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mercredi 9 juin 2010

Festival Agora 2010 - 2



Mardi 8 juin, Cité des sciences et de l'industrie

L'autre thème majeur d'Agora 2010 est l'inauguration du Méridien Science - Arts - Société, initiative commune à l'Ircam et à Universcience, institution créée en janvier 2010 et placée sous la direction de Claudie Haigneré.

Universcience regroupe le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie, et se donne pour objet «de rendre la culture scientifique accessible à tous, en replaçant l'humain au centre d'un dispositif élaboré», s'appuyant sur les structures existantes ainsi que sur de nouvelles modalités (sites internet, manifestations artistiques, expositions, symposiums, ateliers créatifs pluri-disciplinaires).

Franck Madlener, directeur de l'Ircam, explique : «Un méridien est un cercle imaginaire reliant des lieux séparés. Avec cette initiative, nous voulons (ré)introduire de la communication entre la science et l'art, exploiter les similitudes entre l'atelier de l'artiste et le laboratoire de recherche, être à l'origine d'inventions ayant des répercussions directes et durables pour les créateurs. Et surtout, mettre fin à la tentation bien française de rédiger des rapports - ceux sur la confrontation art/science sont innombrables -, pour enfin passer à l'action !»

A cette fin, le Méridien :

  • se dote de moyens de communication spécifiques entre artistes et chercheurs (un Observatoire Art et Science www.meridien-artsciences.net), vis à vis du public (le site www.universcience.fr et sa chaîne de télévision en ligne http://www.universcience.tv/), 
  • favorise des collaborations interdisciplinaires (exemples du projet «Binôme» associant un chercheur et un dramaturge, des débats «Correspondance, images de science» entre scientifiques et artistes),
  • organise des événements et installations interactives destinées au public, 
  • et définira de nouveaux lieux de résidence pour les artistes engagés dans des projets à caractère «technologique». 
Sans oublier de futures collaborations avec d'autres institutions artistiques et scientifiques...

Dans ce cadre, cette journée de mardi était déjà le théâtre d'un symposium intitulé espace/corps/son, celles de mercredi et jeudi voyant se tenir une rencontre sur le thème modèle/prototype/oeuvre, l'autre axe d'Agora.

A l'appui de ces échanges de haut niveau entre scientifiques, sociologues, philosophes et artistes, Agora et le Méridien programment également trois installations interactives ouvertes au public : Grainstick à la Cité des sciences et de l'industrie, Mortuos Plango, Vivos Voco et Les Mécaniques d'EZ3kiel au Palais de la découverte.


En début de soirée, le compositeur Pierre Jodlowski démontrait le dispositif interactif sonore et visuel Grainstick, sorte de double joystick sophistiqué inspiré de l'instrument ancestral d'origine probablement sud-américaine, qui fait appel tout autant à la synthèse granulaire qu'à la détection de mouvement multidimensionnelle...



... auquel Claudie Haigneré s'essayait rapidement, aussitôt terminée la conférence de presse d'introduction au Méridien Science - Arts - Société ! 







Ce même mardi, la Géode accueillait aussi la soirée Vertige, qui donnait à voir les deux films Mutations of matter de Carlos Franklin sur une musique de Roque Rivas et l'exceptionnel Vox Humana de Raphaël Thibault sur une musique de Hyun-Hwa Cho, fruit d'une collaboration entre l'Ircam et le centre de création artistique Le Fresnoy, écho d'un concert donné en l'église Saint-Eustache lors de la précédente édition d'Agora.

Ce programme était entrecoupé par une lecture-spectacle de Michel Serres, mise en image par Maa Berriet, très beau moment de poésie et d'introspection sur la place de l'homme, de ses découvertes, de sa parole et de sa musique dans le grand théâtre de l'univers. 



Mais Agora se poursuit, avec plusieurs points forts. Tout d'abord avec les concerts des 11, 12 et 13 juin à la Cité de la musique et à la Maison de Radio France, dont le compositeur Tristan Murail sera la figure emblématique. 

Ensuite avec la soirée Ombre Double du 18 juin, en remplacement de celles initialement pensées comme une «collaboration inédite» entre J.-S. Bach, Pierre Boulez et Odile Duboc, et qui prennent évidemment une dimension particulière du fait de la disparition très récente de la chorégraphe française. 

Avec aussi le nouvel opus de théâtre musical de Michael Jarrell, Le Père, inspiré de la pièce éponyme de Heiner Muller, qui sera donnée à l'Athénée Théâtre Louis Jouvet les 17, 18 et 19 juin.

Enfin, le samedi 19 juin à partir de 16 h 00 et jusqu'à très tard, une fête de la musique avant l'heure, la Nuit du prototype, qui se déroulera in et hors l'Ircam, et proposera en alternance des concerts, la visite des laboratoires, des projection de films inspirés d'oeuvres musicales d'aujourd'hui.

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Festival Agora 2010 - 1





Lundi 7 juin, 18 h 00, fontaine Stravinski, entrée de l'Ircam


Le festival Agora a ouvert ses portes cet après-midi.

Rappelons que l'un des thèmes de cette édition d'Agora est le prototype en art.


L'Ircam, véritable laboratoire de la création musicale, a depuis sa création en 1969 suscité de nombreuses oeuvres, procédés, paradigmes et outils, repris et développés par les musiciens et certains artistes plasticiens d'aujourd'hui. 

Faire ressurgir l'utilité récurrente de ce qui fut - ou est - prototypal dans ces travaux, montrer ce que ces recherches et expérimentations ont de fonctionnel, faire en sorte qu'elles soient partagées par un nombre toujours croissant d'auteurs est l'un des objectifs d'Agora 2010, qui vise aussi à ouvrir l'institution Ircam à un public de plus en plus large.

Cette première soirée s’ouvrait par la projection d'une relecture du «Roaratorio» de John Cage dans la salle de projection de l’Ircam, très sobrement remis en ondes et en lumière par le plasticien Sarkis - par ailleurs exposé au Centre Pompidou jusqu'au 21 juin. 

A 20 h 30 suivait la création de «Cantate égale pays», œuvre de commande mixte acoustique-électronique de Gérard Pesson, originale à plus d’un titre. Cette œuvre était en effet interprétée sans chef par les six solistes de l’ensemble vocal britannique EXAUDI et les neuf instrumentistes de l’Instant donné, formation française spécialisée dans la musique de chambre contemporaine.


L’absence de direction résultait d’un choix partagé du compositeur et des musiciens, afin que rien ne s’interpose entre le public et la scène, scène qui profitait d’une belle mise en espace et en lumière due à Daniel Levy. Selon les vœux du compositeur, c’est l’immédiateté ainsi qu'une manière de fragilité du discours musical qui étaient recherchées dans cette exécution. Et la structure rythmique complexe de cette œuvre nécessitait de la part des musiciens une attention spécifique au geste de l’autre, de tous les autres.

Autre particularité, l’ensemble était amplifié pupitre par pupitre, afin d’éviter tout hiatus sonore entre les émissions des instruments acoustiques et des chanteurs, et le recours, jamais envahissant, à l’électronique - ici sous les traits d’une (hyper) basse (presque) continue, là sous le rappel de chants d'oiseaux, de bruissements d'eau et de vent, voire du bruit de passage d'un train. 

A propos de ses cantates, Gérard Pesson écrit en effet : «(l’électronique) doit former avec les instruments et les voix, tous amplifiés, un son homogène et centré qui délimite l’espace du jeu, celui de la parole». Et encore : «Sa présence, souvent indiscernable, est un point de fuite de l’écoute, comme une perturbation que l’on peut intégrer pleinement à l’image sonore, ou bien laisser opérer comme un venin légèrement urticant du timbre». 

On appréciera la poésie de la formule, collant à merveille à l'esprit de ces trois cantates basées sur des poèmes de Mathieu Nuss, Gerard Manley Hopkins et Elena Andreyev, et dont le parti pris naturaliste est évident. Ici donc, pas d’effet spectaculaire de spatialisation, mais une amplification qui la plupart du temps accompagnait et soulignait le positionnement réel de chacun des acteurs presents sur scène.

Sur de vives pulsations porteuses de souffle et de crissements, Pesson bâtit de curieux édifices aériens faits de sons ténus, acides et étherés, dans une construction à l'équilibre finalement lent, précis mais presque précaire. Un travail d'esquisse et de fragilité qui oblige les musiciens à sonder les formes les plus évanescentes de l'aigu ou du pianissimo (avec un triple voire un quadruple p).

Tandis que le découpage spatial et lumineux distillé par Daniel Levy, parfois nimbé de fines volutes de brouillard, soulignait ce que cette construction sonore a tout à la fois de rigoureux et de vaporeux.

Une belle manière, envoûtante et précieuse, de commencer ce festival.