mercredi 16 juin 2010

Festival Agora 2010 - 4 (suite)


Le Père - Michael Jarrell

Essais d'éclairages en décors réels

Jean-Paul Bernard, le directeur artistique des Percussions de Strasbourg, est en fait à l'origine du projet...



Jean-Paul Bernard : Le Père a vraiment été un long projet. Les gens sont étonnés quand j'en parle mais cela remonte environ à dix ans ! J'ai rencontré Michael il y a dix ans avec le groupe, nous étions à Royaumont à l'époque, et je lui avais demandé qu'il écrive une pièce pour les Percussions de Strasbourg. Je voulais qu'il écrive un opéra. C'était l'idée que j'avais, avec un orchestre qui serait seulement composé des Percussions et de chanteurs. C'était d'accord aussi avec le directeur de l'opéra de Strasbourg qui était très séduit !

Et puis Michael nous a dit qu'il ne voulait pas faire d'opéra mais plutôt du théâtre musical... Cela faisait longtemps qu'il voulait mettre ce texte en musique. Il l'avait déjà fait, quelques années avant, avec le projet Cassandre, c'était le même type de travail. Et finalement ça a pris dix ans, car il fallait que de nombreuses conditions soient réunies. Nous avions initié une commande d'état, mais il fallait trouver un metteur en scène...

SSB : Avait-il déjà commencé à écrire à cette époque là ?

JPB : Non, non, il avait l'idée, c'est tout... Il m'avait dit qu'il avait une idée précise de l'ouverture, très violente... Finalement, c'est un projet qui compte tenu de son ampleur est devenu cher à monter, il fallait trouver une grande maison, et c'est Frank Madlener de l'Ircam qui s'est montré intéressé. Nous en avions parlé avec Frank il y a déjà quatre ans, il a proposé que le metteur en scène soit André Wilms. Nous avons commencé à travailler ensemble en mars 2009 pour les premières répétitions, puis on passé encore quinze jours ensemble avant la création en Allemagne, début juin au festival de Schwettingen.

Céline Gaudier, assistante à la mise en scène,
aux côtés d'André Wilms

SSB : Il y a donc eu l'Allemagne, maintenant Paris, et ensuite ?

JPB : Le spectacle sera donné donné à Strasbourg à Musica, et nous avons des demandes pour Madrid et Hanovre, et puis nous verrons ce qui va se passer pour la suite... Ce sont toujours des projets très long à monter, il n'y a pas seulement les questions artistiques, mais les problèmes financiers... et qui sont même primordiaux ! Malgré la difficulté, hardiesse du texte, c'est vraiment une musique de scène, qui fonctionne, ça n'est pas une musique de concert.

SSB : Et après cette création, quelle sera l'actualité des Percussions de Strasbourg ?

JPB : Nous allons tomber dans notre cinquantième anniversaire, il y aura donc une tournée au Etats Unis et au Canada en février et mars 2011, ce qui nous fera partir un mois et demi. Puis peut-être le Mexique. Nous avons le projet de reprendre les Pleiades de Xenakis, qui à l'époque était une musique de ballet. Dans le cadre de notre anniversaire, nous avons pensé intéressant de prendre une oeuvre maîtresse et de la remettre dans le cadre d'une oeuvre pour ballet. Ce ne sera pas le ballet original, mais une chorégraphie d'une jeune chorégraphe. c'est prévu pour juin 2011 au festival de danse de Montpellier. Il y a pas mal de demandes, cela semble intéresser beaucoup de gens. Nous avons aussi un projet un peu fou autour de l'idée d'une opérette ! Cela fait un ou deux ans qu'on en parle...


Et pour conclure, il nous fallait nous rapporcher des musiciens afin de recueillir leur point de vue. Keiko Nakamura et Bernard Lesage se sont prêtés au jeu...

Keiko Nakamura : Dans cette oeuvre, nous avons tous des parties très différentes à jouer. En fait, la partition complète est venue un peu tardivement par rapport aux répétitions. Nous avions pu travailler la première partie à fond avec le compositeur. Les deuxième et troisième parties sont arrivées ensuite, et nous les avons travaillées un peu différement. Les répétitions que nous avons faites juste avant les représentations nous ont permis de revoir l'ensemble avec Michael, qui est très précis dans ses demandes. Il recherche vraiment beaucoup de couleurs sur chaque pupitre...

Bernard Lesage : C'est vrai, Michael Jarrell est un compositeur très pointilleux, il accorde énormément d'importance aux nuances. Il sait exactement ce qu'il veut entendre, et même ce que l'on peut appeler le caractère dans le jeu... Parce que l'on peut jouer la note, la nuance, mais lui veut vraiment le caractère. Il va nous dire par exemple comment terminer un geste qui doit donner l'impression de rester en suspens dans l'air. On doit interpréter aussi les intentions du compositeur, les jouer, tout cela passe par énormément de petits détails qu'il faut respecter.

Quand il écrit, il entend déjà tout parfaitement, jusqu'au choix des baguettes qu'il faut utiliser, toutes ces nuances de jeu. Il est amené à revoir ses choix également, en fonction de l'instrument, de l'interprète. Evidemment, il y a des indications qui ne peuvent pas être portées sur la partition. Il nous incite à contrôler nos gestes... Par exemple, au tam-tam, un piano peut se confondre avec un mezzo piano, car les résonances de l'instrument sont difficiles à maîtriser... Mais pas chez Jarrell !

KN : Heureusement, nous travaillons avec les compositeurs vivants (rire)... C'est vraiment notre point fort ! Nous pouvons faire la musique comme ils l'entendent, ce qui n'est évidemment pas le cas avec les autres répertoires. Michael et André Wilms s'entendent très bien, ils cherchent aussi ensemble des solutions... Et c'est très intéressant pour nous de travailler à ce programme de théâtre musical, au lieu d'une oeuvre de musique pure...

BL : Nous avions déjà joué Jarrell mais dans le cadre d'une oeuvre très courte, lorsque l'on a fêté les 40 ans de l'ensemble. Nous avions demandé à douze compositeurs de composer chacun une oeuvre de 2 mn et nous en avons fait un spectacle... Mais c'est la première grande pièce de Michael Jarrel que nous travaillons.

KN : Ici, nous avons des problèmes car le théâtre est petit, la scène est peu profonde. Nous avons dejà travaillé l'oeuvre quinze jours dans une plus grande salle, où nous avions le temps d'essayer telle ou telle disposition. Ici nous avons un peu manqué de temps et d'espace, mais le plus gros problème c'est que nous avons du mal à nous voir...

BL : Il y a toujours un interprète qui dirige le groupe, ce n'est jamais la même personne... Et ça n'est pas toujours très visuel, mais cela fonctionne. Ici, en plus, nous avons un clic aux écouteurs qui nous permet de nous synchroniser entre nous ou avec les chanteuses. Car dans certaines mesures compliquées, jouer et diriger en même temps n'est vraiment pas facile. Mais on aime beaucoup cette oeuvre, qui visiblement remporte pas mal de succès auprès du public...




Spectacle programmé du 17 au 19 juin
à l'Athénée/Théâtre Louis Jouvet
Square de l'Opéra Louis-Jouvet

7 rue Boudreau
75009 Paris

Site : www.athenee-theatre.com



Remerciements à Bernard Lesage et à Céline Gaudier qui ont facilité les contacts au sein de l'équipe.


Suite du festival