intermédiaires - qu’ils soient matériels, contractuels ou logistiques - entre la musique et l’auditeur ! Ouverture du site prévue dans quelques semaines...


Nos amis de Devialet et leur ampli intégré D-Premier, bien connus des audiophiles, sont désormais présents aussi dans le milieu professionnel, tant il est vrai que certains ingénieurs du son, experts du mixage et du mastering ont été séduits par ce formidable appareil. 
Mais chez Devialet, au moins pour l’instant, la politique produit reste «unitaire» : le D-Premier (ici au premier plan, présenté dans le plus simple appareil) est toujours la seule référence de la marque, qui plutôt que de lancer de nouveaux produits, préfère pour l’instant lui faire subir des upgrade software et mettre en œuvre ses fonctionnalités réservées. Telles l’interface Wi-Fi, qui permet désormais avec le D-premier de se passer de serveur numérique pourvu que l’on dispose d’un simple ordinateur. Et les écoutes menées dans le studio montraient à l’envi que cette entrée numérique dématérialisée pour musique dématérialisée fonctionne merveilleusement.




Chez les pros, les tables de mixage, préamplis et racks d'effets s’appellent AMS-Neve, Tornade ou encore Elysia. Il s’agit là aussi de marques typées haut-de-gamme, mais qui ne développent pas de ligne de produits grand public. C’est d’ailleurs dommage, lorsque l’on écoute leurs utilisateurs en parler !




Jean-Jacques Bacquet préside aux destinées de Klinger-Favre, marque prestigieuse mais finalement assez méconnue du grand public et démontrait au Studio de la Grande Armée trois modèles d’enceintes conçues dans l’est de la France. Les Studio 15, que l’on voit ci-dessus épauler le D-premier, et dans une autre cabine les petites D36 et les grosses Studio 30, animées par le DAC et l’amplificateur de puissance Précision Studio fabriqué par ce constructeur. En source, un lecteur EMM Labs, référence naturelle dans le mode professionnel.


Tout l’ensemble était câblé argent via des réalisations également estampillées Klinger-Favre. «Mais peu importe le matériau pourvu que l’on ait le frisson...» martelait leur concepteur avec délicatesse, expert qu’il est des signatures sonores propres à chaque métal ou alliage, et riche du savoir faire nécessaire à la réalisation de bonnes connexions. Les fils d’argent utilisés dans ces câbles sont traités et tressés de telle manière que les reproches de surbrillance que l’on adresse parfois à ce métal étaient ici totalement absents. Sans parler de l’étonnante souplesse de ce câble, qui d’extérieur évoque plutôt de la cordelette marine de diamètre modéré.

Au delà des électroniques et des câbles, de toute évidence excellents, il convenait de s’extasier (le mot n’est pas trop fort) devant la restitution superbe de clarté et de profondeur que délivrent les enceintes Klinger-Favre, et notamment l’étonnant «petit moniteur» D36 (6000 €). 
Fort de son expérience trentenaire, le constructeur parvient sur ce modèle à séduire à la fois les professionnels du mixage et les heureux mélomanes qui connaissent cette marque, grâce une lumineuse transparence et une fluidité de restitution irréprochable. Les timbres sont hyper-fidèles quel que soit le registre instrumental, qualité qui n’a pas échappé aux professionnels présents pendant ces journées. Ils sont d’ailleurs assez nombreux déjà à connaître Klinger-Favre, car Jean-Jacques Bacquet est aussi un architecte acousticien - très prisé notamment outre-Atlantique - qui réalise des aménagement complets de studios et de salles de concert. Point fort très apprécié des ingénieurs du son et utile aussi dans le cadre d’une écoute domestique : la stabilité et la précision de l’image stéréo ne varie pratiquement pas quelle que soit la position de l’auditeur, et ceci sans faire appel à une technique de diffusion particulière (tout au moins en apparence). Fini le contraignant sweet-spot !

Quant à l’optimisation des systèmes présentés, elle était elle-même assez poussée, puisque Jean-Jacques Bacquet généralise l’insertion d’interfaces à billes et coupelles sous tous les éléments de la chaîne audio, électroniques et enceintes comprises. Les trois modules de l’impressionnante Studio 20 (20000 €) sont en effet empilés les uns sur les autres via une série de dispositifs de ce type, qu’il est l’un des premiers avoir généralisé. 
Une marque à suivre, en distribution directe et exclusive auprès du fabricant lui-même.


Les conférences, toujours très didactiques, attiraient à chaque session de nombreux auditeurs. On pouvait assister notamment aux présentations de notre ami Klaus Blasquiz, ce maître-historien du rock, retournant pour la circonstance aux origines du blues et du gospel, ou encore à la double session d’enregistrement et de mixage «live» animée par Fab Dupont, qui faisait (deux fois) salle comble.




Heureusement pour ceux qui n’ont pu assister pour cause d’affluence, ces interventions sont toujours filmées et se retrouveront dans les semaines qui viennent sur le site des Audio Days










Et pour finir, citons la présence de la presse professionnelle, avec notre confrère Réalisason et le magazine américain Tape Op, riche en interviews de professionnels du mixage et du mastering.