lundi 25 avril 2011

Goldmund et Focal au Bristol (suite)



L’écoute

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire par le passé, les produits Goldmund parviennent en général à concilier des critères de restitution sonore pratiquement antagonistes : sensation d’enveloppement complet et de grande douceur d’une part, précision et impact d’autre part.
Associés aux enceintes Focal Stella (ici bi-amplifiées passivement), le préampli Mimesis 16 et les quatre blocs d’amplification mono Telos 350 qui l’accompagnent présentent une bande passante d’une largeur exceptionnelle. L’image stéréophonique est généreusement déployée et reste appréciable même lorsque l’auditeur s’écarte notablement du sweet spot. La consistance et la vraisemblance des sources sonores sont en tous points impressionnantes. Le système semble totalement dépourvu de distorsion, et comme toujours en pareil cas, les flux musicaux sont présentés de manière complètement posée. L’écoute à haut niveau sonore ne traduit aucune crispation et n’empêche pas de pouvoir converser avec son voisin. L’exact opposée d’une restitution agressive...

A la première écoute, tous les attribut du très grand son sont donc réunis. Mais cette première constatation effectuée, il faut rapidement écouter des voix : leur restitution est, de manière confondante, à la fois charnue et quasiment dépourvue de caractère électronique. Ceci est un test à la fois facile et décisif. D’une part, notre oreille est morphologiquement plus adaptée à l’écoute de la voix humaine qu’à quoi que ce soit d’autre, d’autre part nous passons nos journées à communiquer verbalement. Que nous en soyons conscients ou pas, nous sommes tous capables de détecter très finement le caractère naturel ou artificiel d’une voix, qu’elle soit connue ou inconnue ! 

Ajoutons pour la petite histoire que nous écoutons tout simplement un CD gravé (contenant un programme compilé par Gérard Chrétien de Focal) et non un pressage CD audiophile, un SACD ou un fichier à haute résolution… Il serait donc possible d’obtenir d’une bête copie de CD un son franchement humain ? Oui, avec le lecteur Eidos CD 20 en tout cas, ça l’est !

Mais retour à des programmes musicaux plus complexes. Sur un des concertos pour piano de Chopin, et en dépit du système de climatisation un peu bruyant qui équipe l’immense salon, les fins de notes sont bien là et confèrent à l’extrait écouté un legato magnifique et une rare souplesse. De manière évidente, nous sommes ici aux antipodes d’une restitution exacerbée et tonitruante, qui peut par exemple être le fait de systèmes à très haut rendement. Ces derniers ont d’ailleurs leurs qualités, et leurs adeptes. Ici, rien à voir. Mais il est possible que cette manière d’infinie délicatesse ne soit pas du goût de tout le monde, tant il est vrai que même la musique vivante peut présenter des aspérités, des marques d’agressivité - qui n’ont absolument pas cours ici. 

Et nous retombons là sur un des questionnements fondamentaux de l’enregistrement et de la reproduction du son. Dans la réalisation d’une prise de son, dans la mise au point d’un appareil ou d’une configuration, faut-il toujours viser la plus grande transparence possible au risque de crisper, ou plutôt privilégier le confort d’écoute notamment sur le long terme ? Si elle est appliquée de manière jusqu’auboutiste, et bien qu’elle soit systématiquement revendiquée par les constructeurs de matériel, l’option de transparence absolue risque fort de n’emporter les suffrages que dans le cadre d’écoutes à relativement court terme. Et encore ! Il n’est pas certain que nous soyons capables de tolérer d’un système audio domestique ce que nous acceptons, souvent sans nous en rendre compte, lorsque nous sommes au concert, qu’il soit acoustique ou amplifié, qu’il s’agisse de musique de chambre ou de heavy metal. D’un autre côté, privilégier à tout prix le confort d’écoute en gommant toute aspérité du message musical conduira immanquablement à une restitution lénifiante.

On pourrait dire que les sources, préamplis et amplis Goldmund parviennent à un savant équilibre entre ces deux approches contradictoires, mais avec tout de même une nette tendance à préserver le plaisir d’écoute, heure après heure, jour après jour… et probablement année après année. Pour employer une autre comparaison avec l’automobile (elles sont courantes en haute-fidélité), un tel système est probablement plus proche du caractère puissant et feutré présenté par une Bentley que de la fulgurante nervosité typique d’une Ferrari. J’écris d’ailleurs probablement, car j’avoue n’être jamais monté ni dans l’une ni dans l’autre voiture ! Mais je pense que l’image est assez explicite… Toujours est-il que l’on ressent à l’écoute de ce système une impression de totale aisance, d’aération extrême tout à fait déconcertante. Le combo Goldmund établit donc une forme de quadrature du cercle en conciliant aspect spectaculaire et absence d’esbrouffe, contrôle exemplaire des membranes et liberté d’expression peu commune.

Leonardo en action

Une partie du bénéfice en revient au système Leonardo de correction des voies d’enceintes. Sur plusieurs morceaux, nous essayons l’écoute sans correction puis avec. Tout d’abord sur la superbe reprise de «Yesterday» due à la regrettée Shirley Horn. Certes, la première version sans correction est déjà d’une très haut niveau de musicalité. On est même dubitatif quant au fait de pouvoir obtenir sensiblement mieux de ce même système.

Le gain apporté par le système de correction se fait d’abord ressentir sur le critère de la précision : meilleure localisation et ponctualité de la chanteuse, attaques du piano plus précises. La consistance du message est encore améliorée, le piano a plus de corps et justesse. Mais de manière sans doute plus surprenante, le chant est transcrit de manière sensiblement plus expressive avec des inflexions mieux marquées. Le moindre chuchotement de la chanteuse devient facilement perceptible...

Même effet sur «Mistral gagnant» de Renaud, un titre très apprécié de Jefferson Torno, physiquement aux commandes de ce système sans télécommande (je plaisante, mais il faut bien changer le CD de temps à autre !).
Le titre «Alleluïa» version Jeff Buckley bénéficie quant à lui, avec l’aide du Leonardo, d’un son de guitare bien plein, et d’une transparence sur la voix qui révèle aussi les limites de cette prise de son. Mais le morceau est restitué avec une très rare humanité et un magnifique sentiment de présence.
C’est ensuite un monumental et quasi analogique «Take Five» qui lui succède, comme au bon vieux temps des démonstrations hifi lorsque le CD n’existait pas encore, Leonardo toujours actif. Bien que le système Proteus de correction de salle ne soit pas activé, l’ampleur du message, sa ductilité, la franchise et le naturel des attaques restent intacts même en des positions d’écoute très éloignées du système, ou très décentrées par rapport à l’axe des enceintes. Tout comme si de véritables musiciens étaient présents dans la salle ! Or on ressent d’ordinaire une perte de consistance et de crédibilité du message dès que l’on éloigne de plus de quelques mètres d’une paire d’enceintes. Il semble donc bien que le recalage notamment temporel des informations effectué par le dispositif Leonardo soit efficace.


L’ensemble Metis


Face à ce système presque gigantesque, on pouvait écouter la mini-chaîne Metis… Mini par la taille, certes, pas forcément par le prix ! Toujours est-il que l’on peut parler de prouesse car ampleur subjective et musicalité transcendent sensiblement l’encombrement très réduit des différents éléments qui la compose : lecteur Metis Player (7000 €) en alternance avec un mini-ordinateur utilisé en source numérique, préampli numérique Metis 10 (8000 €) et enceintes compactes Metis Speaker à deux voies (11 000 € la paire) placées sur des pieds Music Tools (900 €) parfaitement assortis. Câblage Absolue Créations Digiteam (250 €).

On retrouve ici la patte de velours typique de la marque, combinée à une très belle image sonore, pourvu cette fois que l’on ne quitte pas le sweet spot central. L’ensemble est également capable d’un sens du swing étonnant qui en ferait presque oublier le manque de fondation dans l’extrême grave. Le fait que les Metis Speaker soient des enceintes numériques actives, c’est à dire munies d’un étage de décodage spdif suivi d’un filtrage numérique, d’une conversion numérique/analogique et de deux modules d’amplification Telos 150 alimentant chacun un haut-parleur n’est pas pour rien dans le prix élevé de ces petits bijoux.

J’avoue cependant être moins convaincu par cette approche, technologiquement très pointue, mais d’un coût assez prohibitif. Car on pourra trouver sans trop d’efforts de très beaux mini-systèmes capables de de dispenser un plaisir d’écoute au moins égal pour un prix bien moindre. Cela étant, les inconditionnels de la marque y retrouveront l’esthétique sonore, visuelle et l’incomparable finition typiques de Goldmund.