dimanche 20 février 2011

"Wagner m’a tué !"


ou Les enjeux de la musique en 25 citations


Sous un titre un peu accrocheur vient de paraître un ouvrage érudit proposant une approche de la musique (classique, essentiellement) en 25 citations choisies de compositeurs, poètes ou philosophes. Ces citations sont en outre classées selon 4 thèmes : la création, le sens, le public, les effets. L’exercice est dû à un collectif d’auteurs placés sous la direction d’Elisabeth Brisson.

Même si les différents articles s’attachent à analyser en détail le contexte de chaque citation et les débats ou polémiques qu’elle a pu provoquer en son temps, on pourra aussi voir dans cet ouvrage une sorte d’histoire de la musique en (très) condensé, riche en anecdotes informatives. En effet, les auteurs laissent parler des personnalités majeures d’époques diverses, ayant «autorité» dans le domaine (de Bach à Boulez) et qui se sont par exemple trouvées pendant leur existence au coeur d’un courant musical naissant. Néanmoins, la majorité des propos retenus est le fait de créateurs des 19e et 20e siècles. Peut-être aurait-il été plus objectif de balayer de manière systématique et équitable les siècles passés ?

Toujours est-il que la première citation, de Heinrich Heine («L’essence de la musique est d’être une révélation»), permet, au delà de son sens premier et fondamental, d’introduire au furieux débat sur la critique musicale qui prit forme à Paris au 19e siècle.

Beaucoup plus lointaines, les citations de Platon et d’Aristote rappellent à quel point la musique et la danse (tant qu’elles accompagnent un texte ou un chant, au moins chez Platon) étaient considérées comme indispensables au développement de la sensibilité et des qualités d’âme de l’être humain. Mais aussi à l’aptitude au raisonnement, et ce quelques quatre siècles avant notre ère. Ce que nous avons vite oublié, particulièrement en France.

D’autres extraits donnent à réfléchir sur le rôle de la musique dans la société et pour le musicien lui-même, comme l’étonnante saillie stravinskienne : «Je considère la musique, par son essence, impuissante à exprimer quoi que ce soit» ou encore les propos de Viktor Ullman (cité deux fois), musicien tchèque déporté au camp de Thérezin et mort à Auschwitz.

Les propos de Pierre Boulez (cité deux fois également), aussi lapidaires soient-ils, permettent d’expliciter l’avènement de l’ère dodécaphonique et rappellent comment certains musiciens ont pu réagir de manière viscérale (tant parmi les prosélytes que chez les détracteurs) à cette nouvelle forme d’écriture. On ne manquera pas de relever la petite touche de complaisance des auteurs des deux articles à propos de l’incisif compositeur. Enfin, nous n’avons qu’un Boulez !

Adorno est aussi présent, pour sa puissante critique de «l’industrie culturelle» (oui déjà, juste à l’après-guerre !), ce qui permet à l’auteur de l’article une extension du propos original au plus récentes habitudes de consommation de la culture et particulièrement de l’opéra.

Emmanuel Chabrier est cité deux fois lui aussi. C’est d’ailleurs lui qui donne son titre à l’ouvrage, tout fasciné qu’il était par l’opéra wagnérien. Mais il figure encore, de manière plus anecdotique sans doute, pour l’apport de ses racines régionales dans sa musique.

Le mot de la fin revient naturellement à Schopenhauer, le philosophe de la musique par excellence, même si le propos qui en découle reste discutable - notamment dans la comparaison entre la musique et les autres arts. Mais le propre d’un essai est bien de susciter les réactions du lecteur...

On détectera certes par endroits quelques longueurs ou redondances (l’analyse du - révolutionnaire pour l’époque - Boléro de Ravel), mais d’une manière générale le style des rédacteurs est très clair et les articles bien documentés. Ils se concluent tous par une bibliographie permettant d’approfondir encore la problématique soulevée.

Il s’agit donc d’un ouvrage qui s’adresse tant au mélomane curieux qu’à l’étudiant rédigeant un mémoire et qui souhaiterait étayer son propos par quelques solides exergues. Si ce ne sont celles développées ici-même, elles pourront être extraites des nombreux ouvrages cités en référence.


«Wagner m’a tué»
Les enjeux de la musique en 25 citations
Editions Ellipse
Prix : 19,5 €





jeudi 17 février 2011

Opération Vintage Spirit à la FNAC… jusqu’au 10 mars


Retour vers… le passé !



L’esprit seventies plane de nouveau dans les temples de la consommation culturelle ! Témoin, cette opération Vintage Spirit des magasins et du site FNAC. Au menu, une sélection de CD et de disques vinyl, de DVD, de produits techniques, de livres et magazines, de produits dérivés évoquant tous les décennies passées.

Parmi cette sélection, le vinyl figure (presque) en bonne place. Des bacs de 33 tr/mn neufs, rééditions récentes d’albums cultes, datés en fait des années 60 à nos jours, sont en général positionnés à l’entrée des magasins. Les jeunes gens sont invités à piocher allègrement dans ce choix anachronique, d’autant qu’une opération «Moins de 20 ans, moins 20 %» les attend. 

On pourra donc se réapprovisionner, même s’il on a plus de 20 ans, en belles références faisant l’objet de rééditions plus ou moins luxueuses sur vinyls 180 grammes (ils y sont, j’ai pesé quelques échantillons avec ma petite balance de cuisine), à des prix qui restent abordables. 30 € pour une édition double du mythique Are you experienced du Jimmy Hendrix Expérience (avec bonus tracks), 19 € pour un Beach Boys de la belle époque, 18 € pour les Songs of love and hate de Leonard Cohen, 17 € pour un album de Björk. De très récents White Stripes et Franz Ferdinand sont au même prix.

A l’écoute - sur un système haut de gamme dont la source est une platine Linn LP12 bien équipée - ces pressages s’avèrent d’une qualité très correcte, que ce soit en termes de dynamique, de bande passante subjective ou d’image stéréophonique. Le bruit de surface est quasi nul. Observés de près, ces disques affichent une planéité satisfaisante, une absence de bavures de fabrication (défauts souvent rencontrés à l’époque où l’on a commencé à sonner le glas de ce support au profit de la technologie numérique), et un pas de gravure a priori choisi pour maximiser la qualité. Certains éditeurs ne rechignent d’ailleurs pas à répartir un programme un peu long sur deux disques, au lieu d’entasser tous les morceaux (originaux plus titres inédits par exemple) sur un même disque.

Côte matériel, on retrouve aussi des platines tourne-disques - à partir de 129,90 € telle cette Ion Profile LP (à cellule céramique !) - souvent pourvues d’un préampli-convertisseur avec sortie USB. C’est le cas du modèle ETVT20102BLK (ouf !)  de TDK, marque plutôt connue (et réputée) pour ses supports d’enregistrement magnétiques et optiques. Tout cela ne fait certes pas de la très haute fidélité, mais c’est désormais une chose tout a fait officielle : le 33 tr/mn a réussi son come-back, même dans les grands circuits de distribution ! 

Si au début des années 80 le CD était était annoncé comme une révolution (alors qu’il s’agissait plutôt d’une régression sur la plan de la musicalité), ce sont aujourd’hui les moins de trente ans qui aujourd’hui évoquent le son plein des vinyls avec des trémolos dans la voix !

vendredi 11 février 2011

Exercices du silence de Brice Pauset



Une mystique dans la douleur


Avec «Exercices du silence» le compositeur Brice Pauset, féru d’histoire et de philosophie, a mis en musique le contenu de lettres écrites par Louise de Bellère du Tronchay (1639 - 1694), qui se fit appeler Louise du Néant peu avant son internement à La Salpêtrière à l’âge de 35 ans. Mystique parmi les mystiques, avide de mortifications, cette personnalité hors du commun issue de la noblesse - et qui dans sa prime jeunesse avait fréquenté le couvent de l'Abbaye du Ronceray à Angers - fit le choix délibéré après quelques années d’enfermement de partager la condition misérable des folles et des miséreuses mises au ban de la société de l’époque.


Cette pièce difficile et heurtée fut créée en 2008 et est reprise en 2011 à l’Ircam, Brice Pauset ayant retouché a l’écriture de la partie pianistique. On ne s’attend évidemment pas, avec une telle thématique, à entendre une oeuvre légère et gaie. Effectivement, la vision développée par Brice Pauset a tout du cauchemar. Le compositeur déclare lui-même que les quatorze tableaux de cette pièce «exposent avec une certaine méthode le prix à payer pour un idéal donné». Et ce prix est ici particulièrement élevé. 


C’est ainsi que l’espace scénique confine au dénuement le plus total, partagé entre le pianiste Michael Wenderberg, et la soprano Salomé Kramer qui évolue à petits pas dans un lieu sombre, juste ponctué d’une chaise et d’un bloc qui pourrait être de pierre glacée. Et de l’introduction - sombre collage sonore aux extraits éparpillés et indistincts - à la coda, l’oeuvre entière semble traversée par une difficulté extrême qu’aurait le personnage de Louise du Néant à énoncer son propre sort. 


Un parti pris singulier, puisque dans la réalité on fit plutôt reproche à Louise de son intarissable volubilité, et de faire tant publicité de ses actes de contrition. Mais il est vrai aussi que ses sonores crises d’hystérie ou ses tentatives d’auto-mutilation écartent d’elle toute compréhension - à l’exception de celle de l'un de ses confesseur, le père Jean Maillard, qui publiera sa biographie. Et, dans le contexte de l’époque, Louise est non seulement victime de sa passion dévorante pour le Seigneur, mais aussi de l’opprobre qui frappe les derniers vrais mystiques que la cause religieuse ait engendré - et que la bonne société assimile à des phénomènes de foire, quand ce n’est pas à de répugnant(e)s sorcier(e)s. 

La prosodie imposée au personnage de Louise repose le plus souvent sur la dislocation des phonèmes et la décomposition des timbres. Voyelles et consonnes sont écartelées, tandis que le piano martèle le grave ou l’aigu de manière exacerbée. Il en va de même de l'espace sonore qui cerne le public, qui donne à entendre une perspective infiniment lacérée (ce que rend possible le dispositif électro-acoustique déployé tout autour de la salle et le contrôle du son en temps réel depuis la régie).

Finalement, «Exercices du silence» est plus une épreuve qu'une initiation, que ce soit pour les musiciens ou pour les auditeurs. Par l'accumulation d'effets sonores crispants, Pauset ne montre guère de complaisance vis à vis de son personnage. Ni pour son public, toujours soumis à la prédominance d'harmoniques impaires, d'innombrables fractures sonores, et à la quasi absence de résolution de ces tensions bruitistes. 


Or, on aurait pu espérer que les moments d'extase de Louise soient retranscrits par de véritables stations de plénitude musicale, où son humanité et sa totale dévotion auraient été réhabilités. Mais, à défaut de suggérer plénitude ou sérénité retrouvée, ces courts moments sont également présentés de façon paroxystique.


Ainsi, «Louise la pauvre» ne semble guère trouver de salut auprès du compositeur. Son destin serait-il donc de rester à jamais incomprise ?

De gauche à droite : Salomé Kammer, Olivier Pasquet (informatique musicale), 
Brice Pauset, Michael Wenderberg






mardi 8 février 2011

En exposition à la MEP - du 9 février au 10 avril 2010





Henri Huet - Vietnam

A l’instar de Robert Capa ou James Nachtwey, Henri Huet, natif du Vietnam, a su comme peu d’autres capter l’action de guerre, dans un pays qui était le sien : la peur d'un soldat américain pourtant soutenu par un camarade, le ballet des hélicoptères venant chercher des montagnards de Bu Lach, la douleur d’un enfant blessé par une explosion au sortir d’une ambulance, avec pourrait-on dire une science aboutie du cadrage et de la profondeur de champ. 

Images graves d’individus et de lieux dévastés, dont il ne reviendra pas.

L’exposition, très riche, occupe le sous sol entier de la MEP, et rassemble aussi de nombreuses coupures de presse illustrées par Huet.

Sous une vitrine, son Leica M2 et son Nikon F, respectivement équipés des focales 50 et 35 mm, appréciées des reporters de guerre, mais qui obligent à «rentrer dans le sujet». Le mot de Capa n’a jamais été si juste : «Si ta photo n’est pas assez bonne, c’est que tu n’étais pas assez près». Les images de Henri Huet sont, elles, cruellement bonnes. 


Vincent Rosenblatt – Rio Baile Funk

Autres temps, autre lieux. Dans la Rio contemporaine s’organisent, au rythme effréné de 300 à 500 par semaine, des «bailes funk» (bals) où toutes les classes sociales se retrouvent, et qui constituent une sorte de lieu de révolte chantée et dansée, objet de la répression policière. 

Malheureusement, cette exposition est trop petite : la sensualité des corps et des poses n'est qu'évoquée, la dimension sociale du phénomène n’est citée que dans la note d’exposition, mais est relatée dans le reportage radio que l’on peut écouter au casque. C’est dommage !


Hervé Guibert photographe

Hervé Guibert livre ici de manière posthume sa propre sélection définitive d’images personnelles en quelques 200 œuvres de petit format. Le parcours commence par des images épurées de comédiennes, dont la jeune Isabelle Adjani.

Un peu plus loin, l’auteur du livre «La photo, inéluctablement» accumule les natures mortes d'un atelier fantasmé (série d’images prises au musée Grévin et à la Specola de Florence). Ici, la représentation est celle du corps meurtri, ou figé par la mort, et placé à côté de portraits et de nus «bien vivants».

"Je rêve que les photographes se mettent à écrire et que les écrivains prennent des photos, qu'il n'y ait plus d'intimidation des uns aux autres..." Et l’on découvre avec fascination les petites mises en scènes intérieures très économes de moyens, où la trace et l'ombre sont omniprésentes. Il y a de la crudité et de la poésie dans le travail photographique de l’écrivain.

Son unique long métrage «La pudeur et l’impudeur», réalisé peu de temps avant sa disparition, il y a vingt ans, est également présenté.


Marc Trivier ou la photographie comme expérience

Marc Trivier aime le flou et la lumière révélatrice, le format carré et les bovins. Il tient son attirance pour la lumière d’une expérience de jeunesse de clarté irréelle observée dans un sous bois. A propos de ses images d’animaux écorchés, il associe leur destin au nôtre et dit : «La mort ne pourra se passer de nos corps - mais au fond, elle ne nous veut pas de mal, elle ne nous veut rien».

Trivier aime aussi les célébrités, écrivains ou peintres pour la plupart (Warhol, Jasper Johns, Tadeus Kantor, Nathalie Sarraute, Francis Bacon, Beckett, Burroughs... mais aussi John Cage), qu'il fait cohabiter avec des inconnus : Philippo, Jean, Michel ou François… 

Souvent légèrement surexposées, les portraits sont baignés de lumière. Qu’il fait donc cohabiter aussi avec des vaches et cochons équarris en décor d’abattoir. Une autre audacieuse juxtaposition, qui fait écho à celle développée dans l’exposition de Hervé Guibert.


Jacques Prévert – Photos détournées

Il faudra voir aussi les beaux collages surréalistes de Prévert, «peintre sans pinceau» selon Picasso, qui puisait sa matière dans des images de récupération, achetées aux Puces ou empruntées à ses amis photographes. 

Des collages qui «au fond, sont des poèmes» comme le dit son éditeur.











dimanche 6 février 2011

Oboe 2011

Le hautbois est de retour !





Le festival Oboe est de retour, programmé comme à l'habitude à cheval sur les mois de février et de mars, avec, une fois de plus, un programme varié comportant quelques temps forts originaux. Au nombre des compositeurs représentés : Bach, Britten, Haendel, Jolivet, Mozart, Piazzola, Purcell, Schubert, Telemann, Vivaldi...

Le festival commencera le samedi 19 février à l'Eglise Saint Merri (à 20h). «Entre mots et notes : poésie et musique» réunira la directrice artistique du festival Marika Lombardi (hautbois) et Cyril Andrieu-Lacu (voix). Ils exploreront de concert des textes de Blaise Cendrars et d'Alda Merini et des partitions sacrées de J.-S. Bach.

Citons également une matinée consacrée à la musique d'amérique du sud à la Cathédrale Américaine (à 12 h 30 le 3 mars, avec l'ensemble Alma Viva et Laszlo Hadady), et la Gran Partita de W.-A. Mozart, interprétée de deux manières différentes : dans la version de Schwenke pour hautbois viennois et trio à cordes (le Samedi 26 Février à l'Auditorium de la Cité des Arts, à 20h30) et dans sa version originale (le vendredi 11 Mars au Musée Carnavalet, à 12h30).

Le festival invitera également des jeunes talents (le 20 février), le Quatuor Entre Manches (le 24 février), le corniste Albin Lebossé (le 4 mars), et proposera une Master Class de hautbois menée par Alexandre Gatett (le 5 mars).


Enfin, l'événement se concluera le dimanche 13 mars en quai de Seine sur le Bateau Daphné (à 16h30) avec le programme «Quartetto à l’eau».

Comme l'année passée, Signal sur bruit est associé à cette manifestation et réalisera plusieurs prises de son de concerts au programme.

Programme détaillé et adresse des salles sur le site d'Oboe 2011.











mardi 1 février 2011

Le festival Paris Quartier d’Eté menacé...


Signez l’appel pour sauvegarder
Paris Quartier d’Eté !




Paris quartier d’été, festival fondé en 1990, propose chaque année une programmation riche et audacieuse qui permet à tous de redécouvrir Paris, et de découvrir les talents les plus variés dans un grand nombre de domaines : des spectacles de danse aux expositions photographiques, du cirque nouveau aux soirées jazz, des projections de films en plein air aux représentations théâtrales en salle…

Depuis 10 ans, Paris Quartier d’Eté fédère tous les lieux et tous les publics, sans exclusive, avec des événements de haute qualité qui attirent de nombreux spectateurs et des artistes de renom. 

Signal sur bruit est d’ailleurs présent notamment aux Arènes du Jazz (Arènes de Montmartre), pour un festival dans le festival, en cinq dates, qui voient se produire le gratin des musiciens et formations de tous pays… Ce n’est qu’un exemple. Mais cet événement (et tant d’autres) est désormais un incontournable de l’animation estivale parisienne.

Cette formidable initiative est aujourd’hui menacée, principalement pour des raisons budgétaires, qui sont exposées en détail dans l’appel que nous vous invitons à signer. Nous nous faisons spontanément l’écho de la campagne de sensibilisation initiée par les organisateurs de cette manifestation, car il serait bien dommage qu’elle doive se priver d’une partie importante de son contenu...






Festival Paris quartier d’été
5, rue Boudreau - 75009 Paris
Tél. : 01 44 94 98 00 - Fax : 01 44 94 98 01 email : paris@quartierdete.com