vendredi 19 mars 2010

4'33'' après J.C.


John Cage célébré à l'Ircam



John Cage aura définitivement marqué la musique du 20e siècle, tout comme Yves Klein et Samuel Beckett ont marqué la peinture et la littérature.

Mais avec Cage - et au delà des audaces compositionnelles développées par d'autres musiciens à la même époque - c'est une ultime barrière conceptuelle qui a sauté en matière de création artistique. Car dans nombre de ses pièces, c'est la volonté même du compositeur qui s'efface devant le recours au hasard, à l'indétermination. Pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'art, ces éléments sont propulsés au rang de principes déterminants de l'oeuvre.

Dans les années 40 et après, le Cage iconoclaste, le Cage dada, le Cage zen transpose en musique les principes du I Ching. Mais à cet appel du hasard en musique répond la nécessité, sans doute inspirée elle aussi par les philosophies orientales, d'une forme de vacuité parfaite. Il est donc a posteriori très logique que le même homme soit à l'origine des "Music of Changes" pour piano, de "William Mix" (pièce pour fragments de bandes magnétiques découpées et montées selon un ordre obéissant au hasard), et de "4'33''", pièce en trois parties qui n'est faite que de silence.

Ce silence, érigé en oeuvre par Cage en 1952, est sans doute la création musicale la plus radicale qui soit, et s'annonce entre autre choses comme une sorte d'écho précurseur à la fameuse exposition "Le vide" réalisée par Klein à la galerie Iris Clert en 1958. C'est à la fois la pièce la moins dérangeante de toute l'histoire de la musique (sur le strict plan auditif s'entend !), mais aussi la plus iconoclaste que l'on puisse concevoir. Et là où Cage a frappé fort, c'est que, par essence même, elle le restera jusqu'à la fin des temps.

Quel autre artiste, aussi avant-gardiste et doué soit-il, peut-il prétendre ne jamais être dépassé ?


L'Ircam rend hommage à cet exploit, jeudi 25 mars à 20 h 30, sous la forme d'un concert intitulé "4'33'' après J.C.". Aux côtés du défunt Cage se succéderont cinq compositeurs d'aujourd'hui (James Dillon, Christian Marclay, Bruno Mantovani, Carlos Caires, Roque Rivas), pour cinq oeuvres de commande inspirées par la fameuse pièce. Pour ce concert, Peter Rundel sera aux commandes du Remix Ensemble.

Le concert sera précédé à 19 h d'une rencontre : "4'33'' : Portait chinois" réunissant historiens de l'art, philosophes et musicologues. Une rencontre en forme d'exercice de style oulipien, puisque chacun des six intervenants s'exprimera sur l'oeuvre de Cage sous forme d'une performance en trois parties, d'une durée prédéterminée de 4 minutes 33 secondes.


Jeudi 25 mars 2010,  Centre Pompidou, Grande salle. Rencontre à 19h  (entrée libre), concert à 20h30. Réservations sur le site du Centre Pompidou.