mardi 22 juin 2010

Festival International de l'Image Environnementale





Le 3e Festival International de l'Image Environnementale ouvre ses portes du 26 juin au 4 juillet 2010. Il se déroule dans l'enceinte du parc de la Villette.

Au programme cette année, plus de 80 artistes proposent leur vision du monde à travers plusieurs expositions photographiques, des projections vidéo, des interviews. Suite aux préselections effectuées il y a quelques semaines, l'avis du public sera sollicité pendant le festival dans le but de désigner le lauréat de cette édition. 

Des intervenants tels que la Fondation Good Planet et l’Agence de Fab sensibiliseront les visiteurs à la réduction des émissions de CO2 via des animations ludiques.




Une des particularités de cette manifestation est qu'elle se déroule en plusieurs lieux :
  • le long du Bassin de la Villette, sur la promenade “Montand”,
  • à l’hôtel Holiday Inn Express***Paris du Canal de la Villette,
  • sur la péniche Anako, face au 61 quai de la Seine (pour une projection du film “Home” de Yann Arthus-Bertrand et de “Auroville, une Terre pour demain” de Michèle Decoust),
Le FFIE n'oublie pas les technophiles respectueux de l'environnement et a également développé une application Wap spécifique, que l'on peut consulter à l'adresse http://fiie-wap.fr.



Toutes les conditions sont donc réunies pour le le FIIE 2010 connaisse, à l'image des deux précédentes éditions, un véritable succès !



Hôtel Holiday Inn - Canal de la Villette
68 quai de la Seine
75 019 PARIS

Péniche Anako 
face au 61 quai de la Seine
75 019 PARIS






samedi 19 juin 2010

Festival Agora 2010 - 5



La Nuit du Prototype

Samedi 19 juin, 15 h 30.


Douze jours après l'ouverture du festival Agora, nous voici revenus place Igor Stravinsky, où siège l'Ircam depuis sa fondation. Entre la fontaine et l'église Saint-Merri, une grande scène a été dressée. A 16 h 00, elle reçoit les six membres des Percussions de Strasbourg, pour une exécution en plein air de Pleiades, oeuvre majeure du compositeur Iannis Xenakis, longue d'environ 45 mn. Une pièce finalement plus adaptée à l'espace ouvert d'une agora qu'à celui d'une salle de concert...

H - 2mn. Franck Madlener arpente fébrilement les abords de la scène... Il faut dire que ciel est maussade, le pronostic atmosphérique incertain. 

16 h 05. Les musiciens sont montés sur scène. Les percussions éclatent et rebondissent, les exécutants volent de pupitre en pupitre...

En définitive, le concert se déroule sans incident météorologique majeur, s'il on excepte de minuscules et éphémères gouttes de pluie, et quelques pages de partitions qui se sont envolées au quatre vents. Il en faudrait beaucoup plus pour désarçonner nos professionnels de la frappe !



17 h 00. Dans les coursives de l'Ircam, un public nombreux se presse pour assister aux conférences et pour visiter les laboratoires. Une formule qui renoue avec la tradition des portes ouvertes qui s'y déroulaient régulièrement il y a quelques années. Hugues Vinet, directeur scientifique de l'Ircam, est aux anges... 






Tandis que Frédérick Rousseauresponsable de la valorisation de la recherche, ici avec Estelle Reine-Adélaïde, attachée de communication scientifique de l'Ircam, exulte : "Nous profitons de l'événement pour présenter les tout nouveaux Ircam Tools : TRAX, outil de traitement et de morphing de la voix, SPAT, outil avancé de spatialisation sonore et VERB, qui constitue probablement le meilleur outil logiciel de réverbération qui soit. Avec ces outils, l'Ircam veut proposer aux professionnels, qu'ils soient musiciens, producteurs ou ingénieurs du son cinéma, une palette de plug-ins de haut niveau, dont certains révolutionnent le monde des effets sonores. Nous prévoyons des collaboration avec des musiciens de renom qui souhaitent aussi utiliser des outils comme OMax, notre outil d'improvisation assistée par ordinateur, ou des producteurs qui sont intéressés par mixer leurs albums en utilisant les fonctionnalités avancés de SPAT. Avec la diffusion des balladeurs numériques, le public a pris l'habitude d'écouter de la musique au casque. Or on peut, avec le procédé HRTF (*), recréer une impression d'écoute vraiment tridimensionnelle dans le cadre de l'écoute binaurale, et cela commence à intéresser les maisons de production. Mais aussi de nombreux industriels. Et la lutherie virtuelle permise par l'outil Modalys attire aussi des clients inattendus. Récemment, un fabricant de montres de prestige nous a acheté Modalys pour simuler le tic-tac de ses nouveaux modèles en étude !".

Impossible évidemment d'assister à toutes les animations programmées entre 16 h 00 et minuit, car en plus des visites, on peut assister à des projections de films documentaires de la série "Images d'une oeuvre" ou consacrés à des compositeurs contemporains, et des concerts sont donnés dans l'Espace de Projection, au quatrième sous-sol de la maison. 

C'est ainsi qu'à 18 h 00, Gilles Durot, percussionniste lui aussi, répond en solo et dans une éblouissante virtuosité à la performance des six de Strasbourg. 
Avec Rebonds, du même Xenakis, et Astral/Chromoprojection, du jeune compositeur japonais Kenji Sakai. Mise en perspective d'une première oeuvre fondée principalement sur la notion d'attaque percussive et d'une seconde jouant sur une large palette de couleurs sonores enrichies par l'électronique.


A 19 h 30, projection puis écoute de Dans le mur de Georges Aperghis (ici au centre), interprété par son dédicataire le pianiste Nicolas Hogdes (à gauche), qui sans grand répit se lance à l'attaque de la Klavierstück X de Karlheinz Stockhausen, que seuls quelques pianistes dans le monde sont capables d'aborder.


Toujours dans la grande salle, on pouvait ensuite réécouter deux  extraits de l'opéra K... de Philippe Manoury (assisté de Maxime Le Saux à la régie).

Mouvements entrecoupés de la projection d'une délirante mais pédagogique production audiovisuelle de la fin des années 70, Musique et machines. Introduction à la musique contemporaine n°3, où Michel Lonsdale (Le Compositeur) et Catherine Ringer (Mephistophelia) retrouvaient Pierre Boulez et Andrew Gerzso dans ce même Espace de Projection, à la recherche du synthétiseur absolu !

Enfin, à 23 h, le programme se poursuivait avec Médéric Collignon, en pleine action vocale avec Les bacchantes, un hommage de plus à Xenakis, composé par Georgia Spiropoulos, suivie d'un set d'improvisation, brillante manière de terminer cette Nuit du Prototype et de clore le festival Agora 2010.



(*) La Head Related Transfer Function est une modélisation de l'appareil auditif humain tenant compte de la forme de l'oreille et du conduit auditif.

mercredi 16 juin 2010

Festival Agora 2010 - 4





Le Père - Michael Jarrell


A l'issue d'une longue période de gestation qui s'est étendue sur une dizaine d'années, les Percussions de Strasbourg viennent de créer Le Père de Michael Jarrell à Schwetzingenn, les 3, 4 et 5 juin derniers. Cette oeuvre de théâtre musical basée sur la pièce de Heiner Müller est une commande commune du ministère de la Culture et de la Communication, de l'Ircam-Centre Pompidou et du Festival de Schwetzingen. Elle est reprise à Paris du 17 au 19 juin, au Théâtre de l'Athénée, dans le cadre du festival Agora.

Signal sur bruit a pu se glisser à l'une des toutes dernières répétitions avant la création française, en fait presque un filage complet, et en rapporte quelques images inédites. Mais aussi des entretiens réalisés sur place avec les principaux protagonistes de cette création : le compositeur lui-même et son réalisateur en informatique musicale Serge Lemouton, Keiko Nakamura et Bernard Lesage, percussionnistes, et Jean-Paul Bernard, le directeur artistique des Percussions de Strasbourg. Mais malheureusement pas avec André Wilms, le metteur en scène, très préoccupé cet après-midi par le dispositif scénique et le réglage des éclairages...


Les propos recueillis donnent néanmoins un très bon éclairage sur cette pièce plutôt courte (55 mn), mais musicalement et thématiquement très forte. Une oeuvre qui jouit d'une mise en espace belle et sophistiquée faisant appel à la projection vidéo, mais de manière très discrète et intégrée. Une oeuvre pour ensemble de six percussions, trois chanteuses et un récitant, avec dispositif électronique, et qui s'appuie sur le système de reproduction sonore holophonique WFS (*), ardemment promu et défendu par l'Ircam.

Trois dates importantes, donc, dans la programmation d'Agora 2010.


«Langsam, langsam !»,
s'écrie souvent André Wilms,
qui tient à ralentir l'évolution
des personnages en scène

Commençons par l'interview de Michael Jarrell.

Signal sur bruit : Le théâtre de l'Athenée programme une de vos récentes créations, Le Père, à partir de jeudi. Qu'est-ce qui vous a poussé à mettre ce texte en musique ?

Michael Jarrell : L'idée d'adapter Le Père a germé en moi il y a assez logntemps. C'est un texte qui est très intense, violent même, parce que la référence du père est tout de suite cassée, dès le début de la pièce de Heiner Müller... Dès cette nuit de 1933 où les chemises brunes entrent dans l'appartement, le fils se lève et voit son père se faire frapper... avant qu'il disparaisse pendant plusieurs années.

SSB : Il y a d'ailleurs cette phrase terrible dans la pièce : «Le mieux c'est un père mort-né».

MJ : Ca en fait, c'est une disdascalie qui est au début du texte. Il y en a deux dans le texte, qui est en dix fragments. Entre le premier et le quatrième, je crois, il y a cette citation, et plus tard, il y a la référence à la mère, qui est comparée à une baleine bleue... Ca, c'est une référence à Lautréamont.


En fait, tout ce que peut représenter un père, c'est à dire un modèle, un protecteur, est réduit à néant pour cet enfant. Souvent, à un moment de la vie, on se rend compte que le père ne peut pas toujours être protecteur, tout a une limite, mais en tant que jeune enfant, il y a des choses qui sont prises comme des trahisons. A la fin, il y cette scène où il parle du fait que 20 ans plus tard, son père, qui était opposé aux nazisme, se retrouve à la fin de sa vie de travailleur à donner des pensions à des assassins d'ouvriers et des veuves d'assassins d'ouvriers. C'est aussi quelque chose de terrible pour son fils, qui ne parvient jamais à recréer le lien avec son père...


Mon idée était que cette violence devait être tout de suite perceptible, que la musique devait l'évoquer immédiatement, que l'on soit dans une situation très tendue, un peu excessive... Cette idée passait effectivement par les percussions, qui évoquent les coups, les gifles, les détonations des armes. Mais cette option est par moments contrecarrée par des sons beaucoup plus doux. L'idée également était de ne pas avoir de véritables personnages sur scène, comme on le voit à l'opéra.


Il y a trois femmes qui chantent - la mère, la grand-mère et la maîtresse du narrateur - mais elles illustrent des personnages dont on ne parle pas, la société des femmes... Elles ont là d'une manière impersonnelle, justement. Elles chantent toujours ensemble, elles incarnent cette musique un peu plus douce, qui représente l'image de la mère, un personnage toujours en retrait - la mère "qui revient à petits pas" - elles incarnent aussi une forme de confort, le confort d'un foyer...

SSB : Il était donc assez évident pour vous qu'il y aurait ces voix de femmes, l'ensemble de percussions et le narrateur, mais pas d'autre instrument ?

MJ : Oui j'ai pensé l'oeuvre comme ça dès le départ... Elle se compose de trois parties, entrecoupées par deux séquences uniquement électroniques, qui se veulent un espèce de prolongement ou d'intermède.

Sinon, toute la pièce est divisée en trois : il y a trois femmes, trois parties dans l'oeuvre, trois familles d'instruments par percussion, il y a trois espaces aussi. Il y a l'espace de la scène, l'espace instrumental et vocal, et la salle. Car mon intention intiale était que les musiciens soient dans la fosse d'orchestre, mais André Wilms n'a pas aimé cette idée... L'idée c'était : scène, fosse, et salle... puisqu'avec la WFS, on a la possibilité d'aller dans la salle...

Donc au départ, des échos électroniques devaient répondre aux percussions sur la scène, et ces coups devaient partir dans la salle en venant de très loin. Lors de la création que nous avons faite en Allemagne, il y avait près de 50 m de profondeur de scène, ces coups devaient se rapprocher du public grâce à la WFS... Mais le problème que nous avons eu, c'est que ces coups portés dans la salle par ce dispositif étaient vraiment... meurtriers pour le public ! Comme quelqu'un qui vous tape vraiment. Nous avons donc renoncé à cela, et nous avons décidé de projeter plutôt les passages murmurés, de non-dits... Cela fonctionne très bien, en tout cas au parterre...

SSB : Et la partie électronique ?

MJ : Nous sommes partis d'échantillons des voix et des percussions, c'est à dire uniquement des éléments qui proviennent de la formation en scène. 

Mais il n'y a pas de transformation directe du son par le dispositif. Ce sont des échantillons qui ont été enregistrés au préalable, qui ont été transformés avec des résonateurs MSP (**), ou avec des résonateurs Modalys (**), il en reste aussi quelques uns... La partie électronique est figée, nous ne la travaillons pas en direct, mais il y a deux percussionnistes équipés de pédales qui activent des séquences à des instants bien déterminés. Des séquences courtes, ou plus longues, de quelques minutes, avec quelques recouvrements.

Serge Lemouton (à gauche sur l'image) : L'écriture des sons dans l'espace pour le dispositif WFS a été faite à la fin, en Allemagne. Mais cela aurait pris beaucoup de temps de placer tous ces sons un par un... Et c'est une chose qu'il faut faire in situ. On ne peut pas le faire de façon abstraite dans un studio. La WFS joue avec la salle, ce n'est pas un ensemble de haut-parleurs conventionnel, la salle interagit vraiment avec le système. Nous devons porter une attention particulière à cela... Il faut refaire des réglages très différents à chaque fois...

MJ : Pour moi, la WFS est une technique très jeune, encore expérimentale... On a pas assez de recul. Il y a certaines choses que l'on observe, le système fonctionne très bien lorsqu'il est utilisé seul, on ne peut pas projeter de sons trop forts, et ce n'est pas du tout comme un système de haut-parleurs traditionnels...

SL : Effectivement, il faut faire autre chose avec... Il faut faire des choses différentes... A l'Ircam avec Michael nous avons travaillé sur ce projet pendant près d'un an et demi... par petits stages d'une semaine environ...

SSB : Vous avec choisi d'utiliser, au sein des percussions classiques, le steeldrum. C'est un choix plutôt étonnant...

MJ : J'étais à la recherche d'un instrument à hauteurs définies mais pouvant faire le lien entre l'électronique des sons transformés et les sons joués en direct par les percussions. J'ai trouvé que le steeldrum se prêtait très bien à cela, c'est à dire que mélangés à d'autres timbres, cela peut donner l'impression d'une transformation du son. En plus le steeldrum est un peu faux et j'aime bien ça parfois. Ca aussi, c'est par rapport à l'électronique, car les hauteurs des sons traités sont souvent altérées...


Le narrateur,
interprété par le comédien Gilles Privat,
seul, face à lui-même...


(*) WFS : Wave Field Synthesis. Dispositif de reproduction sonore associant un réseau linéaire de nombreux haut-parleurs et une intelligence de pilotage, permettant de focaliser des sources sonores ponctuelles et stables ou en mouvement, mais dont la perception ne varie pas par rapport aux déplacements de l'auditeur.
(**) MSP, Modalys : outils logiciels de traitement du signal développés par l'Ircam.





Festival Agora 2010 - 4 (suite)


Le Père - Michael Jarrell

Essais d'éclairages en décors réels

Jean-Paul Bernard, le directeur artistique des Percussions de Strasbourg, est en fait à l'origine du projet...



Jean-Paul Bernard : Le Père a vraiment été un long projet. Les gens sont étonnés quand j'en parle mais cela remonte environ à dix ans ! J'ai rencontré Michael il y a dix ans avec le groupe, nous étions à Royaumont à l'époque, et je lui avais demandé qu'il écrive une pièce pour les Percussions de Strasbourg. Je voulais qu'il écrive un opéra. C'était l'idée que j'avais, avec un orchestre qui serait seulement composé des Percussions et de chanteurs. C'était d'accord aussi avec le directeur de l'opéra de Strasbourg qui était très séduit !

Et puis Michael nous a dit qu'il ne voulait pas faire d'opéra mais plutôt du théâtre musical... Cela faisait longtemps qu'il voulait mettre ce texte en musique. Il l'avait déjà fait, quelques années avant, avec le projet Cassandre, c'était le même type de travail. Et finalement ça a pris dix ans, car il fallait que de nombreuses conditions soient réunies. Nous avions initié une commande d'état, mais il fallait trouver un metteur en scène...

SSB : Avait-il déjà commencé à écrire à cette époque là ?

JPB : Non, non, il avait l'idée, c'est tout... Il m'avait dit qu'il avait une idée précise de l'ouverture, très violente... Finalement, c'est un projet qui compte tenu de son ampleur est devenu cher à monter, il fallait trouver une grande maison, et c'est Frank Madlener de l'Ircam qui s'est montré intéressé. Nous en avions parlé avec Frank il y a déjà quatre ans, il a proposé que le metteur en scène soit André Wilms. Nous avons commencé à travailler ensemble en mars 2009 pour les premières répétitions, puis on passé encore quinze jours ensemble avant la création en Allemagne, début juin au festival de Schwettingen.

Céline Gaudier, assistante à la mise en scène,
aux côtés d'André Wilms

SSB : Il y a donc eu l'Allemagne, maintenant Paris, et ensuite ?

JPB : Le spectacle sera donné donné à Strasbourg à Musica, et nous avons des demandes pour Madrid et Hanovre, et puis nous verrons ce qui va se passer pour la suite... Ce sont toujours des projets très long à monter, il n'y a pas seulement les questions artistiques, mais les problèmes financiers... et qui sont même primordiaux ! Malgré la difficulté, hardiesse du texte, c'est vraiment une musique de scène, qui fonctionne, ça n'est pas une musique de concert.

SSB : Et après cette création, quelle sera l'actualité des Percussions de Strasbourg ?

JPB : Nous allons tomber dans notre cinquantième anniversaire, il y aura donc une tournée au Etats Unis et au Canada en février et mars 2011, ce qui nous fera partir un mois et demi. Puis peut-être le Mexique. Nous avons le projet de reprendre les Pleiades de Xenakis, qui à l'époque était une musique de ballet. Dans le cadre de notre anniversaire, nous avons pensé intéressant de prendre une oeuvre maîtresse et de la remettre dans le cadre d'une oeuvre pour ballet. Ce ne sera pas le ballet original, mais une chorégraphie d'une jeune chorégraphe. c'est prévu pour juin 2011 au festival de danse de Montpellier. Il y a pas mal de demandes, cela semble intéresser beaucoup de gens. Nous avons aussi un projet un peu fou autour de l'idée d'une opérette ! Cela fait un ou deux ans qu'on en parle...


Et pour conclure, il nous fallait nous rapporcher des musiciens afin de recueillir leur point de vue. Keiko Nakamura et Bernard Lesage se sont prêtés au jeu...

Keiko Nakamura : Dans cette oeuvre, nous avons tous des parties très différentes à jouer. En fait, la partition complète est venue un peu tardivement par rapport aux répétitions. Nous avions pu travailler la première partie à fond avec le compositeur. Les deuxième et troisième parties sont arrivées ensuite, et nous les avons travaillées un peu différement. Les répétitions que nous avons faites juste avant les représentations nous ont permis de revoir l'ensemble avec Michael, qui est très précis dans ses demandes. Il recherche vraiment beaucoup de couleurs sur chaque pupitre...

Bernard Lesage : C'est vrai, Michael Jarrell est un compositeur très pointilleux, il accorde énormément d'importance aux nuances. Il sait exactement ce qu'il veut entendre, et même ce que l'on peut appeler le caractère dans le jeu... Parce que l'on peut jouer la note, la nuance, mais lui veut vraiment le caractère. Il va nous dire par exemple comment terminer un geste qui doit donner l'impression de rester en suspens dans l'air. On doit interpréter aussi les intentions du compositeur, les jouer, tout cela passe par énormément de petits détails qu'il faut respecter.

Quand il écrit, il entend déjà tout parfaitement, jusqu'au choix des baguettes qu'il faut utiliser, toutes ces nuances de jeu. Il est amené à revoir ses choix également, en fonction de l'instrument, de l'interprète. Evidemment, il y a des indications qui ne peuvent pas être portées sur la partition. Il nous incite à contrôler nos gestes... Par exemple, au tam-tam, un piano peut se confondre avec un mezzo piano, car les résonances de l'instrument sont difficiles à maîtriser... Mais pas chez Jarrell !

KN : Heureusement, nous travaillons avec les compositeurs vivants (rire)... C'est vraiment notre point fort ! Nous pouvons faire la musique comme ils l'entendent, ce qui n'est évidemment pas le cas avec les autres répertoires. Michael et André Wilms s'entendent très bien, ils cherchent aussi ensemble des solutions... Et c'est très intéressant pour nous de travailler à ce programme de théâtre musical, au lieu d'une oeuvre de musique pure...

BL : Nous avions déjà joué Jarrell mais dans le cadre d'une oeuvre très courte, lorsque l'on a fêté les 40 ans de l'ensemble. Nous avions demandé à douze compositeurs de composer chacun une oeuvre de 2 mn et nous en avons fait un spectacle... Mais c'est la première grande pièce de Michael Jarrel que nous travaillons.

KN : Ici, nous avons des problèmes car le théâtre est petit, la scène est peu profonde. Nous avons dejà travaillé l'oeuvre quinze jours dans une plus grande salle, où nous avions le temps d'essayer telle ou telle disposition. Ici nous avons un peu manqué de temps et d'espace, mais le plus gros problème c'est que nous avons du mal à nous voir...

BL : Il y a toujours un interprète qui dirige le groupe, ce n'est jamais la même personne... Et ça n'est pas toujours très visuel, mais cela fonctionne. Ici, en plus, nous avons un clic aux écouteurs qui nous permet de nous synchroniser entre nous ou avec les chanteuses. Car dans certaines mesures compliquées, jouer et diriger en même temps n'est vraiment pas facile. Mais on aime beaucoup cette oeuvre, qui visiblement remporte pas mal de succès auprès du public...




Spectacle programmé du 17 au 19 juin
à l'Athénée/Théâtre Louis Jouvet
Square de l'Opéra Louis-Jouvet

7 rue Boudreau
75009 Paris

Site : www.athenee-theatre.com



Remerciements à Bernard Lesage et à Céline Gaudier qui ont facilité les contacts au sein de l'équipe.


Suite du festival





samedi 12 juin 2010

Festival Agora 2010 - 3

Vendredi 11 juin, grande salle, Cité de la musique

Spectral, vous avez dit spectral ?

Agora propose ce week-end trois concerts consacrés à «l’école spectrale», dont Tristan Murail est l’un des plus évidents représentants. 
Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Crédit photo : Tristan Murail © Elisabeth Schneider

Si l’on veut, toute musique est, par essence même, spectrale. De même qu’une fusée ne peut jamais quitter sa trajectoire (*), le signal produit par n'importe quel instrument ou phénomène physique est indissociable de son empreinte spectrale, représentative de la manière fréquentielle d'appréhender le phénomène. Autrement dit, on peut toujours réaliser une décomposition du signal sonore sous la forme de l’addition d’un ensemble dénombrable (spectre discret des sons périodiques) ou indénombrable (spectre continu des sons apériodiques) de composantes fréquentielles élémentaires.

Ainsi, de toute éternité et jusqu’à la fin des temps, les bruits, chants, mélodies et autres créations sonores de l’homme ont été, sont et seront spectraux. Mais, en fonction des courants, des styles, des barrières conceptuelles que certains individus plus hardis que d’autres ont contribué à abolir, les compositeurs ont appris à focaliser leur intention musicale, leur idée créatrice, sur des paramètres toujours différents de la modulation sonore. Et l’on est ainsi passé, plutôt progressivement dans l'ensemble mais parfois avec quelques heurts, du chant monodique à la polyphonie, du tempo unique et invariable à la polyrythmie et à l’art du contretemps, du respect absolu de la tonalité à l’art de la dissonance.

Après avoir essayé des formes d’écriture qui tentaient déjà de s’éloigner de la pure tradition, les compositeurs de la seconde école de Vienne (Schoenberg, Berg et Webern) portent un intérêt spécifique pour l’agencement et l’évolution des timbres instrumentaux au sein d’une même pièce. Nous sommes au début du 20e siècle. Ils développent le concept de klangfarbenmelodie (ou mélodie de couleurs de timbres), où le paramètre majeur du discours musical devient le timbre instrumental et ses variations, et non plus tant la mélodie définie par les hauteurs de notes et les accords qui se succèdent.

Dans les années 70, d’autres compositeurs, qui refusaient que l'on restât bloqué dans les impasses d'un sérialisme (autre invention de Schoenberg) devenu dogmatique, reviennent à cette notion de timbre, de spectre, s’intéressent à la nature physique du son. Les développements technologiques de l’époque, qui préfigurent l’actuelle informatique musicale, rendent possible une première approche analytique de la granularité du son, la synthèse et les traitements complexes du signal.

Influencés par l’italien Giacinto Scelsi, autre figure majeure de la musique contemporaine, les compositeurs français Tristan Murail, Gérard Grisey, Michaël Levinas et Hugues Dufourt lancent véritablement le courant spectral en France et font quelques émules à l’étranger. Certains d'entre eux se retrouvent à l’Ircam au début des années 80. Ils profitent alors des premières générations de dispositifs sophistiqués d’analyse et de synthèse, et travaillent la matière sonore même, les micro-intervalles, les partiels (**), la musicalité du bruit. Ils réfléchissent à l’application de processus (règles prédéfinies de variation des formes) dans la composition musicale, considèrent l'axe du temps non plus comme métronomique, mais comme dimension irréversible de l'évolution des systèmes.

Chez Murail, ces stages au laboratoire se traduiront notamment par des œuvres telles que «Désintégrations» (1983), «Serendib» (1992), «L’Esprit des dunes» (1994), ou plus récemment encore par «Les sept Paroles», oeuvre remise en chantier à l’Ircam en 2010 par le compositeur.

Hier soir, nous pouvions entendre en introduction du concert deux étranges pièces de Scelsi, dont l’étonnante «Yamaon», composée en 1958 mais redécouverte et créée en 1988, et qui semble contenir en germe une bonne partie du free jazz sur le point d'éclore pour de bon dans les années 60. 

Puis Murail, avec son envoûtant appel de «L’Esprit des dunes» et son presque debussyste «Serendib». Une mention particulière pour l’hypnotique «Verziechnete Spur» de Mathias Pinstcher, où s’illustrait le contrebassiste Frédéric Stochl, pièce aux riches sonorités et aux effets amples mais subtils de désagrégation spatialisée du son.

Mais l’exploration de ces grandes masses sonores en évolution lente, de ces trajectoires de morphing et d'effets de synthèse croisée se poursuit ce soir avec les créations des «sept Paroles» de Murail et de «Speakings», pour orchestre parlant de Jonathan Harvey. Et s’achèvera dimanche avec Morton Feldman, Marco Momi et d'autres œuvres récentes de Tristan Murail.

(*) Trajectoire : ensemble des points parcourus par un mobile en mouvement. Une fusée peut éventuellement quitter une trajectoire initialement calculée, mais en aucun cas sa trajectoire.

(**) Partiels : composantes fréquentielles (souvent de nature transitoire) apparaissant dans le spectre d'un signal non harmonique (bruits, percussions, attaque ou extinction d'un son).

mercredi 9 juin 2010

Festival Agora 2010 - 2



Mardi 8 juin, Cité des sciences et de l'industrie

L'autre thème majeur d'Agora 2010 est l'inauguration du Méridien Science - Arts - Société, initiative commune à l'Ircam et à Universcience, institution créée en janvier 2010 et placée sous la direction de Claudie Haigneré.

Universcience regroupe le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie, et se donne pour objet «de rendre la culture scientifique accessible à tous, en replaçant l'humain au centre d'un dispositif élaboré», s'appuyant sur les structures existantes ainsi que sur de nouvelles modalités (sites internet, manifestations artistiques, expositions, symposiums, ateliers créatifs pluri-disciplinaires).

Franck Madlener, directeur de l'Ircam, explique : «Un méridien est un cercle imaginaire reliant des lieux séparés. Avec cette initiative, nous voulons (ré)introduire de la communication entre la science et l'art, exploiter les similitudes entre l'atelier de l'artiste et le laboratoire de recherche, être à l'origine d'inventions ayant des répercussions directes et durables pour les créateurs. Et surtout, mettre fin à la tentation bien française de rédiger des rapports - ceux sur la confrontation art/science sont innombrables -, pour enfin passer à l'action !»

A cette fin, le Méridien :

  • se dote de moyens de communication spécifiques entre artistes et chercheurs (un Observatoire Art et Science www.meridien-artsciences.net), vis à vis du public (le site www.universcience.fr et sa chaîne de télévision en ligne http://www.universcience.tv/), 
  • favorise des collaborations interdisciplinaires (exemples du projet «Binôme» associant un chercheur et un dramaturge, des débats «Correspondance, images de science» entre scientifiques et artistes),
  • organise des événements et installations interactives destinées au public, 
  • et définira de nouveaux lieux de résidence pour les artistes engagés dans des projets à caractère «technologique». 
Sans oublier de futures collaborations avec d'autres institutions artistiques et scientifiques...

Dans ce cadre, cette journée de mardi était déjà le théâtre d'un symposium intitulé espace/corps/son, celles de mercredi et jeudi voyant se tenir une rencontre sur le thème modèle/prototype/oeuvre, l'autre axe d'Agora.

A l'appui de ces échanges de haut niveau entre scientifiques, sociologues, philosophes et artistes, Agora et le Méridien programment également trois installations interactives ouvertes au public : Grainstick à la Cité des sciences et de l'industrie, Mortuos Plango, Vivos Voco et Les Mécaniques d'EZ3kiel au Palais de la découverte.


En début de soirée, le compositeur Pierre Jodlowski démontrait le dispositif interactif sonore et visuel Grainstick, sorte de double joystick sophistiqué inspiré de l'instrument ancestral d'origine probablement sud-américaine, qui fait appel tout autant à la synthèse granulaire qu'à la détection de mouvement multidimensionnelle...



... auquel Claudie Haigneré s'essayait rapidement, aussitôt terminée la conférence de presse d'introduction au Méridien Science - Arts - Société ! 







Ce même mardi, la Géode accueillait aussi la soirée Vertige, qui donnait à voir les deux films Mutations of matter de Carlos Franklin sur une musique de Roque Rivas et l'exceptionnel Vox Humana de Raphaël Thibault sur une musique de Hyun-Hwa Cho, fruit d'une collaboration entre l'Ircam et le centre de création artistique Le Fresnoy, écho d'un concert donné en l'église Saint-Eustache lors de la précédente édition d'Agora.

Ce programme était entrecoupé par une lecture-spectacle de Michel Serres, mise en image par Maa Berriet, très beau moment de poésie et d'introspection sur la place de l'homme, de ses découvertes, de sa parole et de sa musique dans le grand théâtre de l'univers. 



Mais Agora se poursuit, avec plusieurs points forts. Tout d'abord avec les concerts des 11, 12 et 13 juin à la Cité de la musique et à la Maison de Radio France, dont le compositeur Tristan Murail sera la figure emblématique. 

Ensuite avec la soirée Ombre Double du 18 juin, en remplacement de celles initialement pensées comme une «collaboration inédite» entre J.-S. Bach, Pierre Boulez et Odile Duboc, et qui prennent évidemment une dimension particulière du fait de la disparition très récente de la chorégraphe française. 

Avec aussi le nouvel opus de théâtre musical de Michael Jarrell, Le Père, inspiré de la pièce éponyme de Heiner Muller, qui sera donnée à l'Athénée Théâtre Louis Jouvet les 17, 18 et 19 juin.

Enfin, le samedi 19 juin à partir de 16 h 00 et jusqu'à très tard, une fête de la musique avant l'heure, la Nuit du prototype, qui se déroulera in et hors l'Ircam, et proposera en alternance des concerts, la visite des laboratoires, des projection de films inspirés d'oeuvres musicales d'aujourd'hui.

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Festival Agora 2010 - 1





Lundi 7 juin, 18 h 00, fontaine Stravinski, entrée de l'Ircam


Le festival Agora a ouvert ses portes cet après-midi.

Rappelons que l'un des thèmes de cette édition d'Agora est le prototype en art.


L'Ircam, véritable laboratoire de la création musicale, a depuis sa création en 1969 suscité de nombreuses oeuvres, procédés, paradigmes et outils, repris et développés par les musiciens et certains artistes plasticiens d'aujourd'hui. 

Faire ressurgir l'utilité récurrente de ce qui fut - ou est - prototypal dans ces travaux, montrer ce que ces recherches et expérimentations ont de fonctionnel, faire en sorte qu'elles soient partagées par un nombre toujours croissant d'auteurs est l'un des objectifs d'Agora 2010, qui vise aussi à ouvrir l'institution Ircam à un public de plus en plus large.

Cette première soirée s’ouvrait par la projection d'une relecture du «Roaratorio» de John Cage dans la salle de projection de l’Ircam, très sobrement remis en ondes et en lumière par le plasticien Sarkis - par ailleurs exposé au Centre Pompidou jusqu'au 21 juin. 

A 20 h 30 suivait la création de «Cantate égale pays», œuvre de commande mixte acoustique-électronique de Gérard Pesson, originale à plus d’un titre. Cette œuvre était en effet interprétée sans chef par les six solistes de l’ensemble vocal britannique EXAUDI et les neuf instrumentistes de l’Instant donné, formation française spécialisée dans la musique de chambre contemporaine.


L’absence de direction résultait d’un choix partagé du compositeur et des musiciens, afin que rien ne s’interpose entre le public et la scène, scène qui profitait d’une belle mise en espace et en lumière due à Daniel Levy. Selon les vœux du compositeur, c’est l’immédiateté ainsi qu'une manière de fragilité du discours musical qui étaient recherchées dans cette exécution. Et la structure rythmique complexe de cette œuvre nécessitait de la part des musiciens une attention spécifique au geste de l’autre, de tous les autres.

Autre particularité, l’ensemble était amplifié pupitre par pupitre, afin d’éviter tout hiatus sonore entre les émissions des instruments acoustiques et des chanteurs, et le recours, jamais envahissant, à l’électronique - ici sous les traits d’une (hyper) basse (presque) continue, là sous le rappel de chants d'oiseaux, de bruissements d'eau et de vent, voire du bruit de passage d'un train. 

A propos de ses cantates, Gérard Pesson écrit en effet : «(l’électronique) doit former avec les instruments et les voix, tous amplifiés, un son homogène et centré qui délimite l’espace du jeu, celui de la parole». Et encore : «Sa présence, souvent indiscernable, est un point de fuite de l’écoute, comme une perturbation que l’on peut intégrer pleinement à l’image sonore, ou bien laisser opérer comme un venin légèrement urticant du timbre». 

On appréciera la poésie de la formule, collant à merveille à l'esprit de ces trois cantates basées sur des poèmes de Mathieu Nuss, Gerard Manley Hopkins et Elena Andreyev, et dont le parti pris naturaliste est évident. Ici donc, pas d’effet spectaculaire de spatialisation, mais une amplification qui la plupart du temps accompagnait et soulignait le positionnement réel de chacun des acteurs presents sur scène.

Sur de vives pulsations porteuses de souffle et de crissements, Pesson bâtit de curieux édifices aériens faits de sons ténus, acides et étherés, dans une construction à l'équilibre finalement lent, précis mais presque précaire. Un travail d'esquisse et de fragilité qui oblige les musiciens à sonder les formes les plus évanescentes de l'aigu ou du pianissimo (avec un triple voire un quadruple p).

Tandis que le découpage spatial et lumineux distillé par Daniel Levy, parfois nimbé de fines volutes de brouillard, soulignait ce que cette construction sonore a tout à la fois de rigoureux et de vaporeux.

Une belle manière, envoûtante et précieuse, de commencer ce festival.