mardi 1 décembre 2009

Cellule Transfiguration Phoenix - Ecoute


La cellule Transfiguration Phoenix,
dans sa belle livrée de bois exotique


Difficile à l’écoute de la cellule Transfiguration Phoenix de ne pas retomber un tant soit peu dans l’emploi de formules il est vrai assez rebattues. Il y a en effet les cas où les différences subjectives entre plusieurs bons produits restent anecdotiques, et les écoutes qui ne remettent pas en cause la perception que nous pouvions avoir de morceaux connus, longuement écoutés à la faveur d’un parcours d’audiophile bien balisé (chez soi, dans les auditoriums, les salons, ou lors de séances comparatives effectuées chez les amis eux aussi possesseurs de belles installations). Et puis il y a les cas où, comme ici avec la Phoenix , il n’est pas exagéré de dire que l’écoute conduit à une saisissante (mais savoureuse) redécouverte de sa discothèque !

Mais un des premiers tests les plus révélateurs en ce qui me concerne consiste paradoxalement… à ne pas écouter ! C'est-à-dire à poser un disque sur une platine (ou à insérer un CD dans un lecteur), à démarrer la lecture, et, en exagérant à peine, à ne pas prêter particulièrement attention à ce qui se passe. Au moins au cours des premières heures, il s’agit plutôt d'entendre, tout en s’autorisant à vaquer à quelque autre activité… En tout cas, j'évite pour ma part de me mettre immédiatement à l’affût de quoi que ce soit, et surtout pas de qualités (ou de défauts) supposés ou attendus du maillon en écoute. Moyennant quoi, je le garantis : s’il doit se passer quelque chose d'un tant soit peu remarquable par rapport à l’habitude, alors l’attention de l’auditeur sera forcément attirée à un moment ou un autre (et probablement assez vite d’ailleurs).

C’est précisément ce qui s’est passé pour moi avec la cellule Phoenix. Il n’a pas fallu très longtemps pour que je réalise que, oui, décidément, ce premier mouvement de la 4e symphonie de Malher par Solti et le Concertgebouw d’Amsterdam (chez Decca) chantait plus qu’à l’habitude ; que les violons étaient plus expressifs ; que les sons de clochettes de l’introduction étaient plus «lumineuses», et beaucoup mieux situées dans l’espace ; que les contrebasses présentaient un grain et un vibrato naturel manifeste ; que les impulsions données par Solti à la fin du premier mouvement étaient mieux articulées, plus «dansantes». Et, tiens, que les pizzicati des violons dont est truffé le deuxième mouvement sonnaient bien «pleins», c’est à dire exécutés par des êtres de chair et d’os ; que les trompettes et les trombones étaient plus francs, tout en modulant davantage ; que dans le 4e mouvement, la soprano Sylvia Stahlman chantait de manière beaucoup plus immédiate et vivante. Pour résumer, tout semblait simplement plus véridique, jusqu’à la petite acidité des violons propre à cette prise des années soixante - que l’on ne retrouve pas au concert, face à l’orchestre, ni dans des enregistrements plus récents.

Après cela, je me suis dit qu’il allait être difficile d’écrire qu’avec la Phoenix, l’aigu monte plus haut qu’avec tel autre modèle de cellule, que le grave est plus défini, que les attaques sont plus nettes ou la dynamique plus étendue. Car si tout cela est certainement en partie vrai, ce n’est certainement pas ce qui attire l’attention en premier. Ce qui amène à poser le magazine que l’on lit alors que disque tourne, c’est tout simplement que l’on a rarement (attention, je n’ai pas dit jamais) entendu autant d’éléments sonner de manière aussi naturelle. Et que le résultat a rarement été aussi mélodieux, que ce soit au travers d’un «petit» préampli phono tel que l'Aqvox Phono CI ou avec le superbe Pass Labs XP15 - qui n’aura fait qu’un trop court stage au sein de mon installation.
Mais finalement, c’est un très long test de plusieurs semaines auquel j’ai pu me livrer, qui m’a permis de changer de bras, de préamplis phono et ligne, et de ressortir de nombreuses galettes historiques, ainsi que des gravures plus confidentielles - mais qui valent leur pesant de gros son bien charnu. A l’instar de Down by law (rien à voir avec le film de Jim Jarmush), sans doute introuvable aujourd’hui, du groupe Deadline. En 1985, une poignée de maîtres du studio et de génies de la scène jazz underground (Bill Laswell, Steve Ture, Philip Wilson, Manu Dibango, Jonas Hellborg, et j'en oublie) se retrouvait pour enregistrer un album d’un genre encore peu étiqueté à l’époque (et qui pourrait s’apparenter à de l’«électro-ethno-funk», si cela a un sens !). Résultat : une série de morceaux au groove massif et inoxydable, dont la teneur en grave est annonciatrice de séismes… La cellule Phoenix en offre une lisibilité exemplaire et transcrit avec une rapidité phénoménale les lignes de basse électrique du morceau «Gammatron», où Jonas Hellborg s'en donne à coeur joie ! Le dernier morceau de la face 1 («Doo Root») est quand à lui un lancinant mélange de piano électrique, de didgeridoo, et de percussions diverses dont xylophone, conques, water bells, congas... Ici aussi, tous les instruments présentent beaucoup de densité et se détachent parfaitement les uns des autres. Souffles et bruissements percussifs sont incarnés de manière exemplaire, et lorsque les water bells sont mises en mouvement, cela paraît tellement vrai qu’on aurait presque envie de remonter ses bas de pantalon… Et de plus, ça groove sec ! Car, si la Phoenix n’est pas dans l’absolu la cellule qui assure le plus dans l’extrême grave, ce qu’elle extrait du sillon dans les basses fréquences jouit d’une tonicité, d’une fermeté et d’une profondeur exemplaires !

Mais ce qu’il y a d’encore plus remarquable avec la Phoenix, c’est la manière toute humaine avec laquelle elle pose les voix. Il faut entendre Nougaro, Gainsbourg, Lavilliers, dans une intimité soudain rendue assez inhabituelle ! Leurs voix sont claires, riches en timbre, et surtout totalement débarrassées de ces agaçantes sifflantes qui zézayent ou nasillent, et nous ramènent trop souvent à la réalité électronique du processus de reproduction.


Autre disque qui fit les beaux jours des démonstrations audio à une certaine époque, le très aérien White Winds d’Andreas Vollenweider (1984). L’écoute de cet intelligent manifeste new age très acoustique n’est qu’un pur régal, une véritable merveille de fluidité. Admirable consistance des voix et mise en lumière de leur vibrato à la fin du morceau «The glass hall», tandis que l’enchaînement avec «The Woman and the stone» révèle une pulsation ample et épanouie. On découvre vraiment, au second plan, de nombreux éléments présentés d’une manière très identifiable, notamment des détails percussifs qui donnent une respiration et une vigueur inédite à ce morceau. Au sein d’une scène sonore très vaste et fouillée, le message affiche à la fois douceur, naturel, et un fruité de timbre que l’on peut qualifier d’exceptionnel.

Une fois encore, il existe sans doute des cellules encore plus riches et précises, plus toniques et spectaculaires, mais l’impression de naturel qui se dégage des diverses lignes instrumentales est assez confondante.


Conclusion

Que pourrait-on sincèrement reprocher à la cellule Transfiguration Phoenix ? Le travail qu’elle fournit la classe sans conteste dans le peloton de tête des transducteurs de très haut de gamme avec lesquels il y a toujours quelque chose d’agréable à extraire d’un vinyle, même s’il ne s’agit pas d’un pressage de la plus haute tenue.

En fait, cette Phoenix présente un équilibre des plus enviables entre définition et musicalité, entre précision et naturel sonore. Elle délivre un message souple et tactile, clair et chatoyant d’un point de vue tonal. C'est-à-dire avec une réponse subtilement ascendante et un extrême grave très légèrement écourté. Le grave est, lui, sans reproche. Rien, donc, qui conduise à la brillance systématique. Du coup, ce n’est pas un maillon très typé d’un point de vue sonore. Mais elle révèle - sans ostentation - tous les signaux d’amplitude subliminale qui contribuent à rendre un message musical crédible et enthousiasmant !

Cet élément affiche de plus une excellente universalité d’emploi, que ce soit comme terminaison d’un bras à roulements ou d’un unipivot, qui transcendera son caractère délié (on la voit ici montée sur un bras Graham 2.2 céramique). Son impédance de charge et son alignement ne sont guère plus critiques, une petite erreur d’ajustement géométrique ne compromettant même pas de manière flagrante sa musicalité (je fais volontairement ce type d’essai sur quelques disques une fois qu’une cellule est rodée). Dans tous ces cas, quelque soit le programme écouté, son expressivité est manifeste.

En termes techniques, sa lisibilité est même excellente puisqu’elle dépasse sans problème les 50 µm en modulation verticale et 80 µm en latérale, avec une force d'appui, elle même non-critique, comprise entre 1,8 et 2,1 g. Et l’accumulation de poussière sous le diamant en fin de face ne pénalise que peu sa capacité de suivi.

En somme, si l'on réintègre son prix dans l'équation finale, c’est une chaude recommandation qui s’impose ici !