lundi 7 juin 2010

Entretien avec Stéphane Even - Neodio



A l’occasion du salon Focal, Leedh et Neodio organisé les 4 et 5 juin dernier, Signal sur bruit a rencontré Stéphane Even, fondateur de Neodio, qui nous a livré avec franchise et décontraction quelques uns de ses petits secrets, de ses influences, et de ses doutes. Il cite ses sources, donne des conseils, replace ses produits dans le contexte de la concurrence…

Signal sur bruit : Stéphane, pouvez-vous nous retracer votre parcours dans l’électronique ?

Stéphane Even : Je suis diplômé de ENSEIRB, (école d’ingénieurs en électronique, informatique et radio-communications de Bordeaux, ndlr). Je suis un ancien du groupe Schneider où j’ai travaillé de longues années sur des capteurs de tous types (inductifs, photo-électriques), souvent durcis pour qu’ils soient moins sensibles aux parasites. Ensuite, j'ai été responsable de l’anticipation dans le cadre de projets de rupture technologique...

Je suis donc un véritable électronicien analogicien et je me suis passionné très tôt pour le monde des petit signaux, qu’il faut souvent amplifier et traiter dans des environnements CEM critiques, car riches en perturbateurs de toute sorte. J’avais également une passion pour la haute-fidélité depuis mon adolescence... 

SSB : Et les débuts de Neodio ?

SE : Tout à commencé par des prototypes réalisés dans ma cave et dans ma cuisine ! A l’époque je résidais encore en Charente, région que j’ai ensuite quittée pour retrouver Bordeaux en 2006, afin de me rapprocher d’une ville plus importante, avec son énergie, sa qualité de vie, ses infrastructures... Chambre de commerce et d’industrie, universités, laboratoires. J’ai vraiment démarré Neodio en 2000 et c’est à ce moment que j’ai développé une approche qui se veut «fondamentale». Car il est vrai que dans les tout débuts, j’ai rencontré beaucoup de difficultés pour passer des prototypes de labo qui donnaient toute satisfaction aux modèles de pré-série, et ensuite à la série. J’étais témoin de phénomènes bien mystérieux que je voulais absolument expliquer et contrecarrer…

SSB : Il y aurait donc de l’irrationnel dans l’électronique audio ?

SE : Et oui ! Mais j’ai démarré comme un ingénieur, qui pensait, naïvement sans doute, que les problèmes de la hifi trouvaient des solutions d’ingénieur. Compte tenu de ma formation, faire des amplis était une évidence… J’ai été beaucoup influencé par Gérard Perrot, le créateur de Lavardin, qui signait Héphaïstos dans la revue l’Audiophile, mais que je n’ai malheureusement jamais rencontré.  Je me suis passionné pour une de ses réalisations d’amplificateur, qu’il a décrite sur 11 ans dans la revue, et qu’il avait mise au point avec un niveau d’exigence incroyablement élevé. Cela m’a donné le virus du développement poussé aux limites...

Neodio se fonde donc sur des bases inspirée par Gérard Perrot, notamment la notion de distorsion thermique, mais que nous traitons différement de ce qui se fait chez Lavardin... Les phénomènes thermiques transitoires altèrent le fonctionnement des transistors en permanence. Cette approche était assez nouvelle à l’époque, mais pouvait expliquer certaines choses inexplicables…

SSB : Quelle esthétique sonore cherchez-vous à développer dans vos produits ?

SE : Nous sommes sur une approche de la plus grande neutralité possible, nous travaillons à ne rien ajouter ni à enlever à la musique. Ce n’est pas toujours évident de faire comprendre ça à l’amateur qui recherche le plaisir d'écoute, et donc parfois la coloration. Mais pour moi, bien sûr, neutralité ne veut pas dire ennui ! La référence reste l’écoute de la musique vivante, que je pratique souvent. Notre idée est aussi que le système doit être suffisament transparent pour donner envie d’écouter des genres musicaux que l’on aime pas forcément ! Même des œuvres hermétiques ou peu courantes ressortent de manière étonnante sur de beaux systèmes, il y a comme un voile qui se lève, des couleurs que l’on a pas l’habitude d’entendre. Mais il y a aussi différents styles d’écoute, car on ne focalise pas tous sur les mêmes critères. L’écoute totalement objective n’existe pas. L'important pour un constructeur est de ne pas passer à côté de critères qui pourraient lui paraître secondaires...

Et donc, en pratique, mes amplis fonctionnent en boucle ouverte, sans contre réaction globale, ce qui leur permet d’être très fluides dans le médium-aigu. Mais souvent, les amplis réalisés de cette manière manquent de tenue, d’énergie dans le bas du spectre. J’ai donc imaginé un système de correction d’erreur, comme le font à ma connaissance les marques Pass, Hegel ou Halcro. Il n’y a pas de contre-réaction globale, mais une cellule vient mesurer l’erreur produite par un étage d’amplification et injecte un signal de correction juste avant, pour qu’au final on ait quelque chose de pratiquement transparent. On le fait à deux endroits dans les amplis Neodio, notamment dans l’étage de sortie, où j’ai pu constater que les effets thermiques sur les MOSFET étaient considérables. Lorsque l’on débranche ce système de correction d’erreur, on a toujours l’ouverture du médium aigu, mais pas cette densité, cette énergie, cette tenue des haut-parleurs !

Par rapport à la contre-réaction classique, j'y vois deux intérêts : la stabilité, car les forts taux de contre-réaction nécessitent ce qu’on appelle des compensations en fréquence pour assurer la stabilité. Sinon gare aux oscillations ! Le deuxième intérêt, c’est que la contre-réaction réduit la distorsion sans jamais l’annuler. La correction d’erreur peut sur le papier annuler une distorsion localisée (celle d’un transistor par exemple). Bien sûr dans le monde réel, la théorie et la pratique diffèrent un peu…

Pour les Neodio, on retrouve dans le son l’aération de la boucle ouverte et la tenue des HP grâce à la correction d’erreur. Car avec ce système, on obtient un facteur d’amortissement important de 250 à 50 Hz. Par comparaison, beaucoup d’amplis à tubes de petite puissance ont un facteur d’amortisseur de 2 à 3, ce qui peut donner une grosse impression d’ampleur, mais uniquement parce que le haut parleur de grave n’est pas tenu ! Le facteur d’amortissement, cela s’entend, c’est une réalité objective. Je ne suis pas convaincu par contre qu’il faille le pousser jusqu’à des valeurs de 2000, 3000 ou 10000 comme ce que certains constructeurs affichent avec leurs amplis numériques. Il y a beaucoup d’esbroufe dans ce domaine !

Il en va de même pour la distorsion par harmoniques, où il ne sert à rien de gagner des centièmes de % sur un taux de distorsion. Par contre, l’oreille perçoit des effets d’intermodulation de fréquences, de distorsion de phase, pour lesquels il n'existe pas beaucoup de mesures, mais sur lesquels nous travaillons énormément.

SSB : Et du point de vue technologique, quels sont vos choix ?

SE : Sur nos amplificateurs, les étages de sortie travaillent en classe AB avec un courant de repos moyen. Ils ne chauffent pas beaucoup. Nous utilisons de bons vieux MOSFETs Hitachi, qui existent depuis au moins 25 ans et sont très fiables, mais que je vais bientôt remplacer par des modèles plus puissants. Les modèles plus récents sont capables de passer des courants phénoménaux, mais avec d’autres difficultés de mise en oeuvre. Par exemple, les capacités parasites de cette nouvelle génération de semi-conducteurs peuvent avoir une valeur très élevée, ce qui pose problème.

Et ce ne sont pas les meilleurs composants sur le papier qui sonnent le mieux ! Mais vous ne trouverez pas de composants exotiques dans du Neodio... Que des transistors bipolaires d'origine Philips, Siemens ou Motorola, et les MOSFET Hitachi. D’une manière générale, j’utilise des composant industriels, pérennes, car j’ai l’obsession de la fiabilité. Nous ne pouvons pas nous permettre de gérer de nombreux retours clients. Jusqu’à présent, les seuls retours SAV que nous ayons eu concernent le remplacement de fusibles, et très épisodiquement le remplacement d’une mécanique CD. Pas de vraie panne en tant que telle ! Nos schémas d’ampli sont hyper-robustes, avec un dimensionnement adapté des composants, mais sans surenchère, car ça n’est au final que de la poudre aux yeux.

SSB : Quels sont les modèles d'enceintes avec lesquels vous mettez vos électroniques au point ?


SE : Au bureau, j'utilise des Kelinac 811Mg, mais je valide mes produits sur beaucoup d’enceintes différentes. J’aime beaucoup ce que font les français comme Jean-Marie Reynaud (Bliss, Orphéo), Focal (Electra et Utopia), Mulidine, Pierre-Etienne Leon et bien sûr Leedh, qui offre réellement une nouvelle perspective à la restitution hifi. Je pense qu’en matière d’enceintes, il y a sans doute un «son» français à la fois rigoureux et vivant. Construire une chaîne 100% française est non seulement facile mais est sans doute un bon moyen de ne pas se tromper compte tenu de l’avalanche de marques étrangères sur le marché. Notre salon à Mâcon s’inscrit dans une volonté de promotion du bon «made in France».


Entretien avec Stéphane Even - Neodio (suite)



SSB : Stéphane Even, vous êtes connu pour prêter une très grande attention à des phénomènes parfois qualifiés d'ésotériques !

SE : Oui, je suis aussi allé voir Pierre Johannet, qui s’intéressait à des phénomènes physiques auxquels personne ne prêtait attention, mais qui étaient selon lui grandement responsables de l’absence de musicalité des systèmes audio. Car en tant que concepteur je rencontrais des phénomèmes incompréhensibles, et je tombe toujours sur des choses invraisemblables ! Par exemple : pour faire fonctionner les systèmes que nous avons ici en démonstration au Hameau Duboeuf, j’ai inséré des pièces de monnaie (5 et 10 centimes d’€) sous les les pointes des meubles, parce que l’on a un parquet flottant : et on entend très nettement la différence avec et sans ! La hifi est encore un domaine mystérieux, où l’on ne comprend pas tout, en la matière le plug & play n’existe pas ! 

Ce qui me distingue peut être d’autres fabricants, c’est que j’essaie de bâtir un modèle physique cohérent avec toutes ces observations. Je lis beaucoup, je m’intéresse aux gens qui font des accessoires (OSH et autres dispositifs soit-disant quantiques), il y toujours quelque chose à glaner. Il y a l’influence des câbles bien sûr, qui est très importante, des supports… L’air dans la pièce ne semble pas anodin non plus (humidité, température). Lorsqu’il n’y a pas eu de musique depuis longtemps dans une pièce, en général, elle sonne mal !

SSB : Et il y a aussi… les fameux électrons chauds !

SE : C’est vrai, ma recherche est aussi axée sur la manière dont les électrons se déplacent dans les conducteurs. C’est évidement très difficile à caractériser et à mesurer, mais on admet généralement que les électrons se déplacent très lentement dans les métaux. De l’ordre de 0,01 mm/s, dans une section de cuivre d’un mm2 soumise par exemple à un courant d’un ampère. C’est un mouvement d’ensemble, mais extrêmement lent. Ca, c’est la théorie.

L’expérience en hifi tendrait plutôt à prouver que la réalité est toute différente ! J’ai donc émis l’hypothèse qu’il y avait des électrons «chauds» plus excités que les autres, qui perturbent le fonctionnement des systèmes audio. Mais l'invention des électrons chauds n'est pas de moi, on peut trouver beaucoup de littérature sur le sujet. Ces électrons sont comme des chauffards sur une autoroute. Ils sont par exemple responsables de la destruction des semi-conducteurs. Et ils sont probablement générés par la mauvaise qualité des contacts électriques. Je le constate tous les jours… Le simple remplacement d’une prise murale oxydée par une neuve apporte souvent une différence considérable !

Dans le cas de connecteurs de mauvaise qualité ou mal entrenus, le contact se fait de manière aléatoire, et s’il on observait ce qui se passe au microscope électronique, on verrait de micro-arcs électriques qui se forment à cause des barrières isolantes. Ce sont ces électrons qui se sont arrachés au métal qui produisent un flux perturbant. Le meilleur système du monde alimenté par une prise électrique murale oxydée sera jugulé dans ses performances. Et cette oxydation est même favorisée par le passage du courant. Je ne connais pas de câble qui soit capable de filtrer cette chose là… Il vaut mieux l’éviter à la source ! 

Et question entretien, on peut tout simplement passer régulièrement un chiffon humecté de Mirror ou un morceau papier sec sur tous les connecteurs de la chaîne hifi. Naturellement, le cuivre est rose. Or souvent il est marron, c’est qu’il est très oxydé. Le laiton est couleur or, on voit aussi très facilement s’il est oxydé. Et il faut absolument éviter le câble nu que l’on tortille (directement avec les doigts en général !) et que l’on insère dans le bornier des amplis et enceintes. Rien ne vaut une bonne soudure et des connecteurs triés sur le volet, à l’écoute. J’ai d'ailleurs sur mon bureau plusieurs centaines de fiches bananes dorées qui ne sonnent pas du tout, dont il va falloir que je me débarasse !

Chez Néodio, on trouve des cables, des prises et barettes secteur correctement étudiés, et qui font 20 % de notre chiffre d’affaire. La barette secteur est souvent le parent pauvre d’une installation. Lorsqu’elle est bien choisie et bien dimensionnée, le son est libéré, comme avec notre barette PW1. Les amateurs remettent assez vite en cause les performances de leurs électroniques, mais il faut d’abord faire l’essai d'une bonne barette, et le son s’épanouit. Les cables que nous faisons ne ressemblent à rien que je connaisse. Nous utilisons des matériaux peu courants, dans une conception très originale.

SSB : Y a-t-il d'autres moyens, économiques, d'améliorer la restitution du système ?

SE : S'il faut soigner le câblage, les supports, il faut aussi essuyer les appareils ! Dans ce cas, ce sont plutôt des effets chimiques qui sont en jeu, des particules se déposent à la surface des appareils, sur les membranes des haut-parleurs. Les essuyer de temps en temps apporte souvent une amélioration très spectaculaire. Cela dit, il reste difficile de construire un modèle physique englobant tous ces phénomènes et de définir à coup sûr le moyen de lutter contre eux. Car le problème n’est pas très clairement posé : moyens de pertubation et cible perturbée ne sont même pas toujours correctement identifiés !

Prenez la géo-biologie, par exemple. Elle tente de définir justement comment les lieux de travail et de vie influent sur notre santé. J’utilise certaines de ses découvertes. C’est frustrant, mais il est est finalement assez difficile de maintenir sur le long terme les conditions d’une écoute optimale, comme j’en fais l'expérience  une petite dizaine de fois dans l’année peut être, avec du matériel que j’ai construit et mis en œuvre moi-même. On a alors la sensation que les haut-parleurs fonctionnent à 100 %, et que leur défauts sont très secondaires. On ressent vraiment la musique, les musiciens sont là. Lorsque tout est sublime, il y a bien une explication à cela, et cela rencontre de nombreux domaines de la physique, de la biologie. C’est ce que j’essaie de reproduire le plus possible. Je n’y parviens pas forcément, mais à chaque nouvelle invention, je me rapproche de cet idéal, qui à souvent tendance à s’échapper comme une savonnette ! C’est très frustrant. On a parfois envie de tout lâcher !

SSB : à vous entendre, l'installation est aussi importante que le matériel en lui-même...

SE : C'est vrai, et la hifi est problématique, car nous avons une vraie promesse de résultat à délivrer ! Or il faudrait transmettre aussi notre savoir faire de mise œuvre, peut-être en nous impliquant davantage, nous les construteurs, dans l’acte de vente. Ou en allant directement chez les clients, ce qui en pratique est quand même difficile à réaliser... Car je suis sûr que les appareils que je fabrique ne sont exploités qu’à 70 ou 80 % de leur performance !

SSB : Vous portez également une attention particulière à l’intégrité mécanique de vos produits.

SE : Sur la génération NR, nous avons repensé, en tenant compte de fortes contraintes d’implantation, les mécaniques, les coffrets des appareils. Une bonne mécanique ne résonne pas, présente une bonne capacité à évacuer les vibrations. 


Pour ça, on utilise pour un même appareil des matériaux différents : l'aluminium, l'acier, des matériaux visco-élastiques, du liège, du plexiglas, du velcro, et même des adhésifs double face. Chaque pièce est éudiée en fonction de l’évacuation de ces vibrations, selon une approche empirique mais fortement enrichie par l’expérience. Les pieds de nos appareils sont semi-flottants, ils ne sont pas fixés de manière rigide sous le châssis mais via une butée à bille qui constitue une sorte de découplage. 


On marrie ces matériaux pour avoir des pics de résonnance moins marqués. Il faut faire attention aux effets microphoniques, à la captation des vibrations de la pièce par les capots des appareils eux-mêmes et à leur réinjection vers les enceintes ou la ligne d’alimentation. Nos faces arrières sont en sandwich plexi-alu, ce qui permet de découpler les connecteurs les uns des autres…

Sur notre lecteur CD NR 22, cette chasse aux vibrations nous a même fait opter pour une horloge sans quartz, un oscillateur analogique à 25 MHz. Car le quartz est microphonique c’est même pratiquement son pricipe de fonctionnement ! Et dans un lecteur, il y a des vibrations, puisqu’il y a une mécanique. C'est là que l'on voit que le problème n’est pas tant la stabilité fréquentielle de cette horloge. Lorsque l’on remplace le quartz par le circuit d'horloge que nous avons conçu, le niveau de stress descend, on récupère des arrière-plans sonores qui n’apparaissaient pas avant, et beaucoup plus de fluidité... La restitution est nettement plus analogique. Les gens nous le disent : "On dirait une lecture vinyle !". D'accord, ce circuit est moins précis qu’un quartz, mais dans la bande audio il reste parfaitement stable, et sa supériorité sonore est évidente ! De plus il n’y a aucun jitter induit dans le circuit, vue la grande proximité de ce circuit et de l’upsampler situé à deux centimètres de l’horloge.

SSB : Stéphane, quels nouveaux projets de développement avez-vous dans vos cartons ?

SE : Aujourd'hui, notre gamme comprend 11 électroniques. Nous voudrions y ajouter des serveurs multimédia. Mais nous souhaitons surtout étendre notre footprint à l’étranger : nous sommes depuis peu présents en Allemagne, Angleterre, Belgique, Etats-Unis… il faut continuer. Nous voudrions également développer à la fois le très haut et l’entrée de gamme, afin de convaincre des clients qui ne sont pas des audiophiles purs et durs. Sans doute grâce à des produits de convergence multimédia/hifi…

SSB : Et l'amplification numérique ?

SE : Pour moi, c'est une technique très adaptée à l’autoradio ou aux installations home-cinema compactes. Mais en hifi de qualité, cette technologie est un peu un leurre… Son réel avantage est qu'il est possible de loger un ampli de forte puissance dans un paquet de cigarettes. Mais est-ce vraiment utile dans  le cadre d'une installation de salon ? A quelques rares exception près, le registre médium aigu reste contraint, simplifié. Les timbres sont moins beaux, la musique est moins fluide. Je crois savoir également qu’il existe des problème de fiabilité dans l’amplification en classe D, qui exige un réglage très pointu de l'instant de commutation des transistors de sortie...

SSB : Merci Stéphane pour cette abondance d'informations ! 

SE : Merci à vous d'être venu jusqu'au Hameau !



mercredi 2 juin 2010

Festival Extension 2010


Extension fête brillamment son dixième anniversaire !

L’édition 2010 d’Extension, festival de création musicale orchestré par La Muse en Circuit, se termine dans les prochains jours. Ce dixième anniversaire a été célébré de belle manière, grâce à une affiche exceptionnellement riche et pointue. Compositeurs et interprètes majeurs de la scène contemporaine s'y seront succèdés sans relâche depuis la date d’ouverture du 12 mai.

On aura pu en effet assister au théâtre musical de Georges Aperghis, à de nombreuses créations ou reprises d’œuvres de musique pure - de compositeurs tels que Helmut Lachenmann, Liza Lim, Yann Robin, ou encore Steve Reich - à une soirée spéciale autour d’un instrumentiste (le violoniste Garth Knox) ou encore à d’ambitieux spectacles technologiques et/ou multimédia («Territoires de l’âme» de Jonathan Pontier, «My way to hell» de Matteo Fransceschini et Volodia Serre).


Le 1er juin à la Dynamo de Pantin, c’était la formation Ars Nova, dirigée par Philippe Naon, qui s’emparait de «Broken Circles», crissant poème industriel pour musique et vidéo de Franck Vigroux. Un effectif mixte acoustique et électrique qui n’était pas sans évoquer celui des flamboyantes performances de Soft Machine ou Henry Cow dans les années 70...

Extension 2010, c’était aussi une série de rencontres, d’ateliers et de sessions avant-concert où La Muse pouvait mettre en exergue les actions pédagogiques qu’elle entreprend, notamment avec les élèves des collèges du Val de Marne. Citons par exemple la rencontre du 3 juin autour de l’espace sonore, intitulée «Timbres, espace, mouvement» (d’après Henri Dutilleux), mais aussi le projet collaboratif «Cartes Postales» développé par Sébastien Béranger (spectacle du 4 juin, voir interview ci-dessous).


Signalons enfin la soirée de clôture du festival, le 5 juin, judicieusement placée sous le signe de la chute, avec des œuvres des compositeurs émergents ou reconnus Raphael Cendo, Michael Jarrel, Martin Matalon et du vidéaste Paolo Pachini.



Interview

Pendant le festival, Signal sur bruit a rencontré le compositeur et pédagogue Sébastien Béranger, membre de La Muse en Circuit, à propos de sa création «La part féminine des voi(es/x) épistolaires…».

Cette création est présentée dans les notes de programme comme une «allégorie des mémoires sonores du quotidien» - et sera mise, le 4 juin, en regard d'une oeuvre désormais historique et mémorielle, les «Different trains» de Steve Reich. Un travail collaboratif original, reposant sur les contributions vocales des habitantes de Champigny (94)…
Signal sur bruit : Sébastien, peux-tu nous raconter comment t'es venue cette idée de collecter, de provoquer le matériau vocal de ta pièce ?

Sébastien Béranger : Le projet s’est construit à la demande de la ville de Champigny. Il s’agissait d’impliquer dans un processus de création musicale contemporaine les habitants des quartiers des Mordacs et de Bois l’Abbé. La ville a ainsi demandé à l’ensemble 2E2M et à La Muse en Circuit d’imaginer un projet en commun. Avec Pierre Roullier, qui est le directeur artistique de l’ensemble 2E2M, nous avons eu envie de mettre en avant les femmes de ces quartiers, de leur permettre de s’exprimer librement, sans contrainte, avec comme seul médium leurs voix, leurs chants, leurs langues maternelles. D’où l’idée des cartes postales féminines et sonores …

SSB : Quelles en étaient les modalités pratiques de réalisation, et le nombre de personnes impliquées ?

Sébastien Béranger : Ce travail est avant tout issu du partenariat entre des structures artistiques et la ville. Les «Maison Pour Tous» des quartiers nous ont accueilli, soutenu, et nous ont donné des espaces et des temps de rencontre avec les habitantes. Nous avons commencé par des prises de son extérieures, au fil des conversations, avec quelques interview improvisées et improbables. Mais le travail le plus important a été réalisé avec quatre femmes qui se doivent de rester anonymes (!) et qui ont accepté de livrer, en toute intimité, leurs histoires, leurs voix, leurs chants, leurs accents et leurs origines.

SSB : Comment cela s’est-il déroulé en pratique ?

Sébastien Béranger : Afin d’enrichir la palette sonore, le conservatoire Olivier Messiaen nous a ouvert ses portes pour réaliser des prises avec les élèves des classes de percussion. Nous avons aussi imaginé des sortes de «dons du son», où chacun était libre de venir enregistrer une image sonore de son quartier. Dès le départ, j’avais envie avec ce projet de créer une certaine intimité, que l’auditeur puisse oublier l’aspect «reportage» in situ et qu’il puisse se laisser porter par les voix et par l’émotion qui s’en dégage. Mais d’un point de vue strictement pratique, il est très difficile de faire oublier les micros lors de la prise de son pour enfin accéder à cette intimité !

SSB : Quelle a été la réaction des personnes impliquées à l’écoute du résultat ?

Sébastien Béranger : Je voulais que les quatre héroïnes principales de cette pièce ressortent de cette expérience avec une sorte de cadeau personnalisé. J’ai remixé les parties vocales et électroacoustiques principales de la pièce afin de donner à chacune une petite miniature. A priori, elles étaient ravies du résultat et de s’entendre au sein d’un discours musical. Maintenant, j’attends avec impatience les réactions du public lors de la création, et plus particulièrement celle des campinois.

SSB : A La Muse, comment jugez vous cette dixième édition d’Extension ?

Sébastien Béranger : Le festival Extension est un superbe focus sur les multiples activités de la Muse en Circuit. Cet anniversaire était l’occasion idéale de montrer la richesse de la création musicale contemporaine, de proposer des formes différentes, transversales et pluri-stylistiques. Notre centre s’attache depuis longtemps à décloisonner les genres et le festival nous permet de partager cette richesse avec le public; les musiques se confrontent à la danse, aux œuvres plastiques, aux textes, à la vidéo, se mettent en scène ! 10 ans, 10 propositions artistiques, 10 formes différentes.

SSB : Avez-vous des pistes thématiques pour la prochaine édition ?

Sébastien Béranger : A priori, parmi de nombreux projets, le festival Extension 11 devrait faire la part belle aux ciné-concerts et aux rapports musique/image. Mais il est encore un peu tôt pour dévoiler la suite…

SSB : Merci et à très bientôt, car nous avons d'autres sujets d'intérêt en commun !

Sébastien : A bientôt, dans les locaux de la Muse sans doute !


18, rue Marcelin Berthelot
94 140 Alfortville

e-mail : musencircuit@wanadoo.fr

tél : (33) 01 43 78 80 80
fax : (33) 01 43 68 25 52