vendredi 14 novembre 2008

Quatuor Contemporain volume I : Démanché !

Premier concert Ircam du cycle consacré au quatuor à cordes - Saison 2008-2009


Depuis sa fondation en 1969 sous l’impulsion de Pierre Boulez, l’Ircam (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique) n’a cessé d’œuvrer aux développements technologiques liés à l’expression musicale, a encouragé de nombreuses vocations de compositeurs grâce à ses cursus de formation, et a suscité la création d’un nombre incalculable d’œuvres d’avant-garde. La saison événementielle 2008/2009 de l’Ircam à débuté en octobre dernier. Elle associe concerts, colloques et rencontres autours d’auteurs ou de technologies (voir par exemple l’article sur la présentation du système WFS).


Le 13 novembre dernier était donné le premier concert d’un cycle consacré au quatuor à cordes. Quatuor I : démanché ! convoquait le Quatuor Danel en la salle de projection de l’Ircam, dans un programme associant deux créations et deux œuvres existantes. Certaines de ces pièces faisaient appel à un dispositif électroacoustique destiné à enrichir la forme traditionnelle du quatuor. L’occasion pour Signal sur Bruit de se pencher sur les aspects artistiques et techniques de ce programme.


Le concert - Jeudi 13 novembre, 20 h 00, Ircam, Salle de Projection


En introduction du concert, Orbis Tertius de Sebastian Rivas, jeune compositeur franco-argentin actuellement en résidence à l’ensemble Multilatérale. Commencé dans un souffle, Orbis Tertius donne immédiatement à entendre un matériau sonore inouï et futuriste d’une saisissante clarté. Futuriste, mais évitant magistralement les artefacts sonores improbables au goût de science-fiction de série B, Orbis Tertius étonne par l’avant-gardisme du propos et la maturité de sa forme. En effet, «l’augmentation» du quatuor par l’électronique donne lieu chez Rivas à une forme très audacieuse, exerçant sans répit la curiosité, voire l’incrédulité de l’auditeur. S’aventurant soudain en son milieu dans les territoires abrupts de la saturation, la pièce se développe par glissements successifs en un furieux et strident unisson auréolé d’un fin brouillard bruitiste qui se répand dans la salle en petites bouffées. Une musique touffue, brute mais cristalline, que l'on aimerait écouter encore et encore afin d'en pénétrer les multiples strates.

Drôle et menaçant, plaintif et réjouissant, éprouvant pour les musiciens mais gai aussi, alternativement léger et pesant, subtil mais déterminé : Tracés d’Ombres de Franck Bédrossian est tout cela à la fois. Une écriture superbement inventive pour un quatuor «traditionnel», dépourvu d’électronique, et qui explore sans complexe de nombreux modes de jeu : glissandi, pizzicati et autres démanchés. On y admire le volontarisme sans retenue de Marc Danel, premier violon, qui impose à l’ensemble les directions sans cesse changeantes de cette œuvre à la fois déroutante et familière, souvent drôle. Un silence tout particulier parcourt alors la salle, qui semble comme retenir son souffle, presque hébétée.

En une véritable épreuve de force, les Danel, décidemment pas avares, puisant probablement dans leurs dernières réserves d’énergie, concluent le concert par le Neuvième Quatuor de Wolfgang Rihm, compositeur allemand des plus prolixes (plus de trois cent cinquante œuvres à son actif). De facture apparemment plus classique, ne faisant pas non plus intervenir l’électronique, ce 9e quatuor est néanmoins une pièce très moderne et tendue, toute entière traversée d'une inquiétante présence. Dissonances et arythmies y sont nombreuses. Sorte de synthèse entre les anciens et les modernes, dépassant les clivages entre l’avant-garde brute et la tradition, le langage de Rihm s’illustre de réminiscences classiques, et joue de leur confrontation avec des schémas hors norme, qui «jaillissent comme des gerbes d’éclairs et conduisent à des formulations éclatantes» (Josef Häusler, propos repris de la note de programme).



Zoom sur StreicherKreis de Florence Baschet