mardi 8 février 2011

En exposition à la MEP - du 9 février au 10 avril 2010





Henri Huet - Vietnam

A l’instar de Robert Capa ou James Nachtwey, Henri Huet, natif du Vietnam, a su comme peu d’autres capter l’action de guerre, dans un pays qui était le sien : la peur d'un soldat américain pourtant soutenu par un camarade, le ballet des hélicoptères venant chercher des montagnards de Bu Lach, la douleur d’un enfant blessé par une explosion au sortir d’une ambulance, avec pourrait-on dire une science aboutie du cadrage et de la profondeur de champ. 

Images graves d’individus et de lieux dévastés, dont il ne reviendra pas.

L’exposition, très riche, occupe le sous sol entier de la MEP, et rassemble aussi de nombreuses coupures de presse illustrées par Huet.

Sous une vitrine, son Leica M2 et son Nikon F, respectivement équipés des focales 50 et 35 mm, appréciées des reporters de guerre, mais qui obligent à «rentrer dans le sujet». Le mot de Capa n’a jamais été si juste : «Si ta photo n’est pas assez bonne, c’est que tu n’étais pas assez près». Les images de Henri Huet sont, elles, cruellement bonnes. 


Vincent Rosenblatt – Rio Baile Funk

Autres temps, autre lieux. Dans la Rio contemporaine s’organisent, au rythme effréné de 300 à 500 par semaine, des «bailes funk» (bals) où toutes les classes sociales se retrouvent, et qui constituent une sorte de lieu de révolte chantée et dansée, objet de la répression policière. 

Malheureusement, cette exposition est trop petite : la sensualité des corps et des poses n'est qu'évoquée, la dimension sociale du phénomène n’est citée que dans la note d’exposition, mais est relatée dans le reportage radio que l’on peut écouter au casque. C’est dommage !


Hervé Guibert photographe

Hervé Guibert livre ici de manière posthume sa propre sélection définitive d’images personnelles en quelques 200 œuvres de petit format. Le parcours commence par des images épurées de comédiennes, dont la jeune Isabelle Adjani.

Un peu plus loin, l’auteur du livre «La photo, inéluctablement» accumule les natures mortes d'un atelier fantasmé (série d’images prises au musée Grévin et à la Specola de Florence). Ici, la représentation est celle du corps meurtri, ou figé par la mort, et placé à côté de portraits et de nus «bien vivants».

"Je rêve que les photographes se mettent à écrire et que les écrivains prennent des photos, qu'il n'y ait plus d'intimidation des uns aux autres..." Et l’on découvre avec fascination les petites mises en scènes intérieures très économes de moyens, où la trace et l'ombre sont omniprésentes. Il y a de la crudité et de la poésie dans le travail photographique de l’écrivain.

Son unique long métrage «La pudeur et l’impudeur», réalisé peu de temps avant sa disparition, il y a vingt ans, est également présenté.


Marc Trivier ou la photographie comme expérience

Marc Trivier aime le flou et la lumière révélatrice, le format carré et les bovins. Il tient son attirance pour la lumière d’une expérience de jeunesse de clarté irréelle observée dans un sous bois. A propos de ses images d’animaux écorchés, il associe leur destin au nôtre et dit : «La mort ne pourra se passer de nos corps - mais au fond, elle ne nous veut pas de mal, elle ne nous veut rien».

Trivier aime aussi les célébrités, écrivains ou peintres pour la plupart (Warhol, Jasper Johns, Tadeus Kantor, Nathalie Sarraute, Francis Bacon, Beckett, Burroughs... mais aussi John Cage), qu'il fait cohabiter avec des inconnus : Philippo, Jean, Michel ou François… 

Souvent légèrement surexposées, les portraits sont baignés de lumière. Qu’il fait donc cohabiter aussi avec des vaches et cochons équarris en décor d’abattoir. Une autre audacieuse juxtaposition, qui fait écho à celle développée dans l’exposition de Hervé Guibert.


Jacques Prévert – Photos détournées

Il faudra voir aussi les beaux collages surréalistes de Prévert, «peintre sans pinceau» selon Picasso, qui puisait sa matière dans des images de récupération, achetées aux Puces ou empruntées à ses amis photographes. 

Des collages qui «au fond, sont des poèmes» comme le dit son éditeur.