lundi 12 avril 2010

High End Days 2010 - 2





Suite de la visite


Présence Audio Conseil nous proposait un festival de marques, françaises pour la plupart.

Dans la grande salle du rez-de-chaussée, le ridiculement mince mais sublime intégré Devialet D-premier (10000 €) animait avec une totale maîtrise, une précision époustouflante et une musicalité renversante les enceintes Focal Stella Utopia EM (70000 € la paire), pourtant assez imposantes. 

Cette nouvelle enceinte était d'ailleurs présentée pour la première fois. Elle embarque pratiquement toutes les technologies que l'on retrouve sur leurs aînées les Grandes Utopia EM : tweeter béryllium, médium à membrane W et très longue bobine motrice, boomer à excitation paramétrable en courant. Mais sur ce plus petit gabarit, mince, pas de manivelle arrière de focalisation des blocs haut-parleurs ! Et en amont de ce tandem, une brochette de sources DCS, connues évidemment pour leur transparence ultime.

Pour ma part, la découverte du D-premier, produit français bourré de technologies de l'espace, fut un véritable choc. Sur l'excellent Nothing ever was, anyway (ECM), le trio jazz de Marilyn Crispell se déployait en effet avec une matière et une transparence inouïes, totalement dépourvues de dureté numérique.

Cherchez bien. Un Devialet D-premier
se cache sur cette image...

Il faut parfois changer d'angle de vue pour voir apparaître les choses les plus proches !

A noter au passage le contraste des corpulences entre l'électronique et les enceintes. Et pourtant, l'ensemble tournait bien rond... 

Cette association électronique - enceintes semble réaliser une forme de quadrature du cercle présentant à la fois les qualités d'un gros système de monitoring et celles d'une chaîne haute fidélité domestique conçue pour le plus pur plaisir de son propriétaire. Car le beau bloc chromé (qui me dit-on fonctionne aussi très bien en position horizontale !) n'avait aucune difficulté à driver les imposantes Stella, sans présenter le moindre signe de surchauffe.

Au premier étage, on retrouvait les petits monitors Focal Diablo Utopia, qui portent assez bien leur nom ! Et se débrouillaient merveilleusement dans une grande pièce pourtant très encombrée d'autres modèles d'enceintes. Côté source, La Rosita Black Hole, ensemble constitué de deux coffrets (circuits et alimentation séparés), d'un ipod, d'un écran et d'un clavier, et du logiciel embarqué itunes



Cet ensemble constitue de fait une source universelle, à la fois serveur de fichiers son, lecteur de CD, de DVD - et probablement bientôt de Blu-Ray - construite autour d'une carte mère d'Apple imac, dont Dan Bellity, directeur de La Rosita, vante les qualités et fortes aptitudes à l'audio et à la vidéo haute définition. Le prix de la configuration complète, non encore commercialisée, sera probablement situé entre 15 et 18000 €, selon les options. Attention, car à ce prix là, la compétition internationale est sérieuse !

Cette source high tech elle aussi - mais en revanche pas tout à fait compacte - nous faisait frissonner à l'écoute d'Yves Montand, de Charles Trenet et de vieux standards de jazz qui passaient avec une douceur et une fluidité assez miraculeuses.

Et le mariage avec le nouvel ensemble Cello Chorale (préampli), Master (alimentation) et Encore (ampli) s'avérait des plus harmonieux.



Enfin, c'était au tour de Gilles Milot de présenter ses nouvelles créations acoustiques (puisque d'«enceintes» il n'est plus guère question ici), associées à l'ampli intégré Néodio 1200 (8200 €) et au lecteur CD haut de gamme NR 22 (9800 €) réalisés par Stéphane Even

Au premier contact visuel avec ces «concept speakers» dans leur version initiale (8000 € la paire), on imaginait assez aisément qu'elles puissent être capables de diffuser une image tridimensionnelle enviable. Mais on les attendait au tournant avant même la première ligne droite sur le plan de la corpulence sonore...

Nous dûmes assez vite nous raviser ! Car bien ravitaillées en courant par le vigoureux intégré Néodio, ces étranges cigognes diffusent un message ample et hyper stable, d'une indéniable et envoûtante consistance. Et, bien sûr, la qualité d'espace retranscrite est assez saisissante.

Le concepteur des «concept speakers» insiste sur l'absence de coloration propre au système, «qui ne fabrique pas son propre grave», du fait même de l'absence de coffret, et qui n'appose donc pour ainsi dire aucune signature sonore. Ces modèles sont cependant étudiés pour être placés à quelques 40 cm du mur arrière afin d'en renforcer la réponse dans le bas du spectre (ce qui n'était d'ailleurs pas le cas ici, mais correspond à une situation normale de mise en oeuvre domestique).

Il reste que ces transducteurs peineront sans doute un peu à fissurer les murs du salon de votre manoir normand, et que leur microscopique rendement (80 dB) impose le choix d'un compagnon bien musclé. Mais est-ce véritablement un problème ?

Nous sommes tentés de répondre par la négative, car dans le cadre de ces écoutes, le manque relatif de fondations - qui sera progressivement comblé dans les déclinaisons futures du produit - n'est en aucun cas ressenti comme une frustation. Et n'empêchait certainement pas de jouir de la musicalité sans reproche de l'envoûtant «Temptation» de Diana Krall (album The girl in the other room). Fonctionne aussi avec d'autres titres et d'autres programmes musicaux !

Gilles Milot,
le Calder de l'acoustique française,
a réussi un tour de force :
ses haut-parleurs sont presques dématérialisés !

 

Ce week-end, l'auditorium Sound & Colors accueillait plus spécifiquement le constructeur français Cabasse, mais n'avait pas pour autant restreint l'accès de ses salons d'écoute riches en autres belles marques, dont bien sûr la déjà mythique mais bien réelle Magico.

Mais le fabricant brestois, fierté nationale de l'acoustique, profitait d'un écrin de rêve pour exposer plusieurs modèles remarquables. Tout d'abord dans la très grande salle d'accueil, qui accueille - en permanence d'ailleurs - l'immense système multi-amplifié La Sphère (120000 € avec le filtre actif et les 8 amplificateurs de puissance).


 
Dans les autres pièces, nous retrouvions tout d'abord un système terminé par les récents modèles sphériques Riga de la série Artis (7500 € la paire), complétés par le luxueux caisson de grave paramétrable Santorin 30 (3000 €). 

Comme fournisseur de courant alternatif musical, un ensemble d'entrée de gamme américain : le préampli TL 2.5 (3500 €) et l'ampli ST 85 (3300 €) de chez VTL, marque qui revient en force avec une nouvelle ligne esthétique très réussie et des performances subjectives assez enviables. En source, le lecteur Ayre CX-7e (3800 €), marque également importée par Sound & Colors. 

Dans cette pièce de taille modeste mais excessivement réverbérante, le système assurait pourtant une clarté et une intelligibilité supérieure des voix. L'ensemble faisait preuve d'une musicalité poussée, avec une très belle notion de filé entre les notes (sans doute un point fort des nouvelles électroniques VTL, et que ne trahissaient pas les Riga) et selon moi une petite coquetterie dans le haut grave (pas désagréable du tout). Au total, une image très flatteuse et un son bien consistant, dépourvu de toute agressivité, que ce soit sur des instruments un peu verts ou pendant les forte d'orchestre. Ou comment concilier originalité et beauté des formes avec plaisir musical.

En salle audio/vidéo, un ensemble Primare et Cabasse mettait en scène un pack d'enceintes «polyvalentes» Ambrose 3 (1400 € l'unité) - colonnes utilisées en tant qu'enceintes avant, centrale et arrière et que l'on peut plaquer au mur - complétées par le caisson Santorin 30. Finition superbe, forme peut être un peu saillante (mais pouvant être encastrée), performances sonores précises et généreuses. A mon arrivée, un hard-rocker égaré (je plaisante) tenait à écouter un concert de Deep Purple en 5.1 et je peux dire qu'il valait mieux avoir ses chaussures bien lacées.

Visite conclue par un retour à La Sphère, pour une écoute prolongée. Il s'agit évidemment d'un système très ambitieux, dont il faut immédiatement préciser qu'il ne peut libérer son potentiel qu'au sein d'une configuration adaptée. Cela passe évidemment par une salle d'écoute aux dimensions adaptées (c'est bien le cas ici), mais où les  transducteurs doivent être très éloignés des murs les plus proches (ce qui n'est pas le cas en revanche). Il ne leur faut peut être pas du plein air, mais du champ libre, oui ! Or la très belle salle d'accueil de Sound & Colours présente une acoustique très réverbérante. 

Ceci étant posé, nous commençons volontairement l'écoute avec un quatuor à cordes, puis la poursuivons avec une petite formation de jazz piano/basse/batterie. Sur ces extraits acoustiques très propres, les instruments sont reproduits dans leur vraie grandeur, sans effet de loupe. 

Le touché est précis, avec beaucoup de matière instrumentale, mais le message présente une pointe de verdeur possiblement introduite par les blocs d'amplification numériques, qui sont développés en collaboration avec la marque Bel Canto. La  focalisation est très précise mais la scène sonore affiche un relatif trou au centre car du fait de la proximité du mur arrière, on sent que le champ de diffusion sonore reste un peu cantonné à la proximité immédiate des enceintes.

Ce qui est à porter au crédit du filtrage actif, c'est la grande liberté de mouvement, le caractère vif et enjoué des interprétations. Le passage à l'introduction de la 8e symphonie de Schostakovitch montre bien que cette vivacité n'est pas feinte : la sensation d'aération est inouïe et le reste à tous niveaux d'écoute, les accélérations sont fulgurantes, et le système semble n'avoir aucune limite dynamique.

Cet autre système sans compromis est donc susceptible de s'effacer complètement devant la musique, mais nécessite évidemment une pièce adaptée ainsi qu'une installation poussée, qui est d'ailleurs réalisée en tous points du globe (terrestre) par Christophe Cabasse en personne.


Conclusion

Ces trois jours de fête - ne boudons pas notre plaisir de voler d'auditorium en magasin spécialisé sous un beau ciel bleu - et de quête de l'absolu sonore auront donc amplement démontré qu'au delà de la technologie et du look précieux des appareils présentés, la véritable haute fidélité d'exception est avant tout faite pour le plaisir. 

Que les nouvelles technologies qui supplantent désormais le CD ou révolutionnent la notion même de haut-parleur nous amènent encore plus près de l'émotion musicale, dans une mesure qui est tout sauf anecdotique. 


Et que, dans cette belle course à la fidélité, à la compacité et au design, les constructeurs français se portent plutôt bien...

Un bilan assez réjouissant, en somme !