mardi 30 mars 2010

6e Festival PRESENCES électronique - suite


A 20 h, la grande salle 400 (en gradins) programmait des oeuvres composées ou des performances improvisées d’artistes de toutes les générations : le père spirituel Pierre Schaeffer, et certains de ses (petits ?) enfants terribles que sont David Fennesz, Ake Parmerud ou encore Kasper T. Toeplitz étaient représentés. 

Le dispositif de diffusion reprenait ici le principe de l'Acousmonium, orchestre de hauts-parleurs largement déployés sur scène et dans la salle (sur les côtés et en hauteur), constitué de quelques 28 transducteurs et 22 canaux de diffusion indépendants -  qui furent totalement utilisés par Robert Normandeau pour sa pièce «StrinGBerg», remixée de 8 à 22 canaux pour la circonstance.


Dans le détail, on retrouvait dans cette installation démesurée une pléthore de transducteurs, dont des enceintes de sonorisation Meyer Sound CQ1 (actives) et des petits cubes A2T C2828 (également auto-amplifiés, disposés en cluster au dessus de la scène, ou encore suspendus en douche au dessus du public). Ces enceintes professionnelles sont équipées du même HP coaxial large bande que les Elipson Planet du studio 4. Mais aussi, sur la scène, d’imposants caissons de grave Meyer 650P, une paire d’immenses colonnes composées de deux Klipsh RF7 (image ci-dessus), d'antiques Elipson Etoile  (au second plan) et une nuée d’enceintes de monitoring type JBL 4430.

Ce système était alimenté en signal par des fichiers multipistes Digital Performer lus sur un Mac Book Pro suivi d’une interface Fireface 800 et de la Console Yamaha PM5D, utilisée pour ajuster les niveaux relatifs de chaque voie d’amplification pendant les diffusions. Le signal numérique préamplifié était enfin emmené vers les amplificateurs situés en fond de scène via une liaison MADI sur fibre optique après conversion ADAT-MADI. 

Un premier rack compact d’électroniques abritait les convertisseurs MADI-ADAT et des convertisseurs ADAT-Analogique modèle Apogee DA16X. Un second rack renfermait ici encore des modules d’amplification Lab Gruppen C20 2.8 X.

Ce voyage au cœur des phénomènes sonores s'achevait dimanche soir avec la projection de deux œuvres électro-acoustiques, et de trois performances live.

Daniel Terruggi préparant sa diffusion octophonique

Avec ses «Transmutations», Daniel Terruggi donnait à entendre une œuvre au parti pris très naturaliste, d’une grande pureté sonore, et qui tirait pleinement parti du dispositif exceptionnellement ample. La pièce s'ouvrait sur un ressac spatialisé qui submergait littéralement l'auditeur et se concluait par une sorte d' «Etude aux allures» puissante et effrénée. Dans l’intervalle, on avait assisté à l’étonnante transmutation de quelques pelletées de terre et de cailloux en une forme dense de métal rayonnant. Suivait Bruno Letort et ses «Fables électriques», qui se déployaient en une grande fresque plutôt sereine mais d’esprit très rock, alternant les samples de guitare électrique. Giuseppe Ielasi nous entraînait ensuite dans une plongée à la progression délicate au cœur d’un bruit corpusculaire, qui irradiait bientôt un foisonnement de micro-mélodies finement rugueuses appuyées par une enveloppante et profonde pulsation.

Dirons-nous que la seconde partie du concert fut plus… ésotérique ? Les «Trois morceaux en forme de poire» de Satie relus par Stephan Mathieu et Akira Rabelais nous laissaient un peu perplexes du fait de leur immobilisme et dépouillement poussés à l'extrême, tandis que Kasper Toeplitz tentait pour conclure le concert de saturer l’auditorium (et par là-même les oreilles du public) d’une longue séquence d’extrême grave monolithique basculant soudain dans un registre sauvagement aigu. Certes, même les meilleures enceintes peuvent produire de la distorsion, et générer des phénomènes sonores erratiques qui ont leur propre signature. Mais ça, nous le savons déjà depuis un moment…



Les amateurs d’electronica peuvent se réjouir, car la saison s’annonce riche en manifestations. La 6e convention Qwartz des musiques nouvelles se tiendra en effet vendredi 2 et samedi 3 avril au Palais de la Bourse. On y retrouvera des projections sonores et tables rondes organisée par le GRM.

Vendredi 9 et samedi 10 avril, la Brigade d’Intervention Musicale et Sonore d’Eric Groleau et Thierry Balasse, phalange affiliée à La Muse en Circuit, embauche des élèves de plusieurs conservatoires du Val de Marne pour deux concerts électro-acoustiques au Conservatoire Marcel Dadi de Créteil.

Les 8 et 9 mai, les 26 juin et 27 juin, poursuite des 32e Multiphonies GRM avec les concerts Live électronique et Akousma à l'Auditorium Olivier Messiaen de la Maison de Radio France.

Enfin, du 12 mai au 5 juin, la même Muse en Circuit organisera Extension, son 10e festival de création musicale contemporaine (à Paris et en proche banlieue), manifestation riche de concerts instrumentaux, mais aussi en œuvres mixtes ou plus purement électro-acoustiques.

Sans oublier, du 7 au 19 juin, le festival Agora de l'Ircam, qui abordera cette année le thème des prototypes en art (voir l'annonce déjà publiée).


Signalons en outre que différents lieux de la ville de Nanterre accueillent Planètes Musiques 2010 du 8 au 11 avril, qui se présente comme un festival de nouvelles musiques traditionnelles, mais dont l’électronique n’est pas tout à fait absente.


Et pour approfondir le sujet, Signal sur bruit recommande l'excellente somme Modulations, une histoire de la musique électronique, aux éditions Allia, dont la 3e édition a parue début 2010, élaborée par un collectif d’auteurs anglo-américains. Un ouvrage assez complet, fourmillant d’anecdotes et de suggestions d’écoute, de citations et d’interview de compositeurs (et non des moindres). Le propos est bien documenté, et est rédigé dans une langue percutante et décontractée.



Post-scriptum d’importance : Le monde de l’electronica, de la musique concrète et de l’électro-acoustique est évidement un domaine d’excellence des technologies numériques, et un terrain de prédilection pour la «young, playful and digital generation». Cela sonne-t-il définitivement le glas de l’analogique ? Pas sûr et c'est tant mieux ! Je restitue un propos échangé entre deux jeunes gens pendant l'entracte de la soirée de dimanche : «Dis donc, j’ai téléchargé des vinyl-rip des Beatles sur le net… Trop cool ! Ce n'est pas aussi bon que le vinyl mais c'est bien meilleur qu'un CD… ».

Du point de vue sonore, la décennie 2010 semble plutôt bien s’annoncer, finalement.


L'auteur remercie chaleureusement Philippe DAO pour sa disponibilité pendant cette manifestation.


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