vendredi 30 octobre 2009

Delpire & Cie - Exposition à la MEP


Le passeur d'images

Robert Delpire investit avec cette exposition tous les niveaux de la MEP - à son corps défendant, s’il on s’en tient à son propos d’introduction. Mais personne ne s’en plaindra !

Robert Delpire interviewé par Erik Orsenna


Sans respect de la chronologie des événements, commençons par le sous-sol, où sont exposées des images de l’époque du Delpire publiciste.
L’arrivée presque accidentelle de R. Delpire dans le monde de la pub - dans les années 70, pour la marque Citroën - a quelque chose d’ingénu. Et de totalement inreproductible aujourd’hui, tant cette activité s’est professionnalisée, segmentée et même… rigidifiée. Il s’agit d’une très belle aventure, d’une véritable démarche d’artisanat au service de la mercatique balbutiante de l’époque. On en retiendra notamment (mais pas seulement) la saisissante et insaisissable DS photographiée de face par André Martin, ainsi que la savoureuse campagne de publicité «ménagère» pour la 2 CV, que ne renierait aucun graphiste actuel, tant le message est simple et efficace.

On se souvient aussi de la plus récente campagne visuelle pour Cacharel, riche d’images fixes et animées, magnifiée par le talent de Sarah Moon.
En parfaite adéquation avec les codes sociétaux de l’époque, l'homme y est d'action, la femme de séduction. Avec de surcroît la magie d’images évoquant l’univers des années folles, faussement décadrées, ornées de touches naïves de surimpressions, baignant dans une ambiance pastel et présentant beaucoup de grain.

Plus tôt, dans les années 50, le jeune Delpire fondait une revue d’art intitulée «Neuf» (ici le n°9, ornée du crocodile fétiche d'André François) alors qu’il était encore étudiant, et parvenait à cette occasion à fréquenter les milieux artistiques d’avant-garde. Il réalisait au passage à quel point il n’était pas fait pour ce à quoi il se destinait. Une belle leçon de vie, qui à force d’inlassable travail, va faire de lui un éditeur internationalement reconnu.

Il collabore ensuite à «L’Oeil» et commence à éditer des monographies de photographes, dont il a dû croiser toutes les figures majeures du 20e siècle. En témoignent les innombrables livres de reportage et d'art signés Henri Cartier-Bresson, Werner Bischof, Jacques-Henri Lartigue, Marc Riboud mais aussi Abbas, Koudelka, Capa, Mac Cullin… la liste est très longue !




Mais ce personnage aux multiples facettes est tout autant éditeur que photographe lui-même, facteur de beaux collages naturalistes, ou producteur de films «engagés» (Polly Magoo de William Klein).

En 1977, il propose à Claude Perdriel, directeur du Nouvel Observateur, la parution de numéros Spécial Photo qui remportent un très grand succès.En 1981, il est nommé Directeur du Centre National de la Photographie par Jack Lang, fonde la collection Photo Poche et l'initiative Photofolie. En véritable passeur, il veut sensibiliser les foules à l'art photographique et en faciliter l’accès de manière intelligente.

Plus récemment, il créée aussi la collection Poche Illustrateurs, afin de rendre hommage aux artisans de l’ombre que sont les dessinateurs et les graphistes, souvent ignorés du grand public. On y retrouve en bonne place son ami André François, auteur entre autres choses de très beaux livres pour la jeunesse, de nombreuses couvertures et d’une pertinente campagne publicitaire pour le magazine Le Nouvel Observateur.

Mais en parallèle à tous ces succès, la préoccupation humaniste reste intacte : Delpire produit pendant de nombreuses années le Calendrier d'Amnesty International et s’implique dans Fait et Cause, galerie consacrée à la photographie sociale.

Cette très riche exposition retrace de manière claire les différentes étapes de la carrière d’un acteur majeur du monde de l’image.




Calendrier des projections, animations et conférences à découvrir sur http://www.mep-fr.org