mardi 27 juillet 2010

Arènes du Jazz - 5

Des lions dans l’arène ! (suite)

Le concert de dimanche soir associait quatre de nos héros nationaux : Louis Sclavis, Michel Portal, Jean-Paul Céléa et Daniel Humair. De quoi rugir de plaisir ! Les lecteurs m’excuseront cette figure de style chocolatée, peut être due à la légère euphorie d’un pique-nique gentiment arrosé, consommé peu avant le retentissement des 21 coups de l’horloge. Ici, les concerts commencent en effet à l’heure pile car malheureusement, il faut avoir terminé à 22 h 30. Voisinage oblige, nous explique-t-on.








Le public présent, lui, se régalait autant que les musiciens, tous très souriants, en grande forme, et venus eux aussi pour faire la fête, en toute décontraction. Un concert alternativement porté par les beaux unissons ou les farouches joutes de Sclavis et Portal, tous deux à armes égales.


Daniel Humair, souvent plus percussionniste que batteur à proprement parler, laissait s'exprimer les couleurs de ses peaux‚ cymbales et charleston. Sans ostentation, sans chercher à jouer rapide ou dense. 




Nous n’oublierons pas davantage l'énorme contrebasse ronronnante de Jean-Paul Céléa, le plus calme de nos héros, mais pas en reste question efficacité.

Surprise : au 2e titre, ont reconnaît des citations de ce qui fut le tube de la performeuse et musicienne américaine, Laurie Anderson, dont le nom est d’ordinaire peu associé au jazz… C’est «O Superman», lancinant morceau qui tire en vérité sa source dans le «Ô Souverain, Ô Juge, Ô Père» de Jules Massenet (air extrait de son opéra Le Cid), prolifique compositeur français pas tout à fait méconnu mais presque.




Et ils discutent, ils rigolent, ils s’invectivent, ils s'empoigneraient presque... dans une espèce de morceau jungle soufflé-crié d'une rare folie ! Finalement, ce sont quatre (grands) garçons dans le vent qui s'amusent sous nos yeux comme des étudiants en goguette.




On a rarement vu Portal si libéré et drôle, bondissant d’un côté à l’autre de la scène, poussant des petits cris‚ déclamant soudain en langue espagnole au beau milieu d'un morceau (monologue de touriste en visite au Sacré Cœur), en faisant mine de s’accompagner à la guitare. 
Mais il est bien soutenu par ses comparses dans son délire, qui succède à de longues plaintes déchirantes et parfois terriblement aiguës comme lui seul sait en produire. 

Une musique impressionniste cette fois, très haute en couleurs. 
Ce qu'il y a de free dans la musique de Portal/Sclavis/Céléa/Humair n'est jamais condescendant ou poseur. Non, les dérapages sont assumés par pur plaisir de la conduite à haute vitesse et de la prise de virages soudain très serrés. 

Et là où les vieux lions donnent un peu une leçon au jeunes fauves, ce n'est pas tant en termes de maîtrise instrumentale ou d'inspiration. Ce serait plutôt en matière de décontraction et d’humour.
Il faut croire que plus on est sage, moins on est sérieux…