jeudi 20 novembre 2008

Voie centrale TOTEM Model One Signature Center


Origine : Canada - Prix : 1 699 €
- Durée du test : plusieurs mois...



La voie centrale Model One-SC est en quelque sorte une Model One multipliée par un facteur un et demi du point de vue des transducteurs, puisqu’elle embarque le même tweeter, cette fois encadré par deux haut-parleurs médium/grave identiques à ceux de la Model One. Mais son volume est presque deux fois plus important. A l'instar des Model One Signature et des Forest, il s’agit d’un concept bass-reflex, mais muni cette fois de deux évents tubulaires débouchant à l’arrière du coffret, en regard des unités de grave. Elle est également équipée du même double bornier WBT de très belle facture permettant le bicâblage.

Contrairement à une idée souvent rencontrée, l’ajout d’une voie centrale dans un système stéréo haute-fidélité évoluant vers le home-cinéma n’est pas toujours indispensable, à partir du moment où le système principal est bien réglé et n’affiche pas de trou marqué au centre de la scène sonore. C’est d’ailleurs a priori bien le cas avec les produits Totem, qui délivrent, on l’a vu, une image stéréophonique large, profonde et précise.

D’un autre côté, il est vrai que le canal central véhicule près de 65% de la bande-son frontale d’un film, dialogues et musique compris ! L’intelligibilité des dialogues et leur stabilité au sein du panorama sonore déployé dans une installation home cinéma gagnent donc forcément à la mise en œuvre d’une centrale, tout du moins lorsque celle-ci s’intègre acoustiquement avec le reste du système. C’est particulièrement le cas ici, compte tenu des choix technologiques adoptés.Par elle-même, la Model One SC délivre un message très homogène et précis, d’une extension et d’une consistance intermédiaire entre celles des Model One et celles des Forest. Et jouir du même degré de transparence sur cette voie comme sur les autres assure une immersion parfaite dans la bande-son d’un film.

On peut donc sans doute dire que la Model One Signature Center est un luxe, mais un luxe très appréciable, et qui devient vite indispensable pour qui souhaite recréer à la maison une vraie ambiance cinéma enveloppante.

Spécifications constructeur

- Enceinte bass-reflex deux voies
- Bande passante : 40 Hz – 20 kHz à +/- 3 dB
- Sensibilité : 87 dB
- Impédance : 4 Ω
- Fréquence de coupure : 2,4 kHz
- Pente : 12 dB / octave
- Puissance admissible : 150 W
- Bornier : modèle WBT doré double
- Dimensions : 560 x 165 x 240 mm (L x H x P)






vendredi 14 novembre 2008

StreicherKreis de Florence Baschet - La répétition


Mercredi 12 novembre, 10 h 00, Ircam, Salle de Projection



Préalablement au concert, nous avions retrouvé le Quatuor Danel en répétition de StreicherKreis, sous la direction de Florence Baschet. Un travail de haute précision, émaillé des consignes très claires données par la compositrice tant aux musiciens qu’au tandem Serge Lemouton (ici à droite avec F. Baschet) – Maxime Le Saux, respectivement responsable de l’informatique musicale et ingénieur du son associés à l’œuvre.

Première difficulté : dans l’immense salle vide, le quatuor acoustique sonne presque «léger», en tout cas sensiblement détimbré par rapport à une performance en public. Les Danel travaillent d’abord quelques sections difficiles de l’œuvre, qui sont explorées à fond : l'analyse est pratiquement menée note par note pour certaines mesures. Le suiveur de geste est en action. De temps en temps, il faut revoir la fixation d'un capteur au poignet des interprètes car leurs gestes sont amples et rapides – et le seront sans doute davantage le soir du concert.

Enchaînement sur un passage incroyablement tendu et chahuté, puis retour au bruissement de silence – les notes s’étirent en longues et fines tensions dramatiques. Les frottements passés à la loupe de l’amplification font surgir des spectres analysés et exposés dans leur grain le plus fin.
On poursuit : long filage sur un passage où les cordes sont tout juste frottées, et où leurs bruissements sont magnifiés par le dispositif électroacoustique. Depuis le milieu de la salle, Florence Baschet commande d'un pupitre le mixage des effets, leur dosage quantitatif par rapport à l’exécution en cours. Elle occupera d’ailleurs ce même poste lors du concert. L’ingénieur du son est fréquemment invité à quitter sa console pour se mettre à la place de la compositrice.

Un premier filage complet de l’œuvre donne 27 mn 15 s, un peu plus longtemps que prévu. C'est la pause, bienvenue pour les musiciens, mais pas la récréation ! La compositrice a rejoint les musiciens sur scène. Ils recherchent ensemble le meilleur équilibre pour le quatuor. Pour Florence, l'alto de Vlad Bogdanas semble en retrait, alors que le musicien a l’impression de donner le maximum !

Chaque passage est réexaminé à la loupe : extrêmement précis, les musiciens se souviennent parfaitement des quelques moments de flottement ou de désynchronisation survenus lors de cette répétition. Guy Danel, le violoncelliste, fait part d'un doute : un point d'orgue entre un passage très animé et la section suivante, plus recueillie, lui pose problème. Il faudra le renégocier. Guy se propose de n’intervenir ici qu’en réponse à l’écho de l'électronique afin que le geste soit plus musical.
Nous parlons maintenant de tempo. La question cruciale de la battue est abordée. Ici, le quatuor Danel fait valoir sa vision particulière de la synchronisation : plutôt que d'annoter la partition au préalable, les musiciens préfèrent tout d'abord se caler entre eux à l'oreille, et ne définir une gestuelle de battue que lors des toutes dernières répétitions. Dans cette pièce complexe, ce rôle de direction sera d'ailleurs dévolu à tour de rôle à chaque exécutant. On intégrera donc la battue au prochain filage.

Mais l'ingénieur du son signale un accrochage larsen lors des passages pp et ppp ! Dans une section où la granularité des pianissimi est exacerbée par le dispositif électroacoustique, le niveau émis par les haut-parleurs est repris par les micros de prise. Faut-il jouer moins fort ? On décide que non, Florence tenant au contraire à ce que les musiciens se laissent aller. A la technique de garder le contrôle sur la diffusion !

Nouveau filage, en acoustique, de la section E… Cette fois, le quatuor est bien en place ! On rajoute maintenant le dispositif électro : des réverbérations apparaissent, ainsi que l’extension du corps du violoncelle. Mais une nouvelle pause s’avère nécessaire : quelques minutes sont accordées aux musiciens pour qu’ils définissent entre eux les battues de la section G.
F G H sont ensuite enchaînés, avec la battue et la mise en œuvre des capteurs. Attention ! Des accidents sont redoutés en mesure 155, et à la négociation de la difficile transition entre 214 et 215. Ici, les frottements des cordes aigues et graves déclenchent des harmonisations micro-tonales. Un drone grave, seul «instrument virtuel» de la partition, vient assombrir ce passage par ailleurs très acide, tout en notes filées. En mesure 208, le traitement déclenche une grappe de réverbérations caverneuses et futuristes à la fois. Tout cela est très complexe, surtout lorsque l’on songe que ces effets sont la résultante de la gestuelle des instrumentistes, et non la simple superposition de séquences préenregistrées.

Les échanges sont nombreux et vont droit au but entre Florence Baschet et les membres du quatuor : un silence de Guy en fin de mesure est perçu par la compositrice comme une césure trop marquée. Il faudra revoir cette ponctuation. Marc Danel, premier violon, attire l’attention sur le sujet tout pragmatique du tournage des pages de la partition, critique à certains moments, susceptible de provoquer des déconcentrations !
Mesure 252 : le dispositif électro prend toute son ampleur en marquant la démultiplication des gestes des musiciens. Mais après le travail de calage, cette mesure respire !


Nouveau filage de l'œuvre : un petit signe de déclenchement est convenu entre Marc et Maxime, à la régie son. La première mesure naît du silence. Un monde de glissements s'instaure. Cette fois‚ tout le filage s'écoule magnifiquement, jusqu'à ce que Gilles Millet, peu de temps avant la fin, casse une corde de son violon ! Pause. On se regroupe. On envisage ensemble le cas où le même incident se reproduirait lors du concert. Que faudrait-il faire ? Recommencer depuis le début puisque la pièce n’est pas découpée en mouvements ? Reprendre la section en cours ? Ou simplement continuer, si la fin de l'œuvre est proche ? On s'interroge... Mais que fait-on donc chez Haydn ? Ah, mais chez Haydn, il n’y a pas d'électro à recaler ! Florence va y réfléchir, la question n'est pas tranchée.

Ah, et pour les mesures d'introduction, Florence recommande au quatuor une vision plus géométrique des choses : le découpage des verticales et des horizontales doit être mathématique comme un théorème ! Au moins au début de l'œuvre, qu’elle ne souhaite surtout pas «romantiser».

Il est 13 heures. Ce sera tout pour StreicherKreis, au moins jusqu’à la générale qui a lieu demain. Mais après le déjeuner, il faut encore répéter les pièces de Rivas et de Bédrossian…

Nous retrouverons les deux autres volumes du cycle avec le quatuor Diotima, le jeudi 5 février, avec des œuvres de Hugues Dufourt et Brian Ferneyhough, et avec le quatuor Arditti, le vendredi 19 juin, dans un programme réunissant Philippe Schoeller, Arnold Schönberg et Denis Cohen.



Crédits photographiques : Christian Izorce
Tous droits de reproduction réservés


Zoom sur StreicherKreis...

... Nouvelle création de Florence Baschet

Proposée en troisième œuvre, juste après l’entracte, StreicherKreis constituait, du point de vue de sa réalisation, une étape particulière de ce programme. Cette œuvre pour quatuor à cordes et dispositif de « suivi de gestes » est le fruit d'une collaboration de deux ans entre une compositrice, Florence Baschet , et une formation, le Quatuor Danel, qui se connaissaient peu au départ.

Aujourd’hui, chacun apprécie pleinement le travail effectué en commun, qui repose tout à la fois sur l’implication du quatuor dans la durée, et sur l’intégration dans le processus créatif de la gestuelle développée par les musiciens au cours des répétitions. Dommage que le montage final de l’œuvre n’ait pu s’étendre que sur un jour et demi ! Compte tenu de la difficulté de l'œuvre, il s'agit tout simplement d’un exploit.

Œuvre se voulant fédératrice par son titre, puisque s’adressant au «cercle de ceux qui jouent des instruments à cordes frottées», elle tire l’essentiel de sa matière de l’acte de composition en lui-même, et de l’incorporation des gestes des instrumentistes dans celui-ci. Il s’agit donc d’un programme de musique abstraite, pour ne pas dire un «exercice de style», sans rattachement avec une thématique extérieure, mais élaboré très concrètement avec des musiciens.

Chaque instrument du quatuor est muni d’un capteur de pression inséré au niveau du chevalet. Tous les instrumentistes sont équipés en outre d’un capteur de mouvement (inclinaison, vitesse), fixé au poignet de la main tenant l’archet. Ces capteurs fournissent les signaux d’entrée à un module informatique de «suivi du geste», permettant de se repérer dans la partition en déroulement. Mais il permet aussi aux musiciens, de manière individuelle ou collective, en fonction de la manière dont ils attaquent et frottent leurs cordes, d’actionner et de modeler les transformations sonores voulues par le compositeur. S’il est universellement vrai que deux interprétations d’une même œuvre sont toujours différentes, cette constatation est ici érigée en principe dans la manière même dont la pièce est conçue.

Au fur et à mesure de la création de l’œuvre, la gestuelle des musiciens répétant les sections de l’œuvre fut donc captée et archivée de manière à fournir les éléments de déclenchement des «effets», travaillés ensuite par Florence Baschet et Serge Lemouton, réalisateur en informatique musicale. Et les fruits de ce travail furent patiemment réinjecté dans l’œuvre en devenir, jusqu’à ce qu’elle prenne sa forme finale.

Au programme des effets sonores utilisés par la compositrice : spatialisation du quatuor dans la salle de concert, travail sur la granulation des sons, effets d’irisation obtenus par harmonisation micro-tonale de séquences, introduction de réverbération et de distorsion. Le tout étant réalisé par des modules de calcul temps réel embarqués dans le logiciel Max, fleuron de l’ingénierie informatique de l’Ircam. Florence Baschet est ici dans son élément, sa filiation avec le compositeur Philippe Manoury et son parcours personnel en font une spécialiste des intéractions entre musique vivante et dispositifs informatique et électroniques en temps réel.

Si StreicherKreis est une œuvre «technique», elle ne néglige pas pour autant le sens du beau et de la tension musicale. C’est ainsi que la pièce s’ouvre sur une exposition lumineuse et sensible des mouvements glissants d’archets sur les cordes. La construction en spirale de la pièce permet ensuite à chaque instrumentiste, puis à l’ensemble du quatuor, d’agir sur tout ou partie des sons produits.

Il s’agissait ici pour Florence Baschet de trouver des modalités expressives de transformation des sons par les gestes, et non de créer des lignes instrumentales virtuelles séparées qui viendrait se juxtaposer au quatuor. Effectivement, à aucun moment l'électronique ne prend le pas sur le motif musical, mais elle en constitue une extrapolation parfaitement intégrée. A l’écoute, on aurait même bien du mal à imaginer la complexe cinématique du dispositif sous-jacent. Il reste que l'œuvre alterne des passages recueillis et des mouvements d’une très grande complexité. On aurait peine à cacher qu’il s’agit d’une musique savante et exigeante, tant pour les interprètes que pour le public, à tout le moins en première écoute. Mais le résultat emmène l’auditeur dans une exploration ultime et fascinante de la matière sonore. Une approche chère à de nombreux compositeurs des 20e et 21e siècles.



Vers La répétition

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