mercredi 25 novembre 2009

Une interview de Raphaël Cendo





A l'occasion du concert Ircam Introduction aux ténèbres


Signal sur bruit : Bonjour Raphaël... Pour les lecteurs, vous permettrez que je vous présente en quelques mots. Vous êtes un jeune compositeur, diplômé du CNSMP en l'an 2000, puis vous avez suivi le cursus de composition et d'informatique musicale de l'Ircam. Vous êtes déjà beaucoup joué et primé ! Vous avez composé des oeuvres pour des formations de renom telles que l'Ensemble InterContemporain, l'Itinéraire, l'ONF. Et elles ont été programmées dans de prestigieux festivals de musique contemporaine (Présence, Ars Musica à Bruxelles, festival de Donaueschingen entre autres ndlr). Vous êtes aujourd'hui professeur de composition au Conservatoire de Nanterre...

Raphaël Cendo - «Oui, c'est bien ça. Bonjour ! »

SSB : Vos œuvres ont pour titres «Scratch Data», «Décombres», «Masse métal», «Rage in the heaven city», «Action directe», aujourd'hui «Introduction aux ténèbres»... Vous définiriez-vous comme un compositeur punk, grunge ou trash ?

Raphaël Cendo - (Sourire) «Non pas du tout, même si certaines musiques orales me touchent profondément, il y a une différence de taille entre la pratique de la musique écrite et celle de la musique punk ou grunge. L’univers des sons sales, comme on a malheureusement l’habitude de les nommer par manque d’analyse, provient des expérimentations et de l’émergence de l’électronique dans les années 60. Mais il est vrai que l’énergie punk et la pensée qui va avec ne me sont pas étrangères, même s’il n’y a jamais de pont ou de lien avec ces musiques dans mon processus compositionnel.»

SSB : Vous commentez vous-même Introduction aux ténèbres, votre dernière œuvre, de cette façon : "La question de l’apocalypse chrétienne renvoie à notre propre apocalypse [...] à celle de notre communauté, mais aussi à celle de notre propre vie. Quel voile voulons-nous lever ? Quelles heures sombres nous attendent ? Et quel est aujourd’hui cet empire à détruire ?"

Est-ce la marque chez vous d'un irréductible pessimisme, ou voulez-vous plutôt marquer que de tout désastre on peut (doit ?) espérer une renaissance ?

RC – «C’est un peu les deux. Au départ, il y a volontairement une pensée nihiliste, un certain pessimisme : c’est le regard que je porte sur notre communauté, sur la question du pouvoir et donc de la manipulation. Pour les chrétiens qui vivaient en 90 après JC, il y avait une volonté de destruction de l’empire de Rome mais dans le but d’imposer un autre règne, celui du royaume de Dieux sur terre. Pour eux en effet, la destruction n’était pas une fin, mais seulement les conditions initiales pour imposer un autre pouvoir. Lorsque je pose la question «Quel est cet empire aujourd’hui à détruire ?» j’entends plutôt : quelle forme de pouvoir pourrait remplacer celui que nous connaissons…»

SSB : En quoi a constitué l'apport des experts et des technologies de l'Ircam dans l'élaboration de cette oeuvre ?

RC – «Greg Beller, le réalisateur en informatique musicale avec qui j’ai travaillé pour cette pièce, a développé tout un parcours en temps réel pour la voix et la contrebasse. Les deux solistes sont traités en direct avec différentes machines qui permettent de transformer leurs sons et de les projeter sur huit haut-parleurs. De mon côté, je me suis attaché à une écriture plus fixe de l’électronique qui est présente tout au long de la pièce. Le travail d’amplification a été assez difficile car les sons acoustiques sont volontairement très proches des sons électroniques, de manière à permettre une meilleure fusion et accentuer ce sentiment de masse sonore.»

SSB : Vous developpez le concept "d'infra-saturation" sonore. On comprend qu'il s'agit d'exploiter des résidus spectraux de sons ou d'assemblages de sons que l'on a amené à saturation, peut-être par le biais de modélisations et de simulations informatiques ? Si c’est le cas, pouvez-vous décrire les procédés mis en oeuvre ?

RC – «Le phénomène de la saturation est un phénomène chaotique et anarchique. Il est par conséquent impossible et illusoire de vouloir l’analyser, donc de le modéliser. Le travail que j’ai effectué a consister à chercher sans relâche, pendant de longues heures, avec des musiciens et bien avant l’écriture même de la pièce, pour trouver les timbres que je voulais et qui correspondaient avec mon univers. C’est à la source que la musique doit être saturée ou infra-saturée, ce n’est pas à l’électronique de le faire. Ensuite, avec mon matériau acoustique, j’ai élaboré des principes pour l’électronique, comme l’imitation de timbre… L’électronique n’effectue qu’un grand zoom dans le cœur même de l’instrument.»

SSB : Les composantes acoustique et électronique ont donc leur propre autonomie dans cette pièce ?

RC – «Comme je viens de le dire, les sons sont dejà transformés à la source, c’est pour moi important car l’électronique n’est plus utilisée pour créer des sons inouïs (comme c’est le cas dans la plupart des pièces), mais en tant que réflecteur des sons acoustiques. Cette différence est importante pour moi car elle place ces deux mondes à armes égales, l’un pouvant rivaliser avec l’autre. Ce qui se produit alors, c’est l’émergence ce que l’on pourrait appeler un hors-son ou un tiers son. La fusion entre le monde acoustique et électronique est telle qu’il se produit de nouveaux timbres, dûs à l’accumulation de fréquences.»

SSB : Raphaël, merci d'avoir répondu à nos questions !

RC - Merci à vous et à bientôt...


Retour au concert du 26 novembre



mardi 24 novembre 2009

Introduction aux ténèbres - concert Ircam du 20 novembre 2009




Bientôt la fin du monde ?

Superbe et dense programme que celui de ce vendredi 20 novembre, donné en la grande salle de l’Ircam par une formation que l’on ne connaît que trop peu (tout au moins en région Ile-de-France) : L’Ensemble Orchestral Contemporain, basé à Lyon, dont la direction musicale est assurée par Daniel Kawka et la présidence d'honneur par le compositeur Hugues Dufourt. L'EOC sillonne la France et le monde et possède à son actif un répertoire des plus riches qui s'étend de Gilbert Amy à Frank Zappa, en développant longuement chaque lettre de l'aphabet...


Kreuzspiel – Karlheinz Stockhausen

Le nom de Karlheinz Stockhausen est volontiers associé à ce que le 20e siècle musical a pu produire de plus novateur, de plus inouï, de plus extrême. Il est un fait que le compositeur allemand a participé à la fondation ou est lui-même à l’origine de nombreux «concepts» de la musique moderne : modes d’écriture inédits à l'inspiration mathématique, exploration pointue du domaine électro-acoustique, modalités hors normes de mise en scène des formations musicales, intégration de répertoires et d’idiosyncrasies musicales extra-européennes. En somme, un parti pris de provocation et de remise en cause farouche de la tradition.

Tout cela fascine, mais peut aussi à l’occasion décevoir, lorsque l’on redécouvre des œuvres écrites il y a quelques décennies, dans des périodes où le respect du dogme révolutionnaire semblait parfois primordial, plus important que les œuvres elles-mêmes auxquelles il pouvait donner naissance.

Mais il y a chez Stockhausen, compositeur réputé difficile et illuminé, une pléthore d’œuvres qui, au-delà d’un formalisme un peu abrupt ou exotique, sont porteuses d’une musicalité tendue et poussée, confinant parfois au mysticisme, qu’il reste tout à fait possible d’apprécier de manière assez immédiate - et même probablement davantage au concert qu’au disque.



C’est bien le cas de Kreuzspiel, qui malgré son titre, n’est pas (seulement, ou du tout) une simple étude pour virtuoses. Réécoutée près de soixante ans après sa composition, Kreuzspiel étonne par son sens du drame presque contenu, parfois quasiment étouffé – et donc, de ce fait, démultiplié - posé par touches pianistiques tendues, tandis que trois percussions tissent un irrémédiable canevas rythmique syncopé. On peut aussi trouver dans cette œuvre les prémisses d’un jazz d’expérimentation sonore qui ne se développera que beaucoup plus tard –avec Cecil Taylor par exemple- ou même plus récemment encore avec des compositeurs-interprètes tels qu’Antoine Hervé ou Benoît Delbecq.
Une exécution brillante et juste, d'une tension dramatique parfaitement musicale, d’une pièce difficile où chaque attaque compte.


Octandre – Edgar Varèse

La note de programme énonçait qu'avec Density 21.5, Octandre est la seule pièce ne faisant pas appel à la percussion jamais composée par Varèse (*). Non percussive ? Voire ! On n'échappe pas à son destin de compositeur - et précisément lorsque l’on est hanté par la physique du son et ses contrastes dynamiques, comme a pu l’être le compositeur franco-américain. Et l’on décèle assez aisément dans cette œuvre une manière toute heurtée d'employer les vents, de faire claquer les accords, tandis que tel instrument soliste tente à son tour de faire entendre un message mélodique qui lui est propre.


Mais dans le cadre de ce programme, cette œuvre finalement assez calme et lisible n’était qu’une forme de calme précédant le cataclysme…



Introduction aux ténèbres - Raphaël Cendo

Si Kreuzspiel généra un relatif scandale lors de sa création à Darmstadt en 1952 - et si nombre de compositions de Varèse des années 20 et 30 ont dû beaucoup surprendre également - on ne saurait trop imaginer le tollé qu'aurait soulevé Introduction aux ténèbres si cette pièce avait été jouée à l'époque. Mais ceci n’est qu’une vaine expérience de pensée car, justement, en matière de création artistique comme dans toutes les autres disciplines humaines, l’Histoire est orientée. Et si des formes de retour en arrière sont possibles à tout moment, il y a des audaces qui ne peuvent être développées que lorsque certaines voies ont déjà été défrichées par ailleurs…

Il en va ainsi de la forme d’Introduction aux ténèbres, de l’énergie furieuse qu’elle véhicule pendant 45 minutes, de la nature et de l’éreintement systématique des sons qu’elle expose, et finalement de la manière dont elle restitue le contenu «biblique» qu’elle véhicule. Une audace infernale…

La lecture préalable de la note de programme, si elle laissait présager une œuvre sombre‚ ne pouvait d’ailleurs qu'effleurer sa véritable nature apocalyptique ! Car si apocalypse équivaut à révélation, comme le rappelle lui-même Raphaël Cendo, cela signifie aussi chez lui un déferlement radical de sonorités rugueuses et granuleuses.

L'EOC, quelques 3 secondes avant la fin du monde

En écoutant, en ressentant Introduction aux ténèbres, on pense sans doute d'abord à Xenakis. Mais chez Cendo, la volonté est de sculpter à même le bruit, de tracer les contours de formes chancelantes et ruinées, découpées sur les décombres de sonorités saturées à l’extrême. Plutôt que d'assembler minutieusement des myriades de trajectoires sonores finement calculées, en de denses clusters. On pense aussi au courant noisy rock, incarné par Sonic Youth, et aux diaboliques symphonies pour guitares électriques de Glenn Branca.

Mais ici, l’exploration de la granulation instrumentale et vocale est réalisée de manière absolue, dans le cadre d’un ensemble acoustique amplifié, un peu augmenté par l’électronique. Un effectif inhabituel mais finalement réduit : un «quatuor» de violoncelles à l'avant, trois cuivres, un vent, un piano, deux sets de percussions, plus les deux protagonistes principaux de cette descente aux enfers chantée, la contrebasse et le baryton.

L'exploit réalisé par Cendo – et bien sûr par le baryton Romain Bischoff, le contrebassiste Michaël Chanu et les musiciens de l’EOC - est d’entretenir sans relâche la sidération de l'auditeur pendant toute la durée de cette œuvre, dont il est évidemment très difficile de décrire l’indubitable progression. Car des climats de tension modulée se succèdent, mais sans échappatoire possible, comme le scande à plusieurs reprises une oppressante spatialisation sonore arrière qui semble prendre le public en étau.



On peut donc sans doute parler d’épreuve pour les musiciens (les répétitions !) mais pour l’auditeur également… Sa durée serait probablement jugée exagérée par qui n’est pas familier avec certaines hardiesses contemporaines. Rassurons-nous (!), elle reste quand même assez éreintante aussi pour les autres... Mais c'est le sujet qui le veut, et l'on sort fasciné de cette audition, conscient d’avoir assisté à la création (française en l’occurrence) d’une œuvre qui va marquer une «fin de début de siècle» douloureuse, qui n’en finit pas de tourner en rond.

Le chef Daniel Kawka (à gauche), Raphaël Cendo (au centre),

et les musiciens de l'EOC


Oui, il faut absolument que quelque chose advienne… que la flèche du Temps reprenne son essor !
Mais s'il ne s'agissait ici que de l'introduction aux ténèbres, que nous réserve donc la suite des événements ?

(*) Ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait exact, car Un grand sommeil noir et Poème électronique ne font pas non plus appel à la percussion.


A lire aussi : l'interview de Raphaël Cendo...














mercredi 18 novembre 2009

PASS LABS XP15 phono preamp - Introduction


Origin : USA - Price : 4250 €
- Imported in France by Z Electronique Diffusion



One would easily be lost in the naming of the last series of Pass Labs preamps : XP10 and XP20 for line preamps, XP15 for the up to now unique phono unit, not far from being joined by a new XP25 model - which should be a cost-no-object piece of equipment. This XP15, designed by Wayne Colburn, was introduced as the sequel of famous X-ono, which name was a bit more eloquent. But this is not the main issue, really !

Until now, the XP15 so was a concentrate of the best Pass Labs technologies. Within a single box of luxurious but largely minimal looks (one blue LED on the front panel, full stop) it gathers the power supply and high gain circuits for moving magnet and moving coils cartridges. A very versatile unit indeed, that was referred to as one of the very best preamplifiers in the world by its own makers. Thus, we are going to watch out for the release of its big brother. But it is true that the specifications of the XP15 are nothing short from exceptional. Let’s quote :

- Step-adjustable gain between 46 and 76 dB (on balanced outputs ; - 6 dB for unbalanced mode),
- adjustable input resistance between some Ohms and 1 kΩ (for MC cartridges) –1 kΩ and 47 kΩ settings for MM cartridges,
- adjustable input capacitance between 100 pF and 750 pF,
- RIAA equalization better than +/- 0.1 % between 20 Hz and 20 kHz,
- THD less than 0.01 % @ 1 mV MC input,
- Signal to noise ratio : 81 dB @ 1 mV MC input,…




If its front panel is virtually bare, its back side is much less so, since it carries the indispensable connections set (a pair of RCA Input sockets, a pair of RCA and XLR output sockets, an earth ground post, and the IEC socket) and four dipswitches (two per channel) for cartridge gain and impedance adjustment. This is complemented by a useful serigraphy which is a user’s guide settings.

Operation

Let’s remind that, if the resistance value for mobile magnet cartridge loading is supposed to be normalized at 47 kΩ, things are far unlike in the wonderland of moving coils transducers. But arguably, these are the choice of analogue aficionados… That is why I choose to use that kind of cartridges during the listening session.
These latter look like tiny current generators – rather than voltage generators – for they show a very small resistive and inductive parts placed in series, the values of which are very different from a model to another.



One usually states that it is advisable to load these generators by a resistor value ranging from 10 to 100 times their own internal resistance, whereas the unavoidable loading capacity – which sums up that of the preamp and that of the connecting cable – has just to be minimised. For this RLC network acts as a bass-band filter, with a resonance frequency set just before the cut, and a rather steep slope.

Much profit can be drawn from an article (and calculation sheet) posted at the address http://www.hagtech.com/loading.html on Hagerman Tech website, which allows to evaluate the optimal impedance loads according to the electrical parameters of the cartridge. That is, those which ensure the flattest frequency response in the audible band and the least marked resonance.

The frequency response of a cartridge with 100 Ω resistance and 50 mH inductance, loaded by a MM input (47 k Ω), with varying capacity figures, is shown here below. With 200 pF (100 for the preamp plus 100 for the cable), we can see that the resonance, quite underlined (+9 dB), is set around 50 kHz…


These last years have shown a trend in the reduction of the number of coil windings, which guarantees the extreme lightness of moving assemblies – and so reduces the values of their resistance and inductance. Thus, the characteristics of the models used for this listening session are the following :

- Output level 0.22 mV @ 5cm/s – 3.3 Ω – 4.5 µH for the Lyra Helikon SL cartridge,
- output level 0.4 mV @ 3.54cm/s – 4 Ω – 5.5 µH for the Transfiguration Phoenix cartridge.

One can easily verify that in these conditions, faced with the typical 150 pF to 200 pF load represented by an interconnect cable and the preamp input in itself, the resonance frequency is rejected far in the treble band (some MHz), well above the limits of human audibility (not to mention the mechanical characteristics of the cartridge). The influence of settings on such transducers should then be minimal. Despite, if we still want to minimise the amplitude of the resonance, such a figure as 200 Ω is the best choice. But the influence of these settings on the response of such transducers is theoretically minimal, even if we’d set for the largest input capacity of the XP15 (750 pF). Moreover, the low output level of these cartridges practically dictates the choice for maximal gain (76 dB), which is likely to be a bit unfavourable to the objective and subjective performance of the unit.

After some trials that have proven to be without great impact, listening tests have been carried out with R close to 200 Ω, C at its minimum (100 pF) and maximum gain tag. If this values do not cover the whole set of possibilities, they allow having a good insight on the preamp’s performance, with two models of cartridges that have dissimilar sonic signature…

One more word before listening : the user’s manual is, as usual with Pass labs products, very clear and informative.


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Préampli phono PASS LABS XP15 - Introduction


Origine : USA - Prix : 4250 €
- Distribué par
Pass Labs XP 15 : Un lingot d'alumunium superbe et dépouillé. Et qui chante !

On s’y perdrait presque dans les noms de code des derniers préamplis Pass Labs : XP10 et XP20 pour les préamplis ligne, XP15 pour l’unique préampli phono de la marque - à la veille toutefois de la sortie d’un XP25, qui devrait être un produit sans compromis. Mais ce XP15, conçu par Wayne Colburn, est présenté comme le successeur du fameux X-ono, dont le nom était au moins plus original et évocateur. Qu’importe, là n’est certainement pas l’essentiel !

Jusqu’à présent donc, le XP15 était un concentré des meilleures technologies de Pass en matière de préamplification phono, renfermant, dans un seul coffret à l’apparence luxueuse quoiqu’infiniment dépouillée (une LED bleue en face avant, point final), l’alimentation et les circuits de préamplification à grand gain pour cellules à aimant et à bobines mobiles.


Une unité en fait très universelle d’emploi, et qui était à demi-mot présentée par le constructeur comme l’un des meilleurs préamplis phono au monde. On va donc guetter de près la sortie de son grand frère ! Mais il est au moins vrai que les caractéristiques techniques du XP15 sont superlatives. Citons en vrac :

- gain ajustable par pas entre 46 et 76 dB (sur les sorties symétriques ; mêmes valeurs - 6 dB pour le mode asymétrique),
- résistance d’entrée réglable entre quelques Ω et 1 kΩ pour les cellules MC – positions 1 kΩ et 47 kΩ pour les cellules MM,
- capacité d’entrée réglable entre 100 pF et 750 pF,
- correction de gravure RIAA respectée à +/- 0,1 % entre 20 Hz et 20 kHz,
- DHT inférieure à 0,01 % @ 1 mV en entrée MC,
- Rapport signal/bruit de 81 dB @ 1 mV en entrée MC…



Si la face avant du XP15 est dépouillée, la face arrière l’est beaucoup moins, puisqu’elle comporte l’indispensable connectique (paire de RCA en entrée, paires de RCA et de XLR en sortie, borne de masse, connecteur IEC) et quatre «dipswitches» ou barettes de micro-interrupteurs (deux par canal) servant à ajuster le gain et l'impédance de charge de la cellule. Une utile sérigraphie permettant de guider l’utilisateur dans ses réglagles complète ce panorama.
Un peu de théorie pour guider la mise en œuvre

Rappelons que si la résistance de charge des cellules à aimant mobile est censée être normalisée à 47 kΩ, il en va tout autrement dans le monde merveilleux des phonocapteurs à bobines mobiles, qui constituent à juste titre le choix des amateurs de reproduction analogique.... C'est pourquoi j'ai préféré privilégier ce type de cellule pour cette écoute.

Celles-ci s’apparentent électriquement à de micro-générateurs de tension à faible résistance série (ou à de micro-injecteurs de courant à faible résistance parallèle, ce qui revient au même). Mais elles présentent également une (faible) composante inductive. Et les valeurs de ces résistances et inductances sont très variables d’un modèle à l’autre.

De l'autre côté, le câble de raccordement au préampli et l'entrée de ce dernier présentent traditionnellement une forte résistance, en parallèle avec une composante capacitive faible mais non négligeable.


On considère d’ordinaire qu’il est souhaitable de charger les cellules à bobines mobiles par une résistance de 10 à 100 fois la valeur de leur résistance série, tandis que l’inévitable capacité de charge doit absolument être minimisée. Car ce réseau RLC possède un caractère de filtre passe-bas, avec un pic de résonnance précédant juste la coupure, qui présente une pente du second ordre.

On se reportera avec intérêt à l’article (et feuille de calcul) http://www.hagtech.com/loading.html proposé (en anglais) sur le site Hagerman Tech, et qui permet de calculer les valeurs de charge optimales en fonction des caractéristiques électriques d'une cellule, c'est-à-dire celles qui garantissent à la fois la courbe de réponse la plus étendue dans la bande audio, et la résonance la moins prononcée.

Ci-dessous, on a représenté la réponse correspondant à une cellule de résistance 100 Ω et d'inductance 50 mH, chargée par une entrée phono type MM (47 k Ω), en faisant varier la capacité de charge. Avec 200 pF (100 mini pour le préampli + 100 pour le câble), on voit que la résonnance, assez marquée (+ 9dB), est placée vers 50 kHz...


Mais ces dernières années ont vu (au moins chez certains constructeurs) une tendance à la diminution du nombre de spires des enroulements des cellules MC, ce qui garantit l’extrême légèreté des équipages mobiles – et abaisse d’autant la valeur de leur résistance et de leur inductance. Ainsi, les caractéristiques des modèles utilisés pour cette écoute sont les suivantes :

- niveau de sortie 0,22 mV @ 5cm/s – 3,3 Ohms – 4,5 µH, pour la cellule Lyra Helikon SL ;
- niveau de sortie 0,4 mV @ 3,54cm/s – 4 Ohms – de l'ordre de 7 µH, pour la cellule Transfiguration Phoenix.

On vérifiera facilement par le calcul que dans ces conditions, chargées par les quelques 150 à 200 pF présentés par un interconnect et le préampli en lui-même, la fréquence de résonnance est rejetée très loin dans l’aigu. En l'occurence, à une valeur de quelques MHz, soit bien au-delà des limites du contenu du disque noir et des possibilités mécaniques de la cellule (sans même mentionner celles de l’audition humaine !). Et s'il on veut malgré tout minimiser l'amplitude de cette résonance, une valeur de résistance de charge de quelques 200 Ω s'impose alors. L’influence de ces réglages sur la réponse de tels transducteurs dans la bande audio est donc en théorie assez minime, même s'il on choisissait la valeur maxi de capacité d'entrée du XP15 (750 pF).

Dernier détail, qui a son importance, avant l'écoute : le manuel d'emploi, en français, est très clair et très complet.









mardi 17 novembre 2009

PASS LABS XP15 phono preamp – Listening



Underneath a well broken-in
Kuzma Stabi Reference turntable,
the XP15 phono preamp is resting quietly is the system

First of all, we have to point out the extreme silence of the XP15, which, in open input, generates a very low intrinsic noise level. Connecting a cartridge just produces a slight increase of noise (most probably due to some antenna effect, which picks up the AC rumble and some other EMC products in which we permanently bathe). In all cases, this noise floor remains unnoticeable even at higher listening levels.

We can just admire the great transparency and colossal bandwidth shown by this unit – but also, above all, its superior musicality. For the one hand, this transparency allows to identify clearly the differences between cartridge personalities. On the other hand, it helps to rediscover many subtleties in however well-known records.

This is the case with Oscar Peterson, Joe Pass and Niels Orsted Pedersen in concert in Paris (Pablo records, 1978, played with the Transfiguration cartridge). Despite the limits of this recording (the double-bass is shortened but formidably stiff, the piano also is truncated at both end of the spectrum) and the much used state of my personal copy, one can feel the incredible virtuosity of this historical trio as never before. The attention is rapidly drawn and captivated by Oscar Peterson humming, which is for once perfectly audible. The flashing velocity of the bassist and the pianist technique never put a stress on this preamp, and the track intelligibility is entire in any circumstance. As a consequence, the strong personality of this live take does not prevent the listener from enjoying this performance at all ; it remains very lively and shows quite a natural immediacy. A somewhat anecdotic but informative issue: the applause at the end of tracks shows a lot of softness…

Another pertinent test was given by the original score from Bertrand Tavernier’s «Around Midnight» movie, which featured the jazz upper crust of the time. One can savour all tracks, as they pass with a wonderful realism and liquid character. Not to mention the quasi holographic sound stage. But the qualitative difference between voices take and instruments take is also much noticeable.

In quite a different style, we can also enjoy listening to the reissue of the mythical (at least this side of the ocean) reggae album «Aux armes et cætera» by Serge Gainsbourg on 180 gr vinyl. At least have we to agree to the fancy dub revisiting made by engineer Soljie Hamilton – which, to my opinion, do not misrepresent the original works. It even adds a little and fresh snap to it.

The original record of 1979 was reckoned to be a technical achievement, but the variable quality of the pressings at that time did not always allow to fully enjoy it. Here, Robbie Shakespeare’s bass is incredibly deep and stiff, we discover some miraculous guitar soli by Michael Chung, and the I Threes would almost have you collapse. Gainsbourg himself has never quite sung like that ! His voice is fully bodied, rather articulate, and surrounded by a handful of delightful crispy dub gimmicks…

I also extracted two among my favourite opuses from my classical record collection: the first Cello Concerto by Haydn (interpreted by Roland Pidoux et I Filarmonici di Bologna conducted by Angelo Ephrikian - Harmonia Mundi records) and the 2nd Cello Concerto by Schostakovitch (interpreted by Mtislav Rostropovitch and the Boston Symphony conducted by Seiji Ozawa - Deutsche Gramophon). If Haydn’s concerto is noticeable thanks to its almost baroque classicism, the one from Schostakovitch is obviously more tense and contrasted.

Being fed by the Lyra cartridge, the XP15 is paying tribute to these beautiful takes, which both bring the soloists very close to the listener, whereas the farthest instrumentalists are shifted well beyond the loudspeaker plane. Another reason for satisfaction : the marked instrumental grain of the cello (and of the other strings more generally), the purity of the woods, the acid vigour of the brass and the tremendous impact of the bass drum (Schostakovitch). Each group of instruments is analysed and replaced within a vast, tactile and hyper-accurate soundstage. At times, one can even hear Mtislav Rostropovitch tapping foot noise on the stage.

Beyond the excellent details resolution that commands respect – which also originate in the whole replay system – one has to feel the tension of Schostakovitch’s concerto first chords to realise that the fully musical task achieved by the XP15. The transcription of Haydn’s concerto also reaches some sort of perfection, within a more tightened acoustic, but where the cello and the instrumentalist seems all the like real and defined. With these works of so different a size, the physical limits of the listening room seem to have been abolished.

Conclusion

We don’t know what will the XP25 bring, but the XP15 is already close to the very top of phono preamps. We would feel like saying that this piece of equipment is showing a genuine absence of marked personality. Is that to say that it is flavourless ? Not at all ! But this preamp is so transparent – be it on transients, tonal accuracy or room artefacts – what we hardly can hear it. And this is something for the ones who cherish emotion, something one could almost buy with the eyes closed (if one can afford), since its purely musical performance is top level.

Eventually, it is quite difficult to find any shortcoming in this product, beyond the fact that all its settings are not accessible from front ! And this is a real pain for the reviewer only. Not so for the enthusiast, who generally owns only one turntable, equipped with one arm and one cartridge. To be frank, 4250 € is a somewhat reckless sum to pay for something which is nothing more than the complement of a line level preamp. But vinyl aficionados know the inimitable pleasure we feel as listening to perfectly read analogue records… And the XP15 is well above the mere word for word reading.










Préampli phono PASS LABS XP15 - Écoute



Surplombé par une platine Kuzma Stabi Reference désormais bien rodée, le préampli phono XP15 a pris sagement sa place dans le système

Notons tout d’abord le caractère exceptionnellement silencieux du préampli XP15, qui, en circuit ouvert, génère un niveau de bruit intrinsèque particulièrement faible. Le raccordement d’une cellule s’accompagne d’une remontée de bruit tout juste sensible (de toute évidence liée à la captation par cette dernière des résidus ambiants du 50 Hz secteur et des autres rayonnements dans lesquels nous baignons en permanence), et qui reste en tout cas imperceptible même à des niveaux d’écoute élevés.

Comme prévu, avec les deux cellules utilisées, la modification des caractéristiques de charge n’entraîne pas de changement sensible dans la restitution sonore. Cela étant, qui peut le plus peut le moins ! Et les réglages sont là pour ceux qui en auront vraiment besoin.

Cette problématique écartée, on ne peut que rester admiratif devant la grande transparence et la largeur de bande colossale présentées par cette unité – mais aussi et surtout, par sa très grande musicalité. La transparence permet d’une part de bien cerner les différences de personnalité entre les cellules et d’autre part de redécouvrir de nombreuses subtilités dans des disques pourtant bien connus !

C’est le cas avec Oscar Peterson, Joe Pass et Niels Pedersen en concert à Paris (disque Pablo de 1978, lu avec la cellule Transfiguration). En dépit des limites de cet enregistrement (contrebasse un peu tronquée mais d’une formidable fermeté, piano lui aussi écourté dans le grave et l’aigu) et de l’état passablement usé de mon exemplaire, on ressent comme jamais l’incroyable virtuosité de ce trio historique et l’on est vite attiré et captivé par le fredonnement incessant d’Oscar Peterson, pour une fois parfaitement audible. Les vitesses fulgurantes de jeu du bassiste et du pianiste ne mettent jamais cette électronique en défaut, l’intelligibilité des morceaux restant en toute circonstance pleine et entière. Du coup, le caractère typé de la prise n’empêche absolument pas l’auditeur de prendre énormément de plaisir à l’écoute de cette performance, très vivante et d’une immédiateté finalement assez naturelle. Point anecdotique mais assez significatif, les applaudissements font également preuve de beaucoup de douceur…


Autre test révélateur : l’exceptionnelle bande son du film Around Midnight de Bertrand Tavernier, qui réunit le gratin absolu de la scène jazz de l’époque (1986). On savoure ici les titres les uns après les autres, qui passent tous avec un réalisme et une fluidité admirables. Des notes les plus graves des contrebasses jusqu'aux plus bruissantes cymbales, tous les instruments sont magnifiquement présents, articulés et riches en timbre. Sans parler de la scène sonore, quasi-holographique, en largeur et en profondeur. Tout est tellement évident que l'on remarque sans peine le déséquilibre qualitatif certain dans la captation de la voix de Chet Baker, que l'on imagine enregistré dans une toute petite cabine -ou hâtivement coincé entre quatre panneaux isolants- dans le faux club de jazz qui avait été recréé pour la circonstance aux studios d'Epinay (mais dont l'acoustique est par ailleurs exemplaire).

Dans un tout autre style, on éprouve un grand bonheur à l’écoute de la réédition du mythique Aux armes et cætera de Serge Gainsbourg sur vinyle 180 gr, tout au moins si l’on accepte les petites coquetteries dub réalisées un quart de siècle après les sessions originales par l’ingé son Soljie Hamilton –qui à mon sens ne dénaturent pas l’opus original, et lui donnent même un petit coup de frais bien dosé.

Le disque original passait pour être une réussite technique, mais la qualité variable des pressages de l’époque ne permettait pas forcément d’en profiter pleinement. Ici, on jouit de la basse incroyablement profonde et ferme de Robbie Shakespeare, on découvre de miraculeux soli de guitare de Michael Chung, et on se pâmerait presque à l’écoute des I Threes. Quand à Gainsbarre, il n’a lui non plus jamais chanté comme ça ! On lui découvre une voix présente, consistante, plutôt articulée (!), tandis que ce nouveau mixage emplit l’espace sonore d’une poignée de croustillants gimmicks…

Pour rester dans l’ambiance violoncelle du moment, je ressors de la discothèque deux opus parmi mes favoris : le Premier Concerto pour violoncelle de Haydn (version Roland Pidoux et I Filarmonici di Bologna dirigés par Angelo Ephrikian chez Harmonia Mundi) et le Concerto n°2 pour violoncelle de Schostakovitch, interprété par Mtislav Rostropovitch et le Boston Symphony conduits par Seiji Ozawa (chez Deutsche Gramophon).

Si le concerto de Haydn brille par son classicisme presque baroque - et par une prise presque intimiste soulignant ce caractère -, celui de Schostakovitch est évidemment beaucoup plus contrasté et tendu. Le XP 15 (cette fois précédé de la cellule Lyra) rend hommage à ces deux très belles prises de son, qui amènent les solistes à quelques dizaines de centimètres de l’auditeur, alors que les pupitres les plus distants sont rejetés bien loin derrière le plan des enceintes.

Autre motif de satisfaction : la matérialisation du grain instrumental du violoncelle et des cordes en général, la pureté des bois, la vigueur acide des cuivres et l’impact monumental de la grosse caisse (sur Schostakovitch). Chaque pupitre est «analysé» et replacé au sein d’une scène sonore vaste, ultra précise et tactile. On entend même par moment le bruit d’estrade sous les pieds de Mtislav Rostropovitch.

Mais au-delà d’une excellente résolution des détails qui force évidement le respect - et qui provient bien aussi du dispositif de lecture - il faut ressentir la tension des premiers accords de ce concerto pour réaliser que le plus gros travail que réalise le XP15 est avant tout musical. Ce préampli phono s'avère un interprète très sensible, mais juste.

Une certaine forme de perfection est aussi atteinte avec la retranscription du concerto de Haydn, dans une ambiance évidemment plus resserrée, mais où le violoncelle et l’instrumentiste qui le manie paraissent tout aussi présents l’un que l’autre. Et sur ces deux œuvres d’envergure très différente, les limites physiques de la pièce d’écoute semblent bel et bien avoir été abolies.

Conclusion

On ne sait ce que va apporter le XP25, mais le XP15 représente déjà à coup sûr une forme de sommet en matière de préamplification phono. On aurait envie de dire que cet appareil brille par son absence de caractère marqué. Insipide, ce XP15 ? Certes non ! Mais cette électronique est d’une telle transparence - que ce soit sur le plan des attaques, des timbres ou de l’espace restitués - que l’on n’entend presque pas.

Et c’est aussi un appareil pour amateurs d’émotions, que l’on pourrait pour ainsi dire acheter les yeux fermés (si on en a les moyens), car ses prestations purement musicales sont de très haut niveau.

Il est finalement assez difficile de trouver un quelconque défaut à ce produit, si ce n'est la position arrière de tous les réglages dont il dispose. Et cela n'est finalement une vraie gêne que pour le chroniqueur. Pas pour l'amateur, même passionné, qui possède une platine, équipée d'un bras et d'une cellule.

Evidemment, 4250 € représentent une somme qu'il peut paraître inconsidéré de placer dans un appareil qui n'est lui-même que le complément d'un préampli ligne. Mais les mordus d'analogique savent l'inimitable plaisir que l'on ressent à l'écoute de disques vinyles bien lus... Et là, nous sommes bien au delà de la simple lecture au mot à mot !


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lundi 16 novembre 2009

Préampli PASS LABS XP10 - Introduction


Origine : USA – Prix : 5250 €


Suite au test d’écoute de l’ampli Pass Labs XA 30.5 effectué il y a quelques mois - et qui équipe désormais l’installation de Signal sur bruit - il était logique de procéder à l’écoute d’un préampli de la marque américaine. C’est chose faite avec le XP10, modèle d’entrée de gamme formant un tout cohérent et encore abordable avec le petit bloc stéréo de la famille XA…

Comme toujours, la simplicité prévaut chez Pass et les possibilités limitées mais suffisantes du XP10 reflètent bien cet état d’esprit. Pour commencer, ce préampli ne possède pas d’interrupteur marche/arrêt. Il ne sera donc mis hors tension que lors des départs en vacances, ce qui garantira la constance de ses performances.


Ce modèle présente 5 entrées, dont 2 sur connecteurs symétriques XLR et 3 sur connecteurs asymétriques RCA. L’entrée n°5 peut être configurée comme un buffer de gain unitaire fixe, de manière à raccorder les sorties principales droite et gauche d’un processeur home-cinéma. On peut par ailleurs affecter indépendamment sur chaque entrée un gain maximal de 0 ou 10 dB (obtenu lorsque le réglage du volume est au maximum). Les sorties droite et gauche sont doublées (en symétrique et asymétrique).

En face avant, un bel afficheur bleu fluorescent, un potentiomètre de volume sans frottement à lecture optique, un sélecteur de sources, un bouton mute et un bouton mode complètent le tout. La télécommande permet d’accéder aux quelques rares fonctions supplémentaire telles que réglage de balance et l’atténuation ou l’extinction de l’afficheur.

L’utilisation de cet appareil a pu se prolonger sur plusieurs semaines, ce qui est bien sûr très favorable pour en cerner la personnalité. Les commentaires ci-dessous sont illustrés par la citation de disques donnés, mais peuvent aisément se transposer à beaucoup d’autres programmes, car de nombreuses références de ma discothèque personnelles sont passées au crible de la classe A super-symétrique chère à Nelson Pass et à son acolyte Wayne Colburn, facteur des circuits de préamplification de la marque.


Ces derniers insistent (à juste titre) sur l'attention portée à réduire le niveau de bruit intrinsèque des circuits, et à garantir une intelligibilité maximale du signal même à faible niveau d'écoute. La commande de volume est donc très progressive, en s'étageant sur 64 niveaux séparés d'environ 1 dB. La manipulation de cette commande est un véritable régal, tout comme l'observation attentive de la finition du produit, absolument impeccable !

 
Spécifications constructeur :

- Gain max : 0 ou 10 dB
- Courbe de réponse : 2 Hz à 60 kHz @ -3 dB
- Distorsion : 0.001 %
- Niveau de sortie maxi : 7 V en mode asymétrique, 15 V en mode symétrique
- Impédance de sortie : 200 Ω en mode asymétrique, 1 kΩ Ohms par branche en mode symétrique
- Impédance d’entrée : 48 kΩ en mode asymétrique, 48 kΩ par branche en mode symétrique
- Niveau d’entrée maxi avant écrêtage : 11 V
- Niveau de bruit en sortie : inférieur à 0.5 μV
- Diaphonie : 85 dB
- Consommation : 20 Watts

Ecoute

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Préampli PASS LABS XP10 - Ecoute




Superposition réalisée pour les besoins de la photo uniquement... Car le XP10 et son compagnon le XA 30.5 doivent pouvoir respirer à l'aise !


L’une des caractéristiques marquantes du XP10 - qui ressort dès les premières minutes d’écoute et se poursuit sur le long terme - est bien une constante douceur dans l’expression, un côté serein qui sied à merveille, par exemple, à un programme baroque. Ce mois de novembre musical aura notamment été placé sous le signe du violoncelle avec la tenue du concours international Rostropovitch et de plusieurs concerts d’hommage au maître et de commémoration de la chute d’un certain mur.

L’occasion de réécouter quelques œuvres composées pour cet instrument, en live, et en l’occurrence pour ce test, au disque : commençons ainsi par le volume consacré au violoncelle au 17e siècle extrait du beau coffret Deutsche Harmonia Mundi, et par les Partitas de Bach qu’il contient également.

Si l’ampli XA 30.5 apporte une belle consistance instrumentale, le préampli XP10 assure de son côté une lecture posée et fluide du message, détaillée mais plutôt du type veloutée. Car cette électronique met bien en perspective – et donc en léger retrait par rapport au message principal - tout ce qu’il est convenu d’appeler micro-informations (respiration des interprètes, coups et frottements d’archet, ambiance de salle). L’insistance est davantage portée sur le respect de la valeur musicale des phrasés, plutôt que sur la mise en avant systématique des artefacts de jeu. Les timbres sont riches et chaleureux, et la restitution se situe à l’opposée d’une lecture froide et hyper définie, souvent spectaculaire mais finalement fatigante avec un tel programme. On pressent déjà que l’écoute de l’ensemble Pass Labs va pouvoir se prolonger de longues et confortables heures !

Très bonne surprise, cette totale absence de crispation et de hâte convient aussi à un registre beaucoup plus moderne, en l’occurrence le magnifique Sleep with angels de Neil Young & Crazy Horse.

Sur le beau titre d’introduction My Heart, le piano bastringue est lumineux et campe merveilleusement la mélodie douce amère, tandis que les coups de grosse caisse chatouillent un bas grave très bien dessiné et qui ne manque pas d’impact. Voila un opus dont la richesse instrumentale – sans oublier bien évidemment le timbre de voix si particulier du rocker canadien – est magistralement mise à l’honneur.

A volume plus élevé, on retrouve bien la notion de profondeur et d’articulation du grave, particulièrement sur le titre Driveby, tandis que la scène sonore se déploie dans toutes les directions avec énormément d’aisance. Sur le morceau Sleep with Angels, déjà plus brut, la guitare caustique et brûlante de Neil Young est rendue avec puissance et densité, mais sans crisper l’auditeur.

Et l’on continue à pouvoir se promener en pensée sans aucune difficulté dans le studio et les cabines d’enregistrement, tant l’aération du message est bien rendue. L’amateur de refrains vénéneux comme seul Neil Young sait en composer est à la fête : l’intelligibilité des paroles est excellente et la musicalité des savantes harmonies est préservée.

Et d’ailleurs, que ce soit avec le dernier Interpol en date (Our love to admire) ou avec le premier et excellent Cake (Fashion nugget), le XP10 n’est jamais à la peine sur du rock. Sa très légère tendance à arrondir les angles permettra d’ailleurs une écoute à volume élevé sans craindre d’être pris à la gorge… tant pis pour les amateurs d’agressivité !

Cuivres rutilants mais sans clinquance, bois et cordes bien palpables, grosses caisses et timbales amples et profondes, exposition de pupitres bien étagés en profondeur…

Telle est l’image sous laquelle éclate l’introduction de la 4e Symphonie de Schostakovitch, avec une dynamique très enviable, mais débarrassée de toute forme d’agressivité en dépit de son caractère furieux. Finalement, pour le grand orchestre aussi, l’aménité qui caractérise le XP10 ne s’accompagne d’aucune frustration pour qui apprécie les œuvres de grande ampleur. On découvrira même ici et là des lignes mélodiques et des traits instrumentaux qui jusque là étaient restés tapis au second voir au troisième plan, et l’on profitera d’une meilleure articulation des motifs principaux.

Par rapport à notre unité de référence, ce préampli offre d’ailleurs une plus grande lisibilité des formations complexes, projette sans violence sur le message retranscrit une lumière faisant bien ressortir les matières, et surtout les articulations musicales. Pour fixer les choses, tout au moins dans le cadre des écoutes effectuées (voir la composition du système), l’équilibre tonal du XP10, marginalement descendant, favorise les registres compris entre le grave et le haut médium, pour se relâcher un peu aux deux extrémités du spectre. Ce très léger effet de présence constitue une bonne partie de son charme.

Conclusion

Loin d’être lénifiante, la restitution empreinte de délicatesse offerte par le préampli XP10 est garante d’une incontestable musicalité sur tous types de programmes, et assure en outre un plaisir d’écoute constant sur le long terme. Si ce préampli n’est pas le plus défini ni le plus dynamique au monde, on est certes bien loin d’une reproduction terne ou molle. Il faudrait plutôt parler de fluidité dans l’analyse et louer sa permanente et lumineuse richesse de timbres. Avec son compagnon le bloc stéréo XA30.5, c’est un monde de finesse et de subtilités qui est révélé, ce qui n’exclut aucunement les coups de semonce ou les frappes percussives réalistes.

Son esthétique sonore est donc à la fois un complément du caractère bien incarné de l’amplificateur XA30.5 (caractéristique partagée par les autres modèles de la gamme) et un garde-fou vis-à-vis d’une option sonore 100 % physique qui négligerait l’essence même du phénomène musical : le respect du légato indispensable une reproduction chantante. Une belle réussite, qui fait de ce maillon un appareil hautement recommandable et plutôt bien placé en prix dans l’absolu…



samedi 14 novembre 2009

La fantaisie du voyageur


Premier concert de saison à Nanterre pour tm+


Bien que formés à l’école de la plus radicale avant-garde, Laurent Cuniot et sa formation tm+ savent distiller des programmes de la plus haute poésie, où classiques du répertoire romantique et post-romantique s’entremêlent avec quelques hardiesses plus modernes…

Le programme La fantaisie du voyageur déroulait une toile originale tissée du plus pur fil musical, et placée sous le signe de la transcription, donc de la relecture d’oeuvres. Un parti pris assumé de subjectivité, et qui bouscule quelque peu le dogme absolu selon lequel, en musique classique, il faut s’en tenir à la partition originale, voire, pour quelques oeuvres bien spécifiques, aux rares transcriptions que l’Histoire a bien voulu valider. Mais cela reste l’exception, alors que la plupart des artistes de jazz établissent leur « fond de commerce » sur la réinterprétation quasi inlassable de standards, et que dans le registre pop-rock les versions de concert égrennées par les groupes sont souvent très différentes du titre original… Pourquoi ne pas s’écarter un peu des sentiers battus et tenter le même genre d’aventure en musique classique ? C’est ce que proposait Laurent Cuniot ce vendredi 13 novembre.

Seule pièce originale jouée telle qu’elle a été composée, la Quatrième ballade pour piano Opus 10 de Johannes Brahms ouvrait ce voyage et était interprétée, dans une manière de superbe apesanteur, par le jeune et talentueux pianiste Julien Le Pape.

Lui était directement enchaînée le déchirant Lied der Waldtaube, certainement inspiré à Arnold Schoenberg par Brahms lui-même.

Extraite des Gurrelieder (pour grand orchestre), cette version pour encemble de chambre, réécrite par Schoenberg lui-même, permettait à la mezzo-soprano Sylvia Vadimova de montrer une fois encore sa maîtrise et sa sensibilité, sa capacité à passer du murmure plaintif au cri de désespoir le plus intense avec aisance et justesse.

Adoptant ponctuellement les manières iconoclastes d’un Helmut Lachenman, le compositeur Gérard Pesson a exhumé de sa propre mémoire cette même Quatrième Ballade de Brahms et l’a transcrite pour quatuor à cordes et clarinette en 1998. Une relecture d’une étrange beauté, formalisant un saut dans le temps de plus d’un siècle, émaillée de passages où les instrumentistes n’émettaient que bruissements et courtes bribes indécises, comme s’il s’agissait d’une trame «...peu à peu oxydée, comme un objet tombé à la mer» (dixit G. Pesson lui-même).

Réorchestrés par Bernard Cavanna pour voix, violon, violoncelle et accordéon, les Lieder de Schubert proposés ensuite présentaient ici un caractère «réaliste-début 20e siècle» que n’aurait pas renié un certain Kurt Weil, sans nuire aucunement à leur crédibilité.

Pour terminer ce beau programme, Laurent Cuniot avait opté pour une difficile transcription pour formation de chambre des poignants Kindertoten Lieder de Gustav Malher. L’ensemble tm+ en donnait une version précise, immédiate et aérienne, en évitant de sonner «désincarné» par comparaison avec la version originale pour orchestre, évidemment plus ample et plus grave.


Un programme didactique et parfaitement maîtrisé, que tm+ pourrait sans problème mettre à son répertoire de formation également itinérante…

On retrouvera tm+ le samedi 23 janvier à l’auditorium Rameau de la Maison de la musique de Nanterre, pour un concert gravitant autour des Pierrot Lunaire de Schoenberg et de Max Kowalski.


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